Dernière heure (voir aussi fin de la section 3) : ancien président du Parti Libéral du Québec de 2000 à 2008, cet avocat qui représente le Canada à l’ONU a eu le 28 mai recours à l’ancienne tactique préférée de Jean Charest en lançant un écran de fumée pour faire oublier la duplicité des sanctions économiques du Canada face à vingt pays, dont neuf d’Afrique, tandis que Trudeau a renchéri sur sa pseudo-initiative économique promettant qu’elle serait au profit des pays pauvres, si le Canada était choisi pour siéger au Conseil de Sécurité des Nations-Unies !
Ces derniers mois, l’aplatventrisme de Trudeau s’est manifesté en s’ankylosant davantage par peur de Trump, ce qui est très inquiétant et au détriment de la paix.
Perspective historique : sur la corde raide (ONF)
Quelques amis défendent l’attitude politique de Trudeau fils que je déplorais sur facebook en rappelant l’allégorie de Trudeau père sur le Canada comparable à une souris qui, couchant avec l’éléphant américain, doit donc le ménager. L’Office National du Film rend disponible gratuitement un documentaire par l’ontarien Claude Guilmain, sur les bénéfices incalculables qu’a valus au Canada le courage de Jean Chrétien quand il s’est objecté à l’invasion de l’Irak par Bush, Blair, le général Powell, Condoleeza Rice et le maître du complexe militaro-industriel Dick Cheney. Peut-être désireux de racheter ses grenouillages de commandites marécageuses, Chrétien a fait confiance en 2003 au maître d’œuvre de la diplomatie canadienne, Paul Heinbecker. Ce dernier partageait les sources de renseignements onusiennes, par exemple du suédois Hans Blix niant la possession d’armes de destruction massive par Saddam Hussein, avec le Mexique et le Chili alors au Conseil de Sécurité et les rendait publiques, ce qui enrageait les Américains. Leur pression pour l’écarter de l’ONU où il était ambassadeur étant devenue très forte, il s’en est plaint au Premier ministre qui lui répondit, selon ses propres mots : « Listen, Paul, you’re a big guy, do what big guys do: tell them to go to hell! Tu es un grand garçon : envoie-les au diable ».
Le film présente aussi une citation de la chroniqueuse politique du Toronto Star (Torstar vient d’être vendu cette semaine) et journaliste à Radio-Canada, Chantal Hébert, invitée dimanche au dernier Tout le monde en parle de la saison. L’élite canadienne anglaise (journalistes, politiciens et état-major de l’armée) ne se posait même pas la question sur l’entrée en guerre qui leur semblait aller de soi, aux côtés des alliés traditionnels, Grande-Bretagne et États-Unis. Pendant ce temps, les Artistes pour la Paix et Échec à la guerre mobilisaient un quart de million de manifestants dans les rues de Montréal, malgré un froid de canard mais avec le soutien des médias d’alors.
Le conservatisme de Trudeau s’envenime
1- Sa politique sud-américaine coordonnée avec le groupe de Lima, complice du clown Juan Guaido, des présidents brésilien Jair Bolsonaro et colombien Ivan Duque, ainsi que d’Elliott Abrams envoyé spécial de Mike Pompeo, veut déterminer en sol américain « le futur du Venezuela », rien de moins. Mentionnons son appui tacite au coup d’état en Bolivie qui a sorti le président autochtone Evo Morales et entré le pays dans le chaos.
2- Au Moyen-Orient, sa justification des exportations de blindés canadiens a fait fi du régime saoudien capable de démembrer un journaliste dans une ambassade étrangère et surtout de massacrer la population du Yémen. Sa politique pro-Netanyahou en Israël laisse perpétrer une colonisation de la Palestine sans dire mot.
3- Malgré notre lettre inspirée par Walter Dorn du 7 avril, Trudeau a anéanti le rôle pacificateur des Casques Bleus de l’ONU, une fierté pourtant à forte saveur canadienne depuis Lester B. Pearson : il a à toutes fins pratiques abandonné le Mali aux troupes françaises armées néocoloniales.
4- Même s’il a refusé d’obéir aux conservateurs qui réclamaient une intervention armée de la Gendarmerie Royale du Canada contre le clan héréditaire des Wet’suwet’en en février, Trudeau a promis $500 millions à la Coastal Gas Link pour imposer le gazoduc litigieux.
5- Les interventions de son ministre des Affaires étrangères ont mis de l’huile sur le feu, après la tuerie organisée en janvier par Trump en Irak/Iran.
6- Son appui inconditionnel à l’OTAN provoque ses déclarations incendiaires contre la Russie et la Chine (et la poursuite de la détention de madame Meng Wan-Zhou). Et il applique une militarisation accélérée (et irraisonnée en termes d’objectifs de paix) du Canada, notamment avec ses navires de guerre Irving/Lockheed Martin à $70 milliards dont la construction se poursuit en pleine pandémie.
Pétitions diverses
Le nombre de nos pétitions s’accélère, en vain vu la censure appliquée par les médias par peur des réactions de leurs commanditaires associés au complexe militaro-industriel.
Depuis deux mois, le Groupe des 78 et Victor Ramos ont signé et fait signer des lettres dénonçant l’agressivité menaçante de sanctions canadiennes, en particulier contre l’Iran et le Venezuela. Aujourd’hui, nous saisissons avec Ken Stone le NPD d’un projet de pétition qui serait déposé à la Chambre des Communes; la voici simplement :
Attendu que
- dans sa lettre du 23 mars aux leaders du G20, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait déclaré: « J’encourage la levée des sanctions imposées à divers pays, afin de leur garantir l’accès à la nourriture, aux fournitures médicales essentielles et aux médicaments COVID-19. C’est le moment de la solidarité et non de l’exclusion… Souvenons-nous que nous sommes aussi forts que le système de santé le plus faible de notre monde interconnecté »;
- dans son message pascal, le Pape François a également appelé à la levée de toutes les sanctions économiques afin de mieux servir l’effort mondial contre la pandémie;
- le gouvernement Trudeau entretient un régime de sanctions économiques unilatérales contre vingt pays du monde, neuf d’entre eux situés en Afrique;
- ces sanctions empêchent les pays ciblés de réagir plus efficacement à la pandémie; elles nuisent donc à la sécurité mondiale ainsi qu’à nos propres efforts contre le coronavirus.
Avec cent éminents citoyens qui ont déjà signé une pétition à cet effet, nous soussignés, citoyens et résidents du Canada, demandons au gouvernement du Canada, en cette période de pandémie, de lever toutes ses sanctions économiques coercitives. »
Au lieu de répondre positivement à nos demandes conjuguées, le Canada fait aujourd’hui une vulgaire promesse électorale, prétendant que « sécurité économique mondiale est l’un des thèmes que compte mettre de l’avant le Canada s’il obtient un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en 2021-2022, se voulant ainsi être un précurseur en la matière ». J’ai honte à mon pays non seulement devant cette affirmation de M. Blanchard à l’ONU, mais encore qu’une si indigne propagande soit relayée… par Radio-Canada.
Observations des Conférences internationales Pugwash
Pugwash [1] rappelle que le Canada de Trudeau a boycotté le Traité d’interdiction des armes nucléaires (2017) et n’a pas réagi face à la perspective du non-renouvellement de l’accord New START américano-russe (2010) avant son échéance de février 2021, ce qui voudrait dire qu’il ne restera plus un seul traité international susceptible d’imposer des limites précises sur les arsenaux nucléaires. Trump a déchiré le Traité sur les missiles antimissiles balistiques ou Traité ABM (2001), le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (2007), le pacte nucléaire iranien (JCPoA – 2018) et le Traité de limitation des armes nucléaires à moyenne portée (2019).
Cette semaine, Trump déchire le Traité Ciel ouvert (2002). Cet accord [2] permettait aux membres, y compris la Russie et les États-Unis, de survoler leurs territoires réciproques, suivant le conseil célèbre de Ronald Reagan de « faire confiance tout en vérifiant » : le Canada a joué un rôle clé dans l’élaboration de ce traité et est un des États dépositaires, ayant la permission d’effectuer 12 survols annuels. C’est donc avec stupéfaction qu’on a constaté que ni la Norvège, ni la Grande-Bretagne, ni surtout le Canada ne s’est joint aux dix pays européens, et non les moindres, qui ont ensemble protesté qu’ils continueraient l’application de ce traité : Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Luxembourg, les Pays-Bas, République tchèque et Suède. Pour se rendre compte de l’énormité de cette attaque à la paix à laquelle Trudeau ne réagit pas, on lira l’ouvrage du professeur Peter Jones, mon collègue qui était de notre délégation Pugwash à Berlin en 2011: Open Skies: Transparency and Confidence-Building and the end of the Cold War (Stanford University Press). Il vient d’écrire un commentaire disant pourtant à quel point cet abandon de Trump pénalisera davantage les alliés que les États-Unis qui ont la technologie pour se défendre.
Enfin, merci au professeur Paul Meyer qui dirige Pugwash Canada de s’indigner du fait qu’on n’ait encore enregistré aucune réaction canadienne contre la volonté exprimée par Trump d’effectuer à nouveau des tests d’armes nucléaires, tout-à-fait contraires au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires TICEN, signé par les États-Unis en 1996. Toutes ces nouvelles alarmantes vous sont cachées par les médias officiels.
[1] Pierre Jasmin est membre de cette organisation depuis 2006 (lire www.pugwashgroup.ca).
[2] Lire www.openskies.flights un site opéré par l’Institut de Recherches sur la Paix et la Sécurité, grâce à l’Université de Hambourg.
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