La problématique globale se situe en équilibre au cœur d’une éthique globale des rapports sociaux : les conceptions contemporaines des droits humains réfèrent d’abord aux droits individuels, laissant trop souvent les droits collectifs dans l’ombre. En principe, chaque personne jouit des mêmes droits fondamentaux, sociaux, politiques et économiques. Évidemment, la réalité diffère trop souvent des principes; les inégalités entre les citoyens et les citoyennes semblent plus abyssales que jamais. La fameuse loi régulatrice du marché semble devenue un dogme infaillible au plan économique, mais en réalité il s’agit d’un échec sur le plan de l’inclusion sociale.
Un premier niveau de prise de conscience consiste à reconnaître l’existence des inégalités sociales et économiques et l’exclusion sociale de plusieurs catégories de la population. Un deuxième niveau permet de constater que les individus ne sont pas nécessairement personnellement responsables du fait qu’ils ne peuvent participer à la vie sociale, économique, culturelle et politique; on entend souvent répéter que chaque personne est l’artisan de son malheur ou de son bonheur. Il y a là matière à réflexion. Enfin, troisièmement, une « conscience critique » analyse les facteurs d’exclusion systémique inter-reliés par des causes structurelles au cœur du système économique, au mode de représentation politique et aux lois (cadre juridique) qui encadrent la marche de la société.
Expliquons! Peu importe la catégorie sociale des citoyens et citoyennes (groupes racialisés, Premières Nations, réfugiés, immigrants, personnes à faibles revenus, etc.) qui vivent l’exclusion sociale, les causes souvent évoquées dans les milieux populistes réfèrent à des stéréotypes et des préjugés attribués à telle ou telle catégorie de la population: ignorance, irresponsabilité, paresse, manque d’ambitions, etc. En d’autres termes, on juge les victimes responsables de leur exclusion. Une telle perspective justifie l’indifférence et le laisser-faire voire l’exclusion, le mépris et même le rejet violent, le profilage social et toutes les diverses formes de rejet.
Au sein des groupes de pouvoir et des gens qui s’y identifient et y participent activement, le discours sous-jacent est simple : ne dérangez surtout pas notre confort, notre pouvoir, notre égoïsme de classe, nos moyens de consommation et tout ce qui contribue à renforcer la passivité, le laisser-faire, l’individualisme et l’indifférence. Souvent, rester dans l’inconscience et le déni de la responsabilité à l’égard de l’Autre et de la société signifie tolérer les inégalités et l’exclusion comme les composantes d’un destin inéluctable. Dans cette perspective, il n’y aurait donc pas de solution à l’exclusion même s’il y a là un facteur fondamental de conflit.
En réponse à cette perspective aux couleurs fatalistes, l’intégration sociale, économique, culturelle et politique se définit comme un processus dynamique d’acquisition d’habiletés qui permet aux individus de participer à la vie sociale, économique, culturelle et politique. Dans cette perspective globale, l’intégration relève autant d’une responsabilité collective qu’individuelle. La seule bonne volonté ne suffit pas dans le combat contre l’exclusion. La solidarité entre les citoyens et les citoyennes s’avère nécessaire pour réclamer le respect des droits de la masse d’exclus et un vivre-ensemble pacifique? En ce sens, l’État, les institutions sociales, les entreprises et les organisations citoyennes doivent favoriser une pleine reconnaissance des droits d’une manière responsable et proposer des politiques et des programmes d’action à caractère structurant: éducation, francisation, lutte à la pauvreté, égalité hommes-femmes, services de santé, politiques démocratiques et diplomatiques de paix au lieu de militaristes, politiques fiscales justes et autres leviers essentiels à l’intégration sociale, culturelle et économique.
Fort d’une conscience critique, chaque individu devrait envisager sa responsabilité solidaire. Militer au sein d’organisations conscientes de la promotion des droits et de la paix contribue à promouvoir des actions contre l’exclusion sociale et pour l’intégration pleine et entière de tous les citoyens et de toutes les citoyennes. Évidemment, le souhait que l’ensemble des gens développe une conscience critique reste utopique, mais même si une minorité participe à l’action constructive du vivre-ensemble, le levier du changement reste vivant.
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