« Il était en politique pour les motifs les plus nobles : enrayer autant que possible la pauvreté, mettre les institutions publiques au service des gens et des communautés, offrir à ses commettants des motifs de dignité et de fierté. Pierre de Bané était un esprit libre (…). L’une de ses réalisations les plus concrètes et durables fut l’établissement à Mont-Joli en 1987 de l’Institut Maurice-Lamontagne, l’un des principaux centres de recherche en sciences de la mer au monde. (…) C’est avec Pierre que j’ai visité pour la première fois le Liban et d’autres régions du Moyen-Orient, où il m’a fait découvrir toutes les richesses de leurs cultures. (…) Vers la fin de sa carrière au Sénat, il s’est beaucoup rapproché de ses origines, de la collectivité libanaise du Québec qui le vénérait, et en particulier de la communauté melkite.»
J’ai ajouté ceci sur la version électronique du journal :
« En 1994, l’homme de théâtre Jean-Louis Roux [1] et moi, musicien, avions témoigné au nom des Artistes pour la Paix devant le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des Communes sur la politique de Défense du Canada [2]. Nous avions affirmé que « le Canada étant le pays à la fois le plus inattaquable au monde, de par sa position géopolitique, et le plus indéfendable, de par sa faible densité de population sur son immense territoire » se doit de réduire son armement inutile : contre les États-Unis, seuls en mesure de nous envahir, il n’y a aucune défense possible ! Il se doit plutôt de miser sur les outils de justice internationale de l’ONU. [Par exemple, en 1997, un prix Nobel allait récompenser le Traité d’Ottawa contre les mines anti-personnel qui allait sauver des dizaines de milliers de personnes à travers le monde].
L’honorable Pierre de Bané co-présidait le comité mixte spécial, concluant notre participation par ces mots : « Merci beaucoup de nous avoir apporté votre message idéaliste et généreux. Si nous n’avions pas d’artistes pour nous rappeler quels doivent être nos idéaux, il nous manquerait quelque chose. Je pense qu’effectivement, une politique de défense doit également être l’expression de nos valeurs et de nos idéaux. Je vous remercie beaucoup.» [C’était peu après la publication du rapport de l’Enquête populaire sur la paix et la sécurité [3] à laquelle six cents groupes avaient participé : les APLP avaient largement contribué en abritant ses activités de l’Est du Canada, grâce à la dernière subvention fédérale reçue par le mouvement].
Quatre exemples du processus de militarisation du gouvernement libéral
1- Jean Chrétien, qui a commenté l’échec d’intégrer la Russie en un G8 ouvert, a révélé [4] que le Secrétaire général de la militariste et russophobe OTAN, Javier Solana, avait voulu en bloc l’intégration de treize pays de l’Europe de l’Est à l’OTAN, mais que grâce à son intervention, elle s’est plutôt étalée sur plusieurs années, afin de ménager la fragile confiance démocratique accordée par le peuple russe à Boris Eltsine [5].
2- Le ministre des Finances Paul Martin, adoubé par les industries militaires d’Ontario, jugeait Chrétien réfractaire aux dépenses militaires, donc mauvais pour leur business (et conséquemment leurs dons au parti libéral). S’il avait réussi sa révolution de palais dès l’an 2000 plutôt qu’en décembre 2003 [6], le Canada aurait été complice de l’invasion Bush-Blair qui a causé plus d’un demi-million de morts, détruit les infrastructures de l’Irak et pavé la voie de l’État islamique [ces terroristes heureusement en voie d’extinction ont causé pendant quinze ans des dommages immenses à tout le Moyen-Orient jusqu’en Afghanistan, où le conservateur Harper a sacrifié à la guerre des milliers de vies innocentes et des milliards de nos impôts].
3- Justin Trudeau a choisi d’écarter sans même l’entendre [7] Stéphane Dion, au profit de la Ministre des Affaires extérieures Chrystia Freeland que le lourd passé de sa famille ukrainienne entraîne (et avec elle, le Canada) dans une politique belliqueuse envers la Russie. Selon Jocelyn Coulon [8], elle prend « un malin plaisir à décrire la Russie comme l’épouvantail numéro un sur la scène internationale », allant jusqu’à mettre «sur un pied d’égalité les terroristes de l’État islamique et la Russie ».
4- Les médias continuent leur démonisation de la Russie au budget militaire [9] pourtant DOUZE fois inférieur à celui des États-Unis et VINGT fois inférieur aux budgets militaires de l’ensemble des pays de l’OTAN absurdement incités à s’endetter davantage pour soi-disant contrer « le danger russe ». Ce dernier est bien réel, par ses bombes nucléaires vétustes et mal entretenues, sur des sous-marins qui s’échouent, que SEULE UNE POLITIQUE DE DÉSARMEMENT COHÉRENTE RÉDUIRAIT. Au lieu de quoi, LE CANADA APPROUVE, sous l’influence militariste de ses fournisseurs militaro-industriels, de l’Arabie saoudite, d’Israël, de l’OTAN et bien sûr du Pentagone, les retraits successifs de Donald Trump des ententes de désarmement [10] signées par Reagan et Obama.
Démission ministérielle au gouvernement libéral
Seul député libéral à avoir voté contre la loi des mesures de guerre en 1970, de Bané a toujours travaillé pour des valeurs de paix, aujourd’hui bafouées, car aucun éditorial ne remet en question les $60 milliards annoncés pour des bateaux agressifs (Irving/Lockheed Martin [11]). On investit cette somme monstrueuse dans des navires de guerre, alors qu’au Québec, nos traversiers et brise-glace n’arrivent plus à assurer leur travail à qui manquerait une somme minimale de $60 millions (MILLE fois moins que pour les 15 bateaux de guerre du ministère de la Défense) : n’est-ce pas la preuve que le militarisme a triomphé du bon sens, alors qu’un juste est mort dans le silence de nos dirigeants et de nos médias ?
Le silence de Jody Wilson-Raybould qui a quitté le gouvernement libéral de visages pâles à la langue fourchue pourrait-il s’expliquer par son séjour au ministère de la Justice [12], impuissant à enrayer ce que la commissaire Michèle Audette appelle aujourd’hui le génocide des femmes autochtones ? Les conservateurs militaristes attaquent Justin Trudeau à propos de SNC-Lavalin mais se moquent de ce que $60 millions (MILLE FOIS MOINS que les dépenses projetées pour des bateaux militaires) représenteraient comme règlements, par exemple, des problèmes d’eau potable pour les Premières Nations isolées.
N’est-elle pas plausible, cette explication de la démission de madame Wilson-Raybould, qui plus est écoeurée devant le manque d’argent au Ministère des Anciens Combattants [13] ? C’est le ministre de la Défense Harjit Sajjan qui lui succède: s’il prend la peine de regarder quelques-uns de ses dossiers, peut-être comprendra-t-il ce que $60 millions (MILLE FOIS MOINS QUE SES BATEAUX DE GUERRE) représenteraient en soins de santé accordés aux hommes qu’il dirigeait à la guerre en Afghanistan et qui sont devenus, pour une part d’entre eux, des itinérants que la société déclare ne pas avoir les moyens de traiter pour leurs maladies post stress-traumatique ! Peut-être démissionnera-t-il aussi ?
[1] À peine quelques semaines après ce témoignage, Jean-Louis fut nommé au Sénat, s’y distinguant en ralliant le leader conservateur Gérald A. Beaudoin pour l’adoption d’une politique de contrôle des armes à feu (suite logique au massacre de Polytechnique).
[2] On peut en consulter le procès-verbal gouvernemental pour vérification des propos relatés.
[3] http://www.artistespourlapaix.org/?page_id=2659
[4] Jean Chrétien, Mes histoires, p. 42, Éditions La Presse, 2018.
[5] À Pierre Elliott Trudeau qui lui préférait Mikhaïl Gorbatchev (voix encore très respectée chez les militants anti-armes nucléaires), je disais qu’hélas, nos préférences ne valaient rien, face à l’appui populaire dont jouissait l’ivrogne Eltsine (qui allait imposer Vladimir Poutine pour sa succession).
[6] Selon Chrétien, c’est sa femme Aline qui avait vu le jeu putschiste malfaisant des « Martinis » et l’avait persuadé de rester trois années de plus pour contrer leur influence (référence note 4).
[7] http://lautjournal.info/20180523/un-selfie-avec-justin-trudeau-un-regard-critique-de-jocelyn-coulon
[8] Un selfie avec Trudeau, Québec-Amérique, 2017.
[9] Proportions établies selon les chiffres du Stockholm International Peace Research Institute.
[10] http://www.artistespourlapaix.org/?p=15820
[11] http://www.artistespourlapaix.org/?p=15831
[12] Hélène Ruzetti (Le Devoir, 13 février) révèle qu’en trois ans, Mme Wilson-Raybould « a eu quatre attachés de presse différents, trois directeurs des communications et quatre chefs de cabinet ». Plutôt qu’interpréter ces faits comme preuves de son caractère difficile, voyons-les comme une difficulté pour une personne honnête de s’intégrer à la carrière politique.
[13] En France, ce ministère se dénomme «ministère des anciens combattants et victimes de guerre », ce qui démontre une compassion étendue sur laquelle le Canada devrait prendre exemple.
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