C’est une réelle victoire de la paix, due en partie à la patience tranquille du Premier ministre Trudeau qui jusqu’à avant-hier, affirmait sans broncher contre les requêtes angoissées de François Legault, qu’il n’était pas question d’utiliser l’armée contre des civils, rachetant ainsi l’erreur de son père en 1970.
Mais cette victoire, elle est due principalement à la résistance des Premières Nations qui luttent pour la préservation de leur eau, de leur nature et de leur tranquillité, grâce à leur respect pour les valeurs spirituelles des chefs héréditaires et des mères de clans. Nous sommes inspirés par leur résilience après quatre siècles d’occupation et sommes inquiets de l’arrestation de cinq jeunes autochtones protestant au parlement de Colombie britannique. Les autochtones ont prouvé qu’une vraie paix, ça se gagne en luttant très fort contre l’oppression impérialiste. Et quelle solidarité les a accompagnés : celle d’alliés aussi différents qu’Amnistie internationale et l’Aut’Journal, avec des éditoriaux unanimes et pointus, comme ceux d’André Binette.
L’affirmation de nos solidarités a réussi à ébranler ce que certains appellent abusivement la paix sociale, alors qu’elle n’est qu’obéissance servile aux dictats économiques et nos interventions dans cette crise en faveur des Wet’suwet’en ont connu le bénéfice supplémentaire d’apporter deux autres dividendes pour le bien commun :
1- le monstrueux projet Teck Resources, qui aurait plongé le Canada dans une dépendance démentielle au pétrole sale des sables bitumineux et aux pipelines qui en auraient résulté, a été écarté par la propre compagnie qui l’avait proposé, par logique économique, en dépit des objurgations de Jason Kenney. Notre pétition initiée par Laure Waridel et Dominic Champagne n’a certes pas nui : lire http://www.artistespourlapaix.org/?p=18094
2- la résistance des Premières Nations face au gazoduc de Coastal GasLink en Colombie britannique et les solidarités d’écologistes et d’étudiants investissant les rues …et les rails de chemins de fer ont dû compter dans le retrait annoncé hier de Warren Buffet des quatre milliards de $ que Berkshire Hathaway avait promis d’investir dans le projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction de gaz naturel au Saguenay. Pour le député bloquiste de Lac-Saint-Jean, Alexis Brunelle-Duceppe, et pour le candidat à la chefferie du PQ, Sylvain Gaudreault, la décision procèderait d’une tendance lourde des investisseurs à ne plus privilégier les projets d’énergie fossile. Ce que le Premier ministre Trudeau a étonnamment confirmé en affirmant que la planète s’en allait vers une transition, vers une économie verte. Il a affirmé que le Saguenay-Lac-Saint-Jean, un des endroits au monde privilégié pour profiter de cette transition-là, a l’aluminium le plus vert au monde et en prime, une foresterie et un bois renouvelables qui luttent contre les GES en captant les émissions de carbone. Ce discours inspiré lui a-t-il été soufflé par Steven Guilbeault ?
La Coalition Avenir Québec et les acteurs économiques locaux, tels Stéphanie Fortin de GNL Québec ou Michel Potvin de Promotion Saguenay ont plutôt maugréé, en blâmant les blocages ferroviaires donnant une image du Canada déplorable devant les investisseurs étrangers. N’est-il pas aberrant que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation et députée de Chicoutimi, Andrée Laforest, alléchée par de supposés 6000 emplois lors de la phase de construction – elle ne soustrait pas les milliers d’emplois sacrifiés dans l’industrie du tourisme attirant des admirateurs de bélugas du monde entier ! -, songe à une aide financière de nos impôts provinciaux afin de soutenir ce projet pourtant contraire aux engagements écologiques de ce même gouvernement ?
On attendra les conclusions du BAPE qui tiendra toutes ses audiences au Saguenay en commençant le 16 mars. Doit-on critiquer immédiatement la nomination de Denis Bergeron ? La professeure de l’UQAM, Corinne Gendron pourra-t-elle assurer la poursuite d’une conscience écologique au BAPE, où les nominations nous inquiètent depuis le départ à la retraite de Louis-Gilles Francoeur ? On compte sur la vigilance de Patrick Bonin de Greenpeace et d’Alice-Anne Simard de Nature Québec, qui seront bien appuyés par les excellentes analyses d’Alexandre Schields du Devoir…
En conclusion, c’est la première fois qu’on voit apparaître un tel clivage conservateur-libéral Québec-Ottawa, alors que jusqu’ici Legault nous impressionnait par sa transparence plutôt libérale et les ministres fédéraux, par leur opacité et leur appât du gain conservateurs.
Dans cette crise, l’excellent caricaturiste Jean Isabelle qui travaille à la Tribune et au Nouvelliste a souligné la balourdise de François Legault plus tôt cette semaine, avec ses allusions aux AK47 des Mohawks, illustrant l’adage que toute vérité n’est pas bonne à dire et que surtout il fallait choisir le moment où ne pas la dire…
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