NOUS AVONS PEUR, NOUS NE VOULONS PLUS AVOIR PEUR 

Lettre aux femmes et aux hommes, nos sœurs et nos frères, habitants de la Terre. En solidarité 

 

 

par l’Agora des Habitants de la Terre

 

Le 6 mars 2024

 

(English follows)

 

Ce cri de colère et de dénonciation veut témoigner de notre solidarité en tant qu’êtres humains envers nos sœurs et nos frères habitants de la Terre, en particulier les plus jeunes, victimes d’injustices, de violences et des horreurs du monde actuel.

Des milliards de personnes ont peur pour leur devenir et celui des êtres chers. On compte plus de 2,1 milliards d’êtres humains sans accès à l’eau potable, 4,5 milliards sans services de bases d’hygiène et 3,6 milliards sans aucune couverture de santé. Jusqu’à 2 milliards « vivent » dans des logements indignes d’’un être humain et 108 millions de migrants (chiffres du Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU) survivent dans des camps provisoires.

 

Habitants de la Terre, nous avons peur, une grande peur, que les dirigeants n’aient aucune volonté d’arrêter la guerre en Ukraine. Il y a quelques jours, le président de la République française a même proposé d’envoyer des soldats à l’armée ukrainienne pour redresser une situation militaire précaire et continuer la guerre, pour « la victoire » Heureusement, les autres pays de l’OTAN ont réagi négativement à cette proposition, mais ils ont été hélas d’accord pour ré-augmenter l’envoi en Ukraine d’armes lourdes et de munitions pour lui permettre de reprendre les combats …pour continuer le massacre. C’est honteux.

 

Résultat : les pays européens de l’OTAN sont plongés dans une nouvelle frénésie de course au réarmement, notamment la Pologne, l’Allemagne, les pays scandinaves et baltes. L’Allemagne, en particulier, est décidée à profiter de l’occasion pour casser le tabou de l’Allemagne armée et entrouvre dangereusement la porte à son armement nucléaire. Les médias grand public, depuis quelques semaines, diffusent et alimentent sans retenue l’idée que l’Europe doit se réarmer pour se donner les capacités guerrières face aux menaces de la Russie, considérées par l ‘expansionniste OTAN réelles et certaines !

 

Le 29 février, Poutine a répondu en disant que la Russie, elle aussi, continuera à se battre et à se défendre et qu’elle possède des armes capables d’attaquer les pays de l’OTAN sur de longues distances, ce qui augmente le risque d’une guerre nucléaire, « la destruction de la civilisation » a-t-il averti. Poutine et l’OTAN jouent avec le grand risque nucléaire, comme le firent les présidents Kennedy et Khrouchtchev en 1962 concernant l’installation de missiles soviétiques à Cuba.

 

De part et d’autre, ils jouent de manière irresponsable, tout en ne sachant pas dire, les uns et les autres, pourquoi il faudrait continuer la guerre en Ukraine. Pour obtenir quoi ? Faire mourir encore des centaines de milliers de personnes et raser de nombreux autres villes et villages, écoles, hôpitaux, ports, gares ? Nous les considérons comme des criminels dangereux. Nous en avons peur. Il faut les arrêter ! Les appels, les pétitions, les manifestations par millions dans le monde entier n’ont servi à rien, à ce jour. Pourtant, les résultats des sondages de ce début de mars montrent que même en Ukraine la population est désormais favorable à 72% aux négociations pour arrêter la guerre.

 

Pourquoi les dominants ne tiennent-ils pas compte de la volonté et des désirs des citoyens, tout en parlant de démocratie et de liberté des peuples ? Quelle hypocrisie et quel mépris des citoyens ! Le fait que l’ONU n’ait pu exercer aucun pouvoir effectif sur les belligérants pour leur imposer de cessez-le-feu ne fait qu’accentuer nos craintes. Est-il possible qu’il n’existe au monde aucune institution dotée de pouvoirs permettant d’arrêter une telle folie meurtrière ?  Pourquoi les dirigeants des Etats les plus puissants au monde, les États-Unis en tête, continuent-ils à saboter les institutions mondiales voulant exercer la paix ? Comment osent-ils se présenter encore devant les habitants de la Terre en montrant leur incapacité de garantir la sécurité de la population mondiale, et cela parce qu’ils visent uniquement la défense de leur propre puissance qu’ils croient la clé de leur survie ?

 

Nous avons très peur car leur irresponsabilité se manifeste dans toute son ampleur également en Palestine. Là aussi personne ne semble en mesure d’arrêter les massacres de part et d’autre. Des massacres qui ont pris la forme d’un génocide des Palestiniens suite, entre autres, à l’attaque sanglante du 7 octobre par le Hamas. Mêmes horreurs, même acharnement guerrier, mêmes hypocrisie et mépris de la vie.

 

Malgré l’ordonnance prononcée le 24 janvier dernier par la Cour Internationale de Justice et la croissante réprobation à travers le monde de l’opinion publique, même américaine, le gouvernement d’Israël continue, au mépris de toutes les règles de droit international, l’œuvre d’extermination directe et indirecte des Palestiniens de Gaza. Ce faisant, il a renforcé et élargi le grand fossé de haine et de rejet entre les peuples concernés qui risque de marquer et d’empoisonner pour plusieurs générations les relations entre eux. Les États-Unis qui avaient la capacité d’intervenir sur Israël ont même bloqué les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant à Israël d’arrêter ses actions militaires.

 

L’épisode du 29 février où plus d’une centaine d’enfants et de femmes faisant la file pour obtenir des grains de riz se sont vu mitrailler par des soldats israéliens paniqués, dépasse les frontières de l’horreur. C’est horrible, intolérable, surtout venant des représentants d’un peuple qui a subi la Shoah.

 

Nous avons peur, enfin, pour l’actuelle prédation et destruction de la vie de la Terre. Nous avons peur que nos forêts disparaissent, nos fleuves et lacs, nos sols, notre air et nos océans meurent contaminés, intoxiqués et asphyxiés, sacrifiés à la cupidité et à la soif de puissance de moins de 1% de la population mondiale, à cause de nos systèmes de production et de consommation barbares et prédateurs. Le massacre de la nature se poursuit honteusement, malgré toutes les preuves fournies par la communauté scientifique mondiale. Les dominants minimisent les désastres et les dangers. Ils mentent ou mystifient la réalité. Tout en connaissant les solutions qui pourraient réduire les risques du collapse de la vie de la Terre, ils donnent la priorité à leurs propres intérêts de puissance, à leur illusoire survie, vu leurs desseins criminels.

 

Loin d’être synonyme de désarroi et d’abdication, notre peur est l’expression de notre conscience de l’urgence et de l’ampleur des changements à imposer aux pouvoirs irresponsables. Notre peur engendre une puissante volonté d’action et d’engagement. Elle nous pousse à prendre notre part dans la responsabilité collective pour le droit à la vie et en faveur du vivre ensemble. Cette volonté est dans la tête et dans le cœur de millions de personnes qui partout, dans les rues du monde, continuent à crier très fort leur désir de paix, d’amitié et de solidarité.

 

En tant qu’Agora des Habitants de la Terre, nous nous sommes opposés, avec d’autres, à la construction de murs et de frontières, aux facteurs générateurs d’appauvrissement et d’inégalités/injustices, à l’idéologie de la compétitivité et de la conquête des marchés, à la financiarisation de la vie, aux brevets à titre privé et à but lucratif du vivant, des semences et des connaissances scientifiques. Nous refusons de nous soumettre aux diktats illégitimes du nouveau dieu de la puissance mondiale, appelé ARMFIN, conçu comme un mariage entre le dieu Armement et la déesse Finance.

 

Ainsi, nous ne voulons plus avoir peur. Nous voulons en tant qu’habitants de la Terre, multiplier la construction de maisons communes pour vivre dans la joie de grandir ensemble en dignité, en intelligence, dans la prospérité et la liberté collectives, dans la justice, et dans la beauté de chanter et danser ensemble.

 

L’Agora des Habitants de la Terre

 

PS Le mois prochain nous soumettrons à l’attention d’’autres organisations de la société civile la proposition de promouvoir ensemble une mobilisation citoyenne internationale centrée sur les impératifs de « Rendre justice aux habitants de la Terre ».

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Les membres québécois de l’Agora des Habitants de la Terre ont contribué de façon majeure (plus grande que la proportion qu’ils représentent) à cette déclaration.

Pierre J. aurait voulu qu’elle soit plutôt « une lettre à l’intention du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres », Hélène T. « qu’elle insiste beaucoup moins sur la peur et davantage sur notre détermination », Jean-Yves P. a proposé deux références : « Indignez-vous » de Stéphane Hessel et la citation de Paul Valéry : « les guerres, ce sont des gens qui ne se connaissent pas et qui s’entretuent parce que d’autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d’accord ».

Merci aussi au maître à penser Riccardo Petrella et à la Québécoise Martine Châtelain (EAU-SECOURS) qui prononcera une conférence en la connectant à la JOURNÉE MONDIALE DE L’EAU du 22 MARS, aussi fêtée avec des discours européens vigoureux.

Nous remercions l’Aut’Journal, premier média à proposer l’article du 6 mars sur :

https://www.lautjournal.info/20240308/nous-avons-peur-nous-ne-voulons-plus-avoir-peur

Avec plus de membres, donc plus d’argent, on pourrait transformer cet article en sollicitation sur les réseaux sociaux de signatures sur notre site !

Quant au travail rassembleur de l’Agora, il continue avec courage et détermination, avec Pietro Pizzuti, les dirigeants d’Emmaüs, Alain Dangoisse, les écolos du Poitou, Lilia Ghanem du Liban et une trentaine d’autres leaders d’opinions européens et sud-américains. P.J.

 

English version :

WE ARE AFRAID BUT WE ARE DETERMINED

Letter of solidarity to our sisters and brothers,

by the Agora of the Inhabitants of the Earth

This cry of anger and denunciation aims to demonstrate our solidarity as human beings towards our sisters and brothers, in particular the youngest victims of injustice, violence and all the horrors of today’s world.

Billions of people fear for their future and that of their loved ones. There are more than 2.1 billion human beings without access to drinking water, 4.5 billion without basic hygiene services and 3.6 billion without any health coverage. Up to 2 billion « live » in housings unfit for a human being and 108 million (figures from the UN High Commissioner for Refugees) of migrants survive in temporary camps.

 

Inhabitants of the Earth, we are very afraid that our leaders and those of the countries involved have no desire to stop the war in Ukraine. A few days ago, the President of the French Republic even proposed sending troops to redress the precarious situation of the Ukrainian army and continue the war, for “victory”. The other NATO countries reacted negatively to this proposal, but unfortunately they agreed to re-increase the shipment of heavy weapons and ammunition to Ukraine, to continue the sacrifice of its population. It is shameful.

Result: the European NATO countries are plunged into a new frenzy of the rearmament race, notably Poland, Germany, the Scandinavian and Baltic countries. Germany, in particular is determined to take advantage of the opportunity to break the taboo of armed Germany and dangerously opens the door to nuclear armament. The mainstream media, for several weeks, have been spreading and fueling without restraint the idea that Europe must rearm to give itself warlike capabilities in the face of threats from Russia, considered by the expansionist NATO to be real and certain!

On February 29, Putin responded by saying that Russia, too, will continue to fight and defend itself and that it has weapons capable of attacking NATO countries from long distances, increasing the risk of nuclear war, “the destruction of civilization” he warned. Putin and NATO are playing with the great nuclear risk, as Presidents Kennedy and Khrushchev did in 1962 following the possibility of Soviet missiles in Cuba. On both sides, they are playing irresponsibly, while neither knowing how to say why the war in Ukraine should continue. To obtain what? To cause hundreds of thousands of more people to die and to raze many other towns and villages, schools, hospitals, harbors, train stations? We consider them dangerous criminals. We are afraid of them and they must be stopped! The appeals, the petitions, the demonstrations by millions all over the world have been of no use, to date. Even if the results of polls at the beginning of March show that in Ukraine the population is now 72% in favor of negotiations to end the war.

 

Why don’t the dominants take into account the will and desires of citizens, while talking about democracy and the freedom of peoples? What hypocrisy and what contempt for citizens! The fact that the UN was unable to exercise any effective power over the belligerents to impose a ceasefire on them only accentuates our fear. Is it possible that there is no institution in the world with powers to stop such murderous madness? Why do the leaders of the most powerful states in the world, led by the United States, continue to sabotage global institutions seeking to exercise peace? How do they dare still present themselves before the inhabitants of the Earth by showing their inability to guarantee the security of the world population, and this out of indifference, because they only aim to defend their own power which they believe to be the key to their survival?

 

We are very afraid because their irresponsibility manifests itself in its full extent also in Palestine. Here too, no one seems able to stop the massacres on both sides. Massacres which takes the form of a genocide of the Palestinians, following, among other things, the bloody attack of October 7 by Hamas. Same horrors, same warlike relentlessness, same hypocrisy and contempt for life.

Despite the order pronounced on January 24 by the International Court of Justice and the growing disapproval throughout the world of public opinion, even American, the government of Israel continues, in defiance of all rules of international law, work of direct and indirect extermination of Palestinians in Gaza. In doing so, it has reinforced and widened the great gap of hatred and rejection between the peoples concerned which risks marking and poisoning relations between them for several generations. The United States, which had the capacity to intervene on Israel, even blocked UN Security Council resolutions asking Israel to stop its military actions.

The episode of February 29, where more than a hundred children and women queuing to obtain grains of rice were machine-gunned by panicked Israeli soldiers, goes beyond the boundaries of horror. It’s horrible, intolerable, especially coming from representatives of a people who suffered the Shoah.

We fear, finally, for the current predation and destruction of life on Earth. We are afraid that our forests will disappear, our rivers and lakes, our soils, our air and our oceans will die contaminated, poisoned and asphyxiated, sacrificed to the greed and thirst for power of less than 1% of the world’s population, because of our barbaric and predatory production and consumption systems. The massacre of nature shamefully continues, despite all the evidence provided by the global scientific community. Dominants minimize disasters and dangers. They lie or mystify reality. While knowing the solutions that could reduce the risks of the collapse of life on Earth, they give priority to their own power interests, to their illusory survival, given their criminal designs.

Far from being synonymous with dismay and abdication, our fear is the expression of our awareness of the urgency and scale of the changes to be imposed on irresponsible powers. Our fear generates a powerful desire for action and commitment. It pushes us to take our part in collective responsibility for the right to life and in favor of living together. This responsibility is assumed in the heads and hearts of millions of people who everywhere, in the streets of the world, continue to proclaim their desire for peace, friendship and solidarity.

As the Agora of the Inhabitants of the Earth, we opposed, with others,

  • construction of walls and borders,
  • factors generating impoverishment and inequalities/injustices,
  • ideology of competitiveness and the notion of “conquest of markets”,
  • the financialization of life, of private and for-profit patents of life, seeds and scientific knowledge.

We refuse to submit to the illegitimate dictates of the new god of world power, called ARMFIN, conceived as a marriage between the god Armament and the goddess Finance.

Thus, we have conquered fear. We want, as inhabitants of the Earth, to increase the construction of common houses to live in the joy of growing together in dignity, in intelligence, in collective prosperity and freedom, in justice and in the beauty of singing and dancing together.

 

The Agora of the Inhabitants of the Earth

 

PS Next publication on “how to achieve more justice”.