D’une façon générale, on limite le racisme systémique à un comportement discriminatoire généralisé au sein de la société ou d’une institution. On limite alors le racisme à des dimensions subjectives. C’est déjà très important de le reconnaître. En ce sens, les perceptions négatives d’individus ou de groupes à l’égard des Premières Nations sont souvent généralisées et elles teintent les pratiques au sein des organisations. Mais il y a plus.
Historiquement, pour des raisons économiques, politiques, sociales et de différences culturelles, les Premières Nations ont été soumises systématiquement à des mesures d’exclusion et d’assimilation forcée (rappelons, à titre d’exemple, les orientations des pensionnats autochtones de triste mémoire). Qu’on le reconnaisse ou non, les vieux schèmes subjectifs de l’incapacité des citoyens et citoyennes des Premières nations à s’adapter, à s’intégrer (comprendre à s’assimiler) constituent une partie du substrat culturel d’une frange significative de la population (pensons seulement à l’enseignement de l’histoire qui a toujours fait peu de cas de la contribution des Premières Nations à l’histoire du pays). Le racisme systémique, répétons-le, dépasse les comportements et les attitudes; il réfère à l’exclusion sociale systémique générée par des structures de domination, de normalisation, d’exclusion et/ou de violence sociale ouverte ou cachée.
Reconnaître l’existence du racisme systémique entraîne une remise en question fondamentale de notre système social et économique. C’est un truisme d’affirmer que s’impose la révision de certaines lois (pensons à l’inique Lois ethnicide sur les Indiens), des programmes d’action au plan juridique et des orientations et pratiques des institutions au plan social. Le racisme systémique signifie également que le droit de cité ou la reconnaissance pleine et entière des droits aux citoyennes et citoyens des Premières nations n’est pas reconnu de façon égalitaire, pas plus que l’appartenance à l’ordre politique, social, économique et culturel. Si l’on accepte que tous les citoyennes et toutes les citoyens soient égaux en ce sens, un simple regard sur la situation des Premières nations révèle une différence dans la reconnaissance pleine et entière de leurs droits fondamentaux, droits sociaux et économiques.
À la lumière du débat en cours, force est de constater que plusieurs questions fondamentales restent en suspens : comment peut-on nier l’existence du racisme systémique quand une catégorie significative de citoyens et de citoyennes comme les Premières nations reste exclue d’une participation citoyenne pleine et entière ? Comment, malgré l’intensification des moyens de communication, l’accentuation des interdépendances, la relativisation des frontières via divers traités d’échanges commerciaux et la marche forcée vers l’émergence progressive d’un espace politique et culturel commun, comment les États peinent-ils à reconnaître l’intensification des intolérances à l’égard de minorités aussi signifiantes que les Premières Nations laissées pour compte par l’implacable machine de la mondialisation capitaliste ? Au fond, peut-on admettre qu’une minorité riche et dominante, celle qui contrôle les leviers des divers niveaux de pouvoir, ne cherche pas vraiment les orientations et les ressources pour s’attaquer aux causes systémiques de l’exclusion sociale des Premières Nations ? Comment reconnaître le droit à l’auto-détermination des Premières Nations ?
La commission vérité et réconciliation a qualifié les conséquences du racisme systémique de génocide culturel, cela devrait suffire à le reconnaître et à prendre les mesures nécessaires pour l’enrayer. La paix sociale en dépend.
André Jacob
professeur associé, UQAM
Ex-coordonnateur de l’Observatoire international sur le racisme et les discriminations
Membre du C.A. des APLP
Aucun commentaire jusqu'à présent.