Une cérémonie émouvante à London, Ontario

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Des milliers de personnes rassemblées à London avec des paroles d’amour pour la famille Afzaal.

Dans la soirée du 8 juin 2021, ce sont des milliers de personnes qui par leur présence solidaire et courageuse ont voulu effacer l’horreur d’un camion-bélier qui a foncé sur une famille paisible marchant sur le trottoir, tuant trois générations (quatre personnes) dont les deux premières étaient immigrées du Pakistan. L’attaque a laissé orphelin et blessé le plus jeune, Fayez Afzaal, neuf ans, dont la mère Madiha Salman terminait un doctorat pour travailler comme ingénieure de l’environnement, encouragée par son doux mari assassiné lui aussi, un physiothérapeute de 46 ans, Salman Afzaal. Tous les participants de l’ardente cérémonie en leur mémoire ont applaudi le premier ministre Trudeau dénonçant une attaque haineuse terroriste, et encore davantage Jagmeet Singh qui a su trouver les mots justes de solidarité pour partager la douleur et le désarroi d’amis d’une famille décimée pour avoir porté, comme lui, des vêtements distinctifs religieux. Avant de se rendre craintivement à la cérémonie, la nièce des victimes a demandé à ses parents « si elle n’avait pas l’air trop musulmane, avec son hidjab ». Tous les orateurs présents à London ce soir-là ont promis des actions réelles pour contrer le suprémacisme blanc répandu sur les réseaux sociaux par une extrême-droite radicalisée.

Hué par la foule avant même de parler, le pauvre Doug Ford, premier ministre ontarien, n’a pas arrangé sa situation par ses paroles maladroites: We can only thank God for the nine years old boy who’s recovering, terminant avec God bless you all, alors que tous les autres proclamaient Salam aleykoum, traduisible par Que la paix d’Allah soit sur vous.

Le phénomène grandissant de la haine

Depuis un an, tous les indicateurs montrent une tendance marquée vers l’augmentation des haines raciales et autres. C’est évidemment le cas aux États-Unis, alors que des fouilles sont entreprises à Tulsa en Oklahoma, ville-témoin de massacres racistes de grande ampleur en 1921. En outre, de nombreux gouverneurs et états adoptent des mesures racistes pour rendre les votes des Noirs plus ardus et, alors que Joe Biden veut y réagir par l’adoption d’une loi de protection contre ces manœuvres racistes, le sénateur démocrate Joe Munchin annonce son opposition qui rendrait impossible son adoption au Sénat.

Le Canada se réveille troublé par la réalité des sites d’enfouissement de cadavres de petits enfants autochtones, certains issus de la nation Tk’emlups te Secwépemc enterrés près du pensionnat de Williams Lake, tandis qu’on exonère de tout blâme un policier de la police montée du Nouveau-Brunswick qui a tiré QUATRE balles sur Chantel Moore dont il était censé vérifier l’état mental à deux heures et demie du matin, à la demande de sa famille inquiète et maintenant éplorée…

Au Québec, notre premier ministre refuse qu’on emploie l’expression racisme systémique en dépit de nombreux actes perpétrés par la Sûreté du Québec et par des employés d’hôpitaux envers les autochtones de Val d’or, du Nitassinan, de Lanaudière et d’ailleurs.

Islamophobie ou haine raciale radicalisée extrémiste

Comment ne pas être bouleversés ? On comprend parfaitement M. Mohamed Labidi, président du Centre Islamique de Québec, de déplorer un autre attentat islamophobe, tel celui qui avait coûté la vie de six pratiquants musulmans à la mosquée de Québec en 2017 : dans les deux cas, il semble que l’assassin (trop tôt pour l’affirmer avec certitude dans le cas de Nathaniel Veltman ?), soit un jeune d’une vingtaine d’années isolé, passant le plus clair (sombre) de son temps sur les réseaux sociaux, à confirmer sa haine radicalisée extrémiste envers les musulmans.

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Roselyne Mavungu, pdg du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence

Et pourtant résonne plus fort en nous le message universel (quoiqu’universitaire, dirions-nous avec complicité) de Roselyne Mavungu, présidente-directrice générale à Montréal du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. Elle déplore un phénomène de haine radicalisée extrémiste, qui pourrait selon elle se répéter contre toute communauté ciblée par les réseaux sociaux, que ce soient des autochtones, des membres LGBTQ+, des Juifs, des Sikhs, des Chinois… ou des Québécois.

Dans ce dernier cas, on déplore l’amalgame du maire de Calgary de confession musulmane qui a fustigé la loi de laïcité 21 de M. François Legault, comme Mustafaa Farook, du National Council of Canadian Muslims, affirmant, au cours de la cérémonie de London, qu’un musulman ne peut pas protéger sa famille comme policier au Québec ! Les médias anglophones doivent porter le blâme pour avoir diffusé des mensonges destinés à bien faire paraître le Premier ministre Trudeau, qui s’est d’ailleurs ridiculisé par son opinion que les Québécois qui ont porté le masque sanitaire pendant un an réviseront peut-être leur opinion favorable à la loi 21 et négative face au port de l’hidjab par personnes en autorité (!).

Actions à privilégier

Pour nous artistes, amis de la directrice Nathalie Bondil accueillie récemment par Jack Lang à Paris à l’Institut du Monde arabe, nous gardons le souvenir ému de son exposition au MBAM de neuf très jeunes musulmanes encouragées par la Fondation Michaëlle-Jean dont on a reconnu la pertinence sous l’assaut de critiques, à la fois islamophobes …et islamistes. C’est la grâce périlleuse que je lui ai souhaitée dans son nouvel emploi, comme dans le travail de Jean-Daniel Lafond dont les œuvres lumineuses vantant l’art de l’islam en Iran ont fait l’objet d’amalgames accusateurs de droite !

Nétanyahou se drapait dans ses accusations tous azimuts contre l’antisémitisme, afin de voiler sa politique impérialiste d’invasion du territoire palestinien. Ne faut-il pas critiquer l’islamophobie, terme qui confond la haine envers les musulmans et la critique de l’islamisme ? Quand Trudeau brandit les étendards islamophobe et antisémite, n’est-il pas fidèle à sa politique communautariste qui cherche à diviser la gauche en clans racialisés et ainsi éviter toute critique des pratiques religieuses extrémistes, tel le salafisme sexiste du régime sanguinaire de l’Arabie saoudite à qui le Canada vend ses armes à $15 milliards ?

La même confusion est savamment entretenue par l’adjectif woke utilisé par la droite cherchant à empêcher les déboulonnages de statues de racistes colonialistes, ainsi que la critique des basses manœuvres canadiennes [1] envers Haïti [2]. De même, l’OTAN veut faire oublier les féminicides perpétrés en Afghanistan, conséquences d’une guerre colonialiste poursuivie par le vétéran de guerre et ministre de la Défense dont nous réclamons la démission depuis bientôt cinq ans, monsieur Harjit Sajjan.

L’union antiraciste

Trois milliers de Québécois, sous la protection d’un service d’ordre qui avait écarté le Black Bloc soupçonné de vandalisme et de violence, ont participé en novembre 2017 à une manif convoquée par 170 groupes unis : mentionnons Québec Solidaire, Black lives matter, la CSN, le PAJU, Sue Montgomery militante féministe hélas exclue de Projet Montréal, la FFQ et son ancienne présidente Alexa Conradi, les Artistes pour la Paix, le Mouvement Québécois pour la Paix, Femmes de Diverses Origines, Milton/Co-op et des dizaines de groupes étudiants principalement de Concordia et de l’UQAM exprimant leur solidarité, «remplie de bonté et de chaleur humaine », selon les mots de la militante d’origine juive, Nancy Brown.

banniere 12 nov 2017

Jaggi Singh et l’auteur de l’article tiennent ensemble la bannière du 12 novembre 2017.

Trois ans et demi après cette union fraternelle, la manif du Mouvement Québécois pour la Paix du 1er mai fut moins fréquentée que la marche de révolte puérile anti-masque tenue en même temps au stade Olympique, pendant que les antifas turbulents de Jaggi Singh suscitaient une réaction de Québec Solidaire pour avertir son Collectif antiraciste décolonial de limiter ses accusations musclées à l’extrême-droite ou aux radios-poubelles de Québec. S’il est légitime de dénoncer solidairement, avec Nadia Alexan et Djemila Benhabib, la burka, le tchador et le niqab, instruments d’asservissement de la femme par les pouvoirs islamistes d’Égypte, d’Iran et du Maroc, les interdire chez nous dans la rue serait une démarche policière de droite qui aurait pour effets contreproductifs de marginaliser et même de fanatiser ses adeptes et d’entretenir un climat toxique nuisible aux immigrantEs et à leur acceptation sociale. Enfin, il faut refuser du même souffle la théorie canadienne anti-québécoise que la loi de laïcité 21 et le projet de loi 96 du Premier ministre Legault seraient responsables de notre désunion sur ces enjeux importants.

Si face à l’emprisonnement en 1967 du martyr musulman Mohammed Ali, on avait déclenché une grève générale solidaire, on aurait épargné la vie de centaines de milliers de Vietnamiens en mettant fin à une guerre coloniale abjecte poursuivie jusqu’en 1975. Il n’est pas trop tard de s’unir pour dénoncer les $100 milliards de dépenses militaires libérales, avant qu’elles détruisent, aux mains de l’OTAN, d’autres pays comme la Libye en 2011 !


[1] Signer la pétition e-3348 (Affaires étrangères) par Paul Manly réclamant l’accès complet à l’information sur les manœuvres anti-Haïti du gouvernement Trudeau.

[2] Lire la lettre de Bianca Mugyeni au Premier ministre Trudeau datée du 19 février dernier: http://www.artistespourlapaix.org/?p=19995