En plus de leur remise traditionnelle du prix Artiste pour la Paix de l’année décerné à Serge Lavoie (article précédent), les APLP ont fêté leurs 30 ans (leurs 30 vies!), en décernant aussi des prix hommage pour l’ensemble de leur œuvre à trois artistes le 14 février dernier: Fabienne Larouche, Dominique Blain et Arthur Lamothe, ce dernier en hommage posthume. Les trois artistes + Serge Lavoie ont reçu des parchemins rédigés à partir de textes de Richard Séguin, co-président d’honneur et de Raymond Lévesque, un des pionniers des APLP il y a trente ans, textes calligraphiés par Brigite Papineau, calligraphe (compagnie: L’or en Art). L’Agence Papineau-Couture (et en particulier Letizia Arriva, merci!) a assuré gracieusement les relations avec la presse. La Chapelle Historique Du Bon Pasteur nous a offert l’hospitalité grâce aux bons offices de messieurs Clément Schreiber, Pascal Boudreault et Guy Soucie: ce dernier part bientôt à la retraite après 25 ans de loyaux services à la musique, en particulier contemporaine, et après des années d’accueil de nos 14 février.
La fête a de plus reçu l’appui de commanditaires qui en ont assuré le succès grâce à la conjuguaison des efforts de notre trésorière (et cantinière!!!) Diane Croteau :
– Les vignobles :
Mme Nadège Marion du Vignoble Les Trois Clochers
M. Galiano du Vignoble Galiano
M. Frank Furtado et Mme Maryse Blanchard du Vignoble l’Orpailleur
Mme Luce Casavant du Vignoble du Domaine des Côtes d’Ardoise
– Les Fromageries :
M. Hugues Ouellet de la Fromagerie des Cantons Inc.
Fromages et bières de la micro-brasserie ALE & LAGER à Farmham
Mme Sara Julien de la Fromagerie de St-Alexis-de-Portneuf
____________________________________________________
La nouvelle présidente des APLP, Guylaine Maroist, s’est ainsi adressée à la presque centaine d’invités en la Chapelle Historique du Bon-Pasteur:
Les Artistes pour la paix ont décidé de rendre hommage à une femme qui éveille notre conscience collective depuis près de 25 ans. Fabienne Larouche a écrit plus de 1200 heures de fiction pour le cinéma et la télévision. Vous connaissez très bien ses œuvres, comme Virginie, Fortier, Les Bougon, ou maintenant Trauma, Unité 9 et 30 vies, puisqu’énormément populaires, elles sont regardées par toutes les couches de la société. C’est fascinant de penser qu’une personne peut parler à des centaines de milliers de personnes presque chaque jour depuis plus de 20 ans. C’est un énorme pouvoir d’influence. Presqu’autant que l’Église catholique à une certaine époque…
Heureusement pour nous, Fabienne Larouche nous parle surtout d’ouverture. À travers les quêtes de ses personnages, elle aborde les questions les plus controversées et nous permet de réfléchir et de faire progresser nos idées. Ses personnages parfois tordus développent notre compréhension de l’âme humaine et nous rendent plus tolérants. Son œuvre engendre plus d’empathie, plus d’humanisme et de paix.
Pierre Jasmin, vice-président, a poursuivi :
Dans la tradition bientôt trentenaire de nos Artistes pour la paix de l’année et celle plus récente de nos hommages qui a commencé il y a cinq ans, aucune récompense n’a jamais été décernée à un ou une artiste de la télévision: est-ce snobisme de notre part que l’art quotidien de la télé ait échappé à notre attention, surtout l’art de celle que nous récompensons aujourd’hui? Une nouvelle aux Artistes pour la Paix a eu comme première réaction de demander « peut-on donner une récompense d’artiste pour la paix à une pareille tête de cochon »? Justement, le travail pour la paix a besoin d’artistes de caractère, telle notre lauréate!
Il s’agit d’une artiste indépendante qui n’a pas peur de mettre en scène à la TV des pauvres, – on n’écrit plus ce mot, on écrit défavorisés -, toujours est-il que c’est chose rare, comme le souligne la revue l’Itinéraire, puisque toute la télé nord-américaine s’embourgeoise dans des histoires fabriquées d’amour glamour genre Occupation double en Espagne ou de détectives flamboyants avec voitures étincelantes et appartements de luxe. Non, l’artiste qu’on vous présente s’attache aux relations humaines et à leur psychologie. Et lorsqu’elle s’aventure dans la satire, les pauvres se mettent alors à imiter les travers des riches magouilleurs, comme dans la série des Bougon, écrite en grande partie par François Avard, un des très rares alliés des APLP. Je cite Pierre Falardeau à propos de cette émission :
Un jour dans le désert culturel canado-québécois d’expression francophone bilingue métissé d’interculturalisme de souche LasVégassienne sont apparus soudain Les Bougon, à mille milles de la culture duty free international du Cirque du soleil et de Céline Dion. Une bouffée d’air frais dans la platitude érigée en système par la télévision. Soudain il se passait quelque chose dans le vide intersidéral des médias tenus en laisse. C’était beau à voir : [l’émission] attaquait avec rage, systématiquement, les marchands de bonheurs désodorisé, les promoteurs de bien-être climatisé, « les dealeurs » de cochonneries à la mode, les vendeurs de bébelles inutiles, les crosseurs de Chambres de Commerce, les tripoteurs de commandites électorales (fin de la citation, excusez-la!!!).
Rappelons le travail de notre lauréate comme scénariste au cinéma dans le piège américain, avec son hypothèse oliverstonienne de mafia cubaine, film injustement négligé dans la commémoration télévisuelle cet automne du 50e anniversaire de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Sélectionnée par les APLP pour ce prix Hommage avant (hum!) le prestigieux gala des International Emmy Awards du 25 novembre dernier, Fabienne Larouche fut, dans l’année écoulée, à la fois réalisatrice de Trauma, productrice d’Unité 9 et scénariste de 30 vies, comme l’a dit Guylaine. Nous lui rendons hommage d’abord pour souligner la présence constante de personnages féminins forts dans son travail, puisqu’elle est à nos yeux la digne successeure des féministes Lise et Sylvie Payette et de la pionnière du petit écran, Janette Bertrand, et surtout, par ses talents de dialoguiste, de la scénariste Mia Riddez, qui aurait célébré cette année son 100e anniversaire. En outre, la télévision de Fabienne se démarque des productions américaines par des scénarios inventifs qui n’ont pas besoin dans ses séries dramatiques de coups de fusils à toutes les deux minutes pour relancer l’intérêt. Examinons les trois œuvres mentionnées :
– Trauma explore dans un hôpital les conflits éprouvés en relations humaines par des urgentologues ou chirurgiens dont les compétences exceptionnelles médicales sont hélas loin de s’appuyer sur des jugements équilibrés d’humanité. Par exemple, la directrice jouée par Pascale Montpetit (APLP 2010) est autoritaire de façon perverse, la chirurgienne jouée par Isabelle Richer s’est construit une carapace après une enfance marquée par le suicide de son père et les jeunes docteures de la série s’épivardent dangereusement, jusqu’en Haïti. La série se distingue aussi à nos yeux par ses bandes sonores originales confiées récemment à Martha Wainwright, – chantant en français!-, à Ariane Moffat en 2012, année du printemps érable, et cette année 2014, à Béatrice Martin ou Cœur de Pirate.
– Unité 9 montre à travers un scénario signé Danielle Trottier les blessures de femmes en prison. Voici un exemple du courage de productrice de Fabienne Larouche qui n’a pas hésité à investir dans ce projet au départ hasardeux. Qui aurait parié sur le succès mettant en scène des victimes de notre société (inoubliables prestations d’actrices par Micheline Lanctôt et Guylaine Tremblay), des losers qui ne trouvent la paix qu’en délaissant leurs hantises individuelles et en se solidarisant entre elles? Fabienne comme artiste n’a jamais peur d’explorer les conflits dans une perspective de progrès féministe, une piste exigeante qui a pourtant assuré à la série de trouver son public de façon éclatante, puisque les cotes d’écoute frôlent les deux millions et cela ne mesure pas la cote d’amour encore plus impressionnante!
– Dans 30 vies, série où Dan Bigras APLP 2007 joue le rôle sur mesure d’intervenant auprès des jeunes itinérants et où Fabienne témoigne d’une écriture de qualité remarquable, véritable exploit pour une production d’une telle quantité, puisqu’il s’agit d’une quotidienne, comme l’était Virginie, Fabienne présente divers destins de professeures – étonnante Mariloup Wolfe cet automne en enseignante en arts plastiques, Marina Orsini, Élise Guilbault et Karine Vanasse dans le passé – qui marquent de leur humanité les 30 vies adolescentes fragiles qui leur sont confiées. Portraits psychologiques se succèdent, explorant plusieurs détresses adolescentes : image corporelle de soi difficile jumelée à leur découverte de la sexualité, stress de réussir leurs études ou leurs idéaux, divorces de parents éprouvés économiquement, bitchages ou au contraire solidarités entre élèves, parfois décrochages et même suicides, bref, la vie réelle.
Et (sans crier gare, je passe au tu) cet hiver, tu nous présentes, quand la société se chamaille sur la charte, Benoît Brière en un univers où religion musulmane modérée, islamisme et homosexualité interagissent, bref, Fabienne, t’as pas peur de t’mettre dans ‘marde’ mais tu en ressors toujours plus forte et plus belle et c’est pour ça qu’on t’aime, nous des Artistes pour la Paix!
En terminant, je dois te dire que mes enfants de quinze et treize ans ne manquent jamais un épisode d’Unité 9, que ma femme urgentologue – qui vient d’être nommée avant-hier directrice des services professionnels d’un grand hôpital universitaire du Québec qui fournit des médecins en missions humanitaires en Haïti – ne rate pas un épisode de Trauma et que moi, qui ai été au tout début de ma carrière professeur dans une école secondaire publique de Rivière-des-Prairies, je peste depuis une semaine contre les Olympiques qui me privent des épisodes quotidiens de Trente vies!
_________________________________________________________
Hervé Fischer, nouveau membre du Conseil d’Administration des APLP et artiste internationalement reconnu, a ainsi été présenté par Pierre Jasmin:
« Il y a six mois, j’étais invité avec ma famille au bord de la Méditerranée par un ami de collège, Me Philippe Kirsch, fondateur à La Haye et premier juge de la Cour Pénale internationale, que mes fantasmes pacifistes imaginent pouvoir dans le futur emprisonner les militaires avant même qu’ils commettent leurs crimes de guerre.
La femme de Philippe, artiste finlandaise, nous conseille sur notre chemin vers Barcelone d’arrêter à Céret, village dans les Pyrénées avec un musée extraordinaire où le personnel qui nous entend parler nous interroge : « Vous êtes québécois? Connaissez-vous Hervé Fischer? » La dame d’une boutique d’art pas loin nous posera la même question passionnée. Ça tombe bien : prof à l’UQAM, j’ai entendu parler de l’Institut de recherche Hexagram avec son prof vedette de l’Université Concordia, peintre, artiste-philosophe-sociologue, chercheur interdisciplinaire visionnaire des arts médiatiques et même numériques, détenteur de moult doctorats, mais c’est cet amour des petites gens de Céret qui me séduit. Aussitôt revenu à Montréal, je l’invite à faire partie du nouveau conseil des Artistes pour la Paix que la présidente Guylaine Maroist s’affaire à rassembler et il dit oui, quand je serai de retour d’Argentine. Entre deux voyages à Paris et en Chine, il trouvera le moyen de participer à la sélection de nos hommages. Voici Hervé Fischer… »
« Mes amis du regroupement des artistes pour la paix m’ont fait l’amitié en septembre 2013 de m’inviter à rejoindre leur conseil d’administration. En cette célébration du trentième anniversaire du regroupement, j’ai le plaisir de rendre hommage à Dominique Blain, une grande artiste dont l’engagement dans l’actualité, l’originalité et la force d’expression convainquent immédiatement. Le mode interrogatif, plutôt que partisan dénonciateur, de ses images photographiques, de ses constats (objets, installations), qui favorise la réflexion critique personnelle du public, rejoint mes options personnelles de l’art sociologique pour prioriser la dimension éthique de l’art et y soumettre l’esthétique.
En faisant défiler des photos d’oeuvres marquantes, sans compter une bannière impressionnante déployée sur scène, Hervé rend ensuite un hommage senti pour l’ensemble de sa carrière à l’artiste visuelle universellement reconnue Dominique Blain.
« C’est avec un foulard « où tous les symboles religieux du monde vivraient en harmonie sur le même bout de tissu » au cou que l’artiste Dominique Blain pose ici à côté de son œuvre Portrait de famille, représentant les chefs d’État flous et fantomatiques » (texte, Nathalie Petrowski et photo, André Pichette, LA PRESSE).
Les APLP retiennent en particulier de Dominique Blain cet objet d’art provoquant, exposé à travers le monde, qu’elle a tenu à faire tisser au Pakistan, un tapis représentant diverses mines anti-personnel (photo suivante). On sait que le traité d’Ottawa favorisé par l’ex premier ministre Jean Chrétien (et les APLP) réussit à faire diminuer d’année en année les victimes de ces engins, expressions monstrueuses du terrorisme des puissances mondiales qui les ont utilisées à travers le monde, mais jamais chez elles… Se vérifie l’expression du regretté artiste de l’UNESCO Peter Ustinov, selon qui « si le terrorisme est la guerre des pauvres contre les riches, la guerre est le terrorisme des riches contre les pauvres« . Observons toutefois qu’il est mort avant la vague des soi-disant martyrs islamistes…
_____________________________________________________
Un troisième hommage à Arthur Lamothe, cette fois posthume, a été prononcé par le vétéran Pierre Jasmin, qui a d’abord tenu à souligner le départ des regrettés :
– l’auteure-jeunesse Louise Champagne, plusieurs années secrétaire ou vice-présidente des APLP ( objet d’un article dans in memoriam)
– le clown Dézo, de son vrai nom Jean-Pierre Desaulniers,
– Peter Wintonick, documentariste en 1992 du Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media, « utopiste dans l’âme et ardent apôtre d’un monde équitable, il a mis son talent et son énergie au service du changement social et de la solidarité. Il laisse dans le deuil sa conjointe Christine Burt »,
– notre plus grande inspiration, Frédéric Back (objet d’un article),
– et un de nos présidents-fondateurs, Jean-Louis Roux, aussi regretté par ses compagnes et compagnons du Théâtre du Nouveau-Monde (objet d’un autre article),
L’hommage rendu au cinéaste-documentariste Arthur Lamothe (1928-2013), le fut en présence de son assistant André Desrochers et de sa veuve Nathalie Gressin (photo ci-jointe): on peut lire cet hommage, vibrant plaidoyer pro-autochtone dans la section in memoriam (hommages posthumes officiels).
Aucun commentaire jusqu'à présent.