Par les Artistes pour la Paix (P. Jasmin)

Anciennement ministre de la Santé de 2001 à 2005 au gouvernement réformateur de Mohammad Katami, le député Massoud Pezeshkian est arrivé en tête du suffrage iranien, ayant récolté 42,5 % des suffrages le 28 juin 2024.

La présidentielle en Iran se décidera le 5 juillet entre le candidat réformateur Massoud Pezeshkian (ci-haut) et le conservateur Saïd Jalili, arrivés en tête d’un premier tour où la participation a été la plus faible depuis les débuts de la République islamique en 1979.

Anciennement ministre de la Santé de 2001 à 2005 dans le gouvernement réformateur de Mohammad Katami, le député Massoud Pezeshkian a récolté 42,5 % des suffrages vendredi. Âgé de 69 ans et chirurgien de profession, Massoud Pezeshkian est député de Tabriz, grande ville du nord-ouest de l’Iran. Il s’est fait connaître pour son franc-parler qui a critiqué le pouvoir lors du mouvement de protestation provoqué par la mort en détention de Mahsa Amini (1999-2022). Il prône un réchauffement des relations entre l’Iran et les pays occidentaux, afin de lever les sanctions américaines qui affectent durement l’économie.

Des violences de rue ont coûté la vie à plusieurs personnes depuis la mort de Mahsa Amini, d’abord arrêtée par les Gardiens de la Révolution islamique pour avoir porté le voile de manière «inappropriée» ! © AFP / KENZO TRIBOUILLARD/Getty Images.

M. Pezeshkian a devancé Saïd Jalili, ancien négociateur du dossier nucléaire, crédité de 38,6 % au premier tour de cette présidentielle organisée après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère en mai. Le conservateur défend la poursuite d’une politique anti-occidentale et la loi du port du voile. Saïd Jalili a reçu samedi le soutien du président conservateur du Parlement, Mohamad Baquer Ghalibaf, arrivé troisième avec 13,8 % des voix. Deux autres candidats conservateurs, qui avaient abandonné avant le premier tour, ont également appelé à voter pour Jalili, qui tout au long de sa carrière, a accédé à des postes clés au sein de la République islamique avec la confiance du guide suprême, l’ayatollah Khamenei. Il est actuellement l’un de ses deux représentants au Conseil suprême de sécurité nationale, la plus haute instance sécuritaire du pays.

Saïd Jalili a mené les  négociations sur le nucléaire iranien. © Majid Asgaripour/Reuters.

Faible taux de participation

Aucun des deux candidats n’ayant obtenu la majorité absolue, un second tour est nécessaire, pour la deuxième fois seulement en 14 élections présidentielles depuis 1979.

Pour l’emporter, Massoud Pezeshkian devra compter sur une mobilisation des abstentionnistes décidés à faire barrage à Saïd Jalili. La tâche s’avère ardue alors que la participation, à environ 40 % selon les autorités, a été encore plus faible que pour la présidentielle de 2021 et les législatives de mars. Les appels à voter avaient pourtant été lancés à la fois par la plus haute autorité de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, et par les figures des camps réformateurs et modérés. De plus, les opérations de vote, qui devaient se terminer à 18 h ont été prolongées jusqu’à minuit. Mais des opposants, notamment ceux de la diaspora, comprenant des royalistes nostalgiques du Shah d’Iran (!), avaient appelé au boycottage du scrutin, n’ayant aucune foi en la « République » islamique.

Dans un message vidéo, M. Pezeshkian a appelé ses partisans à se rendre à nouveau aux urnes la semaine prochaine pour sauver le pays de la pauvreté, des mensonges, de la discrimination et de l’injustice. Les électeurs ont un choix clair à faire entre ce réformateur qui, tout en se déclarant loyal à la République islamique, prône l’ouverture, notamment à l’international. Le second tour sera suivi avec attention à l’étranger alors que l’Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au cœur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza, en Irak, en Syrie et au Liban jusqu’au dossier nucléaire.

Des femmes passent devant une murale représentant des combattants armés de fusils d’assaut sur un mur de la place de la Palestine à Téhéran © ATTA KENARE/AFP

Le 2e tour verra donc s’affronter deux personnalités aux profils et aux programmes très différents qui pèseront sur l’orientation du pays, même si le président a des pouvoirs restreints, chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, qui est le véritable chef de l’État et qui a décidé l’entrée de l’Iran dans le BRICS en janvier dernier.

Sans publier les exacts premiers résultats, la presse iranienne prenait position samedi matin selon son attachement politique. Vive l’espoir, titrait le journal réformiste Sazandegi en publiant une photo de Massoud Pezeshkian, tandis que le quotidien gouvernemental appelait à voter selon les vœux de l’autorité iranienne.