Tonine (1929-2025)

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Consciente de la force de son œuvre, consacrée par trente-et-un doctorats honorifiques à travers le monde et l’obtention pour Pélagie-la-Charette d’un prix Goncourt (1979), première non-européenne et toujours seulE CanadiennE à l’avoir reçu, Antonine s’était engagée :

  1. d’abord pour l’Acadie et son histoire tragiquement marquée par la déportation qui a engendré entre autres le conte Évangéline de Longfellow chanté par Marie-Jo Thériô, mais surtout portée par l’immense fierté de sa culture, musicale folklorique avec Salebarbes, Édith Butler, Lisa Leblanc, Angèle Arseneault, Ginette Ahier, etc., et les contes, pièces de théâtre et livres au particularisme langagier hérité de Rabelais (sujet de son doctorat à l’Université Laval, après deux ans de recherches à Paris). Rabelais l’a influencée aussi pour l’insolence sympathique qu’elle adresse, comme lui, tout au long de sa vie aux politiciens, principalement par son œuvre immortelle la Sagouine, une femme de ménage qui a plus de jugeotte que ceux qui se croient maîtres du monde, interprétée par Viola Léger; elle lui refile respectueusement la demande en l’an 2000 de Jean Chrétien de la voir accéder au Sénat canadien, après qu’elle-même ait reçu en 1976 la distinction d’Officière de l’Ordre du Canada puis Compagnon en 1981.

Il y a un village de la Sagouine à Bouctouche, qui reçoit principalement du Québec la visite de 80 à 90 mille visiteurs annuels. L’Université de Moncton, qu’on espère, comme notre ami l’ex-maire d’Amqui changer ce nom infâme par Université de l’Acadie, a pieusement annoncé mettre ses drapeaux en berne pendant les dix prochains jours;

  1. ensuite pour la démilitarisation du Canada conformément aux désirs de l’ONU (UNIDIR), en acceptant en 1988 de succéder à Jean-Louis Roux comme présidente des Artistes pour la Paix (à sa demande expresse, je lui succéderai en 1990, quelques jours à peine avant qu’éclate la résistance mohawk de Kanesatakeh, objet d’un film à l’ONF par une cinéaste-membre de notre C.A. d’alors, Alanis Obomsawin).

En 1989, elle avait sagement identifié, comme élément principal de notre engagement collectif, la lutte menée jusqu’en deux réceptions de la Gouverneure générale Jeanne Sauvé auprès du Premier ministre Bryan Mulroney contre l’achat onéreux et polluant de sous-marins nucléaires voulu par le Secrétaire général de l’OTAN militariste, Manfred Wörner. On était à moins d’un an de la chute du mur de Berlin. Son successeur Willy Claes d’origine belge devra démissionner de son poste après avoir été mis en cause dans l’affaire de corruption relative à l’achat d’hélicoptères EH-101 italiens Agusta (avec obusiers anti-sous-marins) projeté par madame Campbell : il sera condamné en 1998 à trois ans de prison avec sursis et interdiction pour cinq ans d’exercice d’une fonction publique, tandis que le Parti conservateur perdra ses élections avec deux députés survivants à leur déconfiture électorale sans précédent, dont Jean Charest !

Je suis allé quelquefois porter des documents à sa résidence à Outremont de la rue Antonine-Maillet, une incongruité qui l’amusait beaucoup, comme en fait foi la superbe entrevue livrée récemment en partie sur « sa » rue à André Robitaille. Elle y avait vécu un quart de siècle, libre et heureuse avec son amoureuse Mercedes Palomino avec qui elle a bâti l’institution du Théâtre du Rideau-Vert.

Son grand roman-récit que je lui avais déclaré « sous-évalué » par la critique, m’en indignant, Madame Perfecta, montrait avec sensibilité un autre exemple de ces heurts de classes bourgeoise et ouvrière, à l’origine de la presqu’entièreté de son œuvre, heurts aggravés par la condition immigrante de cette autre femme de ménage.

Ma douleur d’avoir perdu une amie si chère s’avive à la perte il y a deux mois de tout mon dossier APLP par une fausse manœuvre dans mon ordi : s’y trouvait aussi la correspondance écrite entretenue avec Tonine.

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Pour conclure, voici le dernier courriel que nous avons fait parvenir à notre présidente d’honneur, pour l’informer des nominations que le C.A. venait de faire pour les trois réalisatrices Artistes pour la Paix de l’Année 2025 et pour notre hommage aux Femmes de diverses origines, ce qui a dû lui plaire grandement.

Artistes engagés depuis plus de quarante-et-un ans dans l’espoir de sauver notre planète

Notre C.A., fluctuant jusqu’à treize membres, compte présentement sept membres : Rita Amabili, Daniel Gingras, Barbara Guy, Pierre Jasmin, Izabella Marengo, Sylvie Mérineau et Claude Nicol.

Nous appuyons l’ONU – UNIDIR, OMS, UNHCR, UNICEF, UNESCO et Office de secours et travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – UNRWA, non-violente et anti-génocidaire. Avec tous les organismes favorables au bien commun, nous luttons

contre les menaces à la santé par les Big Pharmas et les pollutions principalement pétrolières et

pour la paix menacée par neuf pays et l’Organisation du Traité d’Atlantique-Nord armés de bombes nucléaires et essaimant dans le monde, comme les 750 bases militaires des États-Unis.

Enracinés en un Québec français, vert et laïque, APLP vise une paix durable, obtenue pacifiquement grâce à

– l’éducation, la justice sociale (accès au logement), l’équité des femmes et l’Art vecteur de Paix ;

– la solidarité avec les Premières Nations qui nous enseignent le respect de la nature ;

— L’appui aux immigréEs, en favorisant leur francisation et ouverture aux réalités féministes et LGBTQIA.