legault

Lors du congrès de la CAQ de la fin de semaine des 28 et 29 mai, le premier ministre Legault a adopté une attitude triomphante en appelant à la fierté et à une plus forte majorité afin de faire pression sur le gouvernement fédéral en vue d’obtenir plus de pouvoir sur la gestion de l’immigration. À première vue, ce semble une évidence. Cet appel à la fierté en lien avec l’immigration cache un non-dit : la peur de l’étranger.

Quand il clame la fierté québécoise, le premier ministre ajoute du même souffle que l’immigration représente un problème pour le Québec. La fierté référant bel et bien aux francophones d’ascendance française, les immigrant.e.s, premiers concerné.e.s par la problématique de l’immigration, ne semblent pas convié.e.s à en faire partie.

Tout au long de son premier mandat, la phrase fétiche du premier ministre se résumait en une paraphrase : il faut accueillir moins d’immigrant.e.s afin de mieux les intégrer. Cette assertion, sorte de truisme, ne tolère aucune critique à ses yeux. Dit autrement, accueillir plus d’immigrant.e.s entraîne une mauvaise intégration, donc un risque pour la société. Dans un contexte où les entreprises comptent de plus en plus sur la main-d’œuvre recrutée dans d’autres pays, ce message est tout à fait paradoxal, voire contradictoire.

À cet égard, les résultats du sondage récent commandé par la CAQ et rapporté dans le Journal de Montréal du 19 mai indiquaient assez clairement que le discours du gouvernement caquiste a conduit aux résultats que le gouvernement souhaitait. Son travail idéologique de l’opinion publique donne les fruits envisagés; la tendance dominante des conclusions indique qu’une forte partie des gens endosse la position du gouvernement en disant qu’il ne faut pas augmenter le nombre d’immigrant.e.s. (45 %), que la connaissance du français des immigrant.e.s leur semble insuffisante (61 %). En outre, on juge qu’une forte proportion d’immigrant.e.s qui ne parlent pas français (particulièrement les gens en situation de réunification familiale) constitue une menace pour la protection de la langue française (42 %).

À force de répéter son message comme un mantra dans les médias, le premier ministre Legault a fini par créer l’impression que l’immigration (et par la force des choses les immigrant.e.s) représente une menace pour la langue. Au congrès, rapporte Marco Bélair-Cirino dans Le Devoir du 30 mai, il en a rajouté une couche en déclamant que « si la « moitié » des participants du programme de regroupement familial continuent de bouder le français comme ils le font présentement, « ça peut devenir une question de temps avant qu’on devienne une Louisiane ». Hypothèse douteuse. Il faudrait regarder ailleurs pour montrer les véritables causes des difficultés du français au Québec. En pointant du doigt l’immigration, les gens regardent le doigt et ne remarquent plus le panorama complet de la situation.

Au-delà de cet aspect précis, l’immigration en général constituerait aussi une ombre sur « nos valeurs », concept vague à souhait. Les propos répétés et spécieux du premier ministre illustrent cette position. À cela, s’ajoute sa détermination à nier l’existence du racisme systémique dans la société. En clair, consciemment ou non, la CAQ manipule la vieille recette du «faire peur au monde » avec la menace immigrante afin d’attirer l’électorat vers son panier de votes en se présentant comme la valeureuse armée en mesure de protéger la nation en portant bien haut l’étendard de la fierté.

Au lieu de cultiver la peur, le Québec devrait en faire davantage pour l’intégration et en devenir fier, car il s’agit d’un processus dynamique complexe et exigeant qui se décline en des dimensions multiples : apprentissage du français, hébergement, services aux individus et aux familles (écoles, centres de la petite enfance, services de santé, etc.). Les immigrant.e.s ne sont pas des numéros de dossiers liés à des bras, mais bien des personnes riches de compétences, de valeurs, de projets et d’aspirations significatives pour le Québec de l’avenir.

Le gouvernement du Québec ne doit pas toujours tenter de faire se détourner les regards vers le gouvernement fédéral, l’État québécois doit aussi se montrer imputable du climat social, des attitudes et des comportements de tous les citoyens et les citoyennes qui doivent exprimer des perceptions, des attitudes et des comportements plus inclusifs et plus positifs que ce que les sondages révèlent. Les peurs tricotées autour de l’immigration portent les germes de l’intolérance, de la discrimination et de la xénophobie larvée, malaise social inacceptable; l’État a la responsabilité de travailler à en prévenir les conséquences. Le maintien de la paix sociale est à ce prix.

André Jacob, professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal
Ex-membre de la Chaire de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté de l’UQAM et ex-coordonnateur de l’Observatoire international sur le racisme et les discriminations