… de la paix
Le 3 juin nous fait vivre des moments historiques déterminants. À l’échelle internationale, la paix en jeu n’est qu’un jouet entre les mains d’une élite mortifère pétrolière, qui plus est armée d’ogives nucléaires : même la cheffe du Parti Vert Elizabeth May compromet son intégrité avec les pipelines du « libéral » Justin Trudeau !
Donald Trump, reçu en grandes pompes par la royauté décadente de Grande-Bretagne, endosse le Brexit dur de Nigel Farage [1] et Boris Johnson face à une Europe chancelante suite à des élections qui envoient à Bruxelles un lot inquiétant de députés populistes et même d’extrême-droite. L’idée même de la fondation de l’Europe était de rebâtir un continent dévasté par l’idéologie et l’armement national-socialiste [2] ! Cette réécriture de l’histoire justifierait l’opinion attribuée à Karl Marx, selon qui l’histoire ne se répète pas, elle bégaie.
Elle justifie l’agitprop de la militante Yoko Ono à qui la Fondation Phi pour l’art contemporain au 451 rue Saint Jean, dans le Vieux-Montréal, consacre une exposition ouverte jusqu’au 25 septembre. Éric Clément dans La Presse relate « combien l’artiste américano-japonaise, indépendamment de ses collaborations avec John Lennon, a bouleversé l’histoire de l’art avec notamment ses Instructions, un art conceptuel humaniste prônant la participation de tous, en particulier des femmes debout qu’elle invite à participer sur info@dhc-art.org avec leurs témoignages et photos ».
L’exposition Liberté conquérante survole la carrière de Yoko Ono laissant une empreinte forte dans l’histoire de l’art et du féminisme, facette essentielle du pacifisme. On serre les rangs ensemble contre l’agression de lois sudistes face au choix légitime de l’avortement. Un excellent écho médiatique a accueilli celle qui s’était rendue célèbre en contestant la guerre au Vietnam par un bed-in pour la paix à Montréal [3].
Dommage que deux événements locaux ne soient pas accueillis ne serait-ce que par un vingtième de cet écho médiatique : le 22 mai, le Réseau pour la paix et l’harmonie sociale dans le cadre de la Journée Internationale du vivre-ensemble en paix a vu l’artiste pour la paix Izabella Marengo collaborer avec Mamselle Ruiz de Femmes Internationales au Canada Dawson Peace Centre.
Puis, le 2 juin, quatre-vingts exposants ont présenté leurs œuvres à l’Écomusée du fier monde [4] lors du vernissage de l’exposition Biennale Les créateurs de Paix 2019 : une heureuse initiative du président des Artistes pour la Paix, le peintre André Michel, bien épaulé par les équipes des APLP et de l’Écomusée, ainsi qu’une « armée » d’amateurs bénévoles.
Ces deux événements ont attiré des centaines de personnes, dont Raôul Duguay, présent au Musée à titre à la fois de :
- peintre-exposant d’une œuvre reflétant un engagement cosmogonique : d’ailleurs, dans un film relatant la carrière du regretté Jean-Claude Labrecque [5], il s’illustrait comme musicien-philosophe de l’Infonie, lors de la Nuit de la Poésie, première mouture;
- militant pacifiste dont un des textes a été sélectionné dans l’essai au titre retentissant, Pour la paix, brisons le silence !
Car c’était le lancement par Les éditions de la Pleine Lune de cet ouvrage de sa section Regards solidaires dont la préface débute par les mots essentiels d’André Michel : définie par l’ONU comme valeur essentielle pour le développement de l’humanité, la culture de la paix est d’une urgente nécessité au XXIème siècle (…) alors que certains tentent d’attiser les haines et les divisions.
L’auteur principal André Jacob rappelle, dès le premier chapitre, l’importance en l’an 2000 du manifeste de l’UNESCO intitulé Promouvoir une culture de la paix; le militant chilien Tito Alvarado évoque douze principes fondamentaux – plusieurs écologiques – de la paix, tandis que l’écrivain Paul Chamberland assume avec optimisme qu’à partir de Imagine : maybe I’m a dreamer, but I’m not the only one, on soit des millions à lutter contre la pulsion de mort et l’agressivité des puissants qui se croient prétentieusement invulnérables. Si le militant et ancien Maire pour la Paix français Michel Cibot cite fort à propos Albert Camus [6], il a aussi l’élégance de parsemer son chapitre anti-nucléaire de références canadiennes, tels l’hibakusha Setsuko Thurlow recevant le prix Nobel de la Paix à Oslo pour ICAN.org et le film qu’il qualifie de documentaire magistral, Plus jamais d’Hiroshima de Martin Duckworth (APLP2001). Il rappelle l’urgence du Traité d’Interdiction de l’Arme Nucléaire (TIAN), poussé par 122 pays le 7 juillet 2007, contre lequel le Canada et ses vingt-huit complices de l’OTAN ont voté non.
André Jacob développe ses réflexions philosophiques sur la responsabilité citoyenne comme levier de paix, en rappelant justement : « peu importe la catégorie sociale des citoyens et citoyennes (groupes racialisés, Premières Nations, réfugiés, immigrants, personnes à faibles revenus) qui vivent l’exclusion sociale, les causes évoquées dans les milieux populistes se rapportent à des stéréotypes et des préjugés attribués à telle ou telle catégorie de population : ignorance, irresponsabilité, paresse, manque d’ambition, etc. en d’autres termes, on juge les victimes responsables de leur exclusion. »
La simplicité volontaire et la nonviolence, bien résumées par Dominique Boisvert, nous ramènent à la sagesse audacieuse des réflexions sur la guerre de la grande Simone Weil : « Sous tous les noms dont il peut se parer, fascismes, démocratie ou dictature du prolétariat, l’ennemi capital reste l’appareil administratif, policier et militaire; non pas celui d’en face, qui n’est notre ennemi qu’autant qu’il est celui de nos frères, mais celui qui se dit défenseur et fait de nous des esclaves. »
L’OTAN a instrumenté notre ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland en Ukraine où leur allié Poroshenko vient de subir une défaite humiliante, au Venezuela, où leur allié Guaido ne lève pas, à Cuba où elle a supprimé le Service d’immigration de l’ambassade et à l’ONU, où elle a décidé le vote du Canada contre le TIAN.
… du Canada face aux Premières Nations
La Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones (UNDRIP) avait été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies le jeudi 13 Septembre 2007, grâce à une majorité de 144 États voulant protéger les 370 millions d’Autochtones à travers le monde et mettre à l’honneur la grande diversité de leurs cultures (UNESCO). Le Canada de M. Harper avait, à notre grande honte, inscrit un vote contre, partie d’un club restreint : Australie, Nouvelle-Zélande et États-Unis. M. Justin Trudeau a ramené un peu de bon sens dès son arrivée au pouvoir, sans toutefois raviver le rapport Erasmus-Dussault créé en 1991 suite à la crise de Kanasetakeh, aux suicides à Attawapiskat et à Kuujjuaq, aux inondations ou incendies mortels en diverses réserves, privées d’eau potable : combien des 400 recommandations que cette commission a mis six ans à produire furent mises en œuvre ?
Un ancien ministre conservateur des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, vient de sortir de la torpeur de sa retraite – nullement réveillée par l’arrivée au pouvoir, en son Nouveau-Brunswick, d’anglophones conservateurs qui comme Doug Ford en Ontario, ont dès leurs premières décisions fait reculer les droits francophones. Non, ce qui l’a fait sortir des boules à mites, c’est son indignation sélective destinée à bien se faire voir de ses amis colonialistes anglophones, face aux autochtones, victimes idéales. Il a donc qualifié de « fourberie propagandiste » le rapport extrêmement critique des gouvernements produit par les commissaires de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Mené au Québec par Michèle Audette, qui a courageusement surmonté bien des démissions successives dans son équipe, le rapport de plus de 1200 pages conclut que tant le Canada que le Québec ont failli à leur tâche de protéger les filles et les femmes autochtones, comparant la violence qu’elles ont subie à un « génocide planifié» et ce, souvent, dès leur tendre enfance.
Contrairement aux Conservateurs, le public québécois du gala cinéma 2019 a accordé le 2 juin une ovation monstre à l’artiste multidisciplinaire d’origine abénaquise Alanis Obomsawin, montée sur scène pour présenter le prix de la meilleure réalisation remporté par l’exubérant Ricardo Trogi pour son film 1991. La cinéaste de 86 ans qui a travaillé à l’Office National du Film avait reçu un accueil aussi délirant de la part des Artistes pour la Paix lui accordant en 2015 un hommage présenté par notre présidente d’alors, la cinéaste Guylaine Maroist. On pourra voir ses films militants et une exposition en son honneur au Musée des Beaux-Arts de Montréal à partir du 5 juin. Son film Idle no more traduit par Finie l’inertie rendait compte d’un phénomène de réveil qui a sûrement inspiré l’Enquête de la jeunesse amérindienne, parallèle aux protestations des Carrés rouges en 2012.
… du gouvernement québécois face à l’écologie
« Très chers signataires du Pacte, nous avons maintenant dépassé les 279 000 signatures ! Grâce à vous et à l’incroyable mobilisation des six derniers mois, François Legault s’est engagé lors du congrès de la CAQ à ce que le Québec réduise de 40 % son utilisation du pétrole d’ici 2030, en faisant un meilleur usage de nos ressources en énergie renouvelable (…). Nous lançons maintenant 101 idées pour le climat, une consultation publique qui a pour but de créer un vaste répertoire de solutions concrètes pour répondre à l’urgence climatique. »
Dominic Champagne, APLP2012, l’auteur de ces mots, a eu l’idée brillante de s’allier avec une femme remarquable, qui plus est une universitaire chevronnée lui donnant la caution scientifique qui lui manquait, Laure Waridel. Au même moment, Lucie Sauvé aussi de l’UQAM publie dans le Devoir (toujours du 3 juin !) une opinion scientifique solidement opposée au projet du pipeline de Gaz Naturel Liquide cher à un ministre sénior de la CAQ.
Enfin, réécrire l’histoire en soutenant l’ONU
Les institutions financières internationales étouffent l’influence de l’ONU : la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire international et l’Organisation mondiale du Commerce, le World Trade Office rendent caduc l’ÉCOSOC [7]; la richissime Fondation Bill Gates usurpe la place en Afrique de l’Organisation Mondiale de la Santé; le G7, le G20 et les sommets Bilderberg [8] et de Davos influencent sans vergogne, comme les faux instituts économiques financés privément [9], les gouvernements vers une diminution, au profit des corporations, de leurs engagements financiers et politiques envers leurs peuples et aussi envers l’ONU, l’UNESCO, l’UNICEF, l’OIEA, l’OIAC, l’UNIDIR etc.
Étant de gauche, j’ai critiqué (et je continuerai à le faire) le Conseil de Sécurité de l’ONU constitué à la base des cinq impuissances nucléaires, dont la Chine qui évite de commémorer les trente ans de la répression meurtrière de Tien’anmen et accroît, comme les États-Unis, ses dépenses militaires [10]. Ces « modèles » favorisent, consciemment ou non, la montée des forces d’extrême-droite ou nationalistes populistes qui menace l’ONU, tout comme l’Europe, pourtant créées pour éviter la répétition d’une autre guerre mondiale.
Il est clair que le salut de la paix dépend donc du renforcement du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ancien premier ministre socialiste du Portugal, puis artisan d’une refonte du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (ONU) qui a appuyé Joanne Liu, nouvelle retraitée des Médecins sans Frontières, lorsque deux de ses hôpitaux furent agressés par les avions de l’OTAN. Maintenant à la tête de l’ONU, Guterres y fait mentir sa réputation de nid de diplomates velléitaires en se portant à la défense d’une Cour Pénale de La Haye plus active (en dehors de l’Afrique) et en appuyant fortement la Déclaration sur les droits autochtones, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’UNESCO favorisant la culture contre les attaques du GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon.
[1] Champion du Brexit à la tête du UK Independence Party, Farage a établi sa sinistre réputation dans un débat en avril 2016 à Toronto où face à l’ex-Commissaire des Droits de l’Homme à l’ONU, Louise Arbour, il a osé vouloir fermer la porte aux réfugiés, lors de la crise due à la guerre syrienne. On comprend pourquoi John Bolton a motivé le président des États-Unis à l’appuyer publiquement.
[2] On célèbre avec raison ces jours-ci le 75e anniversaire du débarquement de Normandie, même si une raison moins coûteuse en vies humaines aurait été d’écouter Jean Giono et les autres qui dénonçaient l’armement de Hitler et son occupation de la Ruhr en dépit des résolutions de la Société des Nations, et ce dès le milieu des années trente.
[3] Son quarantième anniversaire avait été commémoré en 2009 par une exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal à laquelle les Artistes pour la Paix avaient participé.
[4] Informations au info@ecomusee.qc.ca et détails sur http://www.artistespourlapaix.org/?p=16661
[5] Labrecque, une caméra pour la mémoire, un film de Michel La Veaux, ONF 2017, complimenté par Ginette Leroux dans l’Aut’Journal qui comprend l’importance historique de ce cinéaste.
[6] « Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené ».
[7] L’ECOSOC défendu par le professeur Dorval Brunelle ex-directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal : http://lautjournal.info/20180608/trudeau-soumis-aux-petrolieres
[8] Ce sommet annuel a réuni cette fin de semaine en Suisse le gendre de Trump, Jared Kushner et son « plan pour résoudre le conflit Israël-Palestine » (sic), le va-t-en guerre américain Mike Pompeo, le PDG de la pétrolière TOTAL, le président du Forum économique mondial Borge Brende, le Canadien Mark J.Carney gouverneur de la Bank of England, l’assureur français Henri de Castries, la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, le roi des Pays-Bas Willem-Alexander, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire et comme d’habitude, les criminels de guerre Henry Kissinger et Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN. On a ajouté une ou deux figures journalistiques dites « de gauche » pour se donner l’apparence de bonne conscience, telle la représentante de l’Observateur français, comme jadis Lise Bissonnette du Devoir. En 1976, les rencontres Bilderberg avaient failli cesser leurs activités suite à un scandale Lockheed Martin.
[9] Il n’y a de fiable au Québec que l’Institut de Recherches et Informations Socio-économiques.
[10] Statistiques du SIPRI : en lire le résumé http://www.artistespourlapaix.org/?p=16461
Merci au webmestre pour la publication de mon trop long plaidoyer, en l’actualisant avec des photos très pertinentes d’Izabella Marengo et domlebo, notamment.
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées peut compter sur l’appui total des Artistes pour la Paix, d’autant plus que Florent Vollant, APLP1994, était parmi les artistes participant à la cérémonie officielle gouvernementale le 3 juin au magnifique Musée de Gatineau.