Washington Post : le Québec serait plus raciste que le ROC
Inutile de réfuter cette grossière assertion qui n’éclabousse que son auteur et l’éditeur qui l’a acceptée. Continuons plutôt, comme MM Couillard et Lisée nous l’ont demandé, « à exprimer les principes d’ouverture, d’inclusion et d’accueil », tout en ne fuyant pas les « débats spécifiques sur certaines questions, par exemple le mode d’intégration des nouveaux arrivants, les programmes de francisation, les programmes d’insertion en emploi…» La société doit pouvoir « débattre paisiblement des questions qui la préoccupent» a précisé M. Lisée en ajoutant : « il est vrai qu’il y a le débat et la manière». Il a convenu de faire « preuve de prudence » dans le choix des mots utilisés : il s’agit d’une «responsabilité collective » des politiciens, des médias et de tous ceux qui commentent l’actualité sur les réseaux sociaux.La semaine dernière, nous avons félicité chaleureusement nos maires de Montréal et de Québec, ainsi que nos deux premiers ministres pour avoir en notre nom exprimé leur pleine solidarité avec les victimes musulmanes innocentes, ce qu’il fallait absolument faire dans les circonstances, n’en déplaise aux islamophobes qui tentent de relever leurs têtes sournoises. Et nous sommes rassurés par les cérémonies religieuses à la mémoire des six victimes de la tuerie au Centre islamique de Sainte-Foy [1] auxquelles ont dignement assisté nos représentants politiques et une population recueillie, ainsi que par la grande messe toujours goûtée de Tout le monde en parle où M. Couillard a bien parlé en notre nom, avec comme interlocuteurs des dignitaires musulmans respectés de (presque) tous. Mais messieurs, il est temps de libérer maintenant la parole, pour éviter crispations identitaires et sentiments d’exclusion.
L’ère des selfies complaisants est révolue, monsieur Trudeau
La réalité sans faits alternatifs possibles est que le Canada (nos impôts) achète pour plus de cinq milliards de $ de Superhornets, ce qui représente quinze fois le montant accordé à Bombardier (compagnie qui a le malheur aux yeux des hommes d’affaires de Toronto et de l’Ouest canadien de provenir du Québec où on ne construit pas d’avions militaires). Où comptez-vous utiliser vos Superhornets américains, monsieur Trudeau ? Dès votre premier jour au pouvoir, votre première action avait pourtant été de clouer au sol les CF-18 stationnés en Irak. Nous vous avions alors écrit une lettre sincère [2]. Est-ce possible que des lobbyistes aient renversé votre position au point que vous ayez décidé d’approcher le nouveau président américain et ses lieutenants avec en première place en début de semaine le ministre de la Défense Sajjan ? S’est-il engagé à répondre aux exigences absurdes de l’OTAN militariste en augmentant le gaspillage en dépenses militaires traditionnelles ? Quel est ce revirement révoltant à 180 degrés de la politique canadienne ? À quoi serviront-ils, ces bombardiers ? À bombarder des pays musulmans de la Somalie à la Libye [3] et d’Irak à l’Afghanistan, où les bombardements canadiens financés à coups de milliards de $ n’ont su que tuer des milliers de civils, détruire leurs maisons, augmenter par millions le nombre de réfugiés et nourrir une vague de terrorisme qui met entre autres la Syrie à feu et à sang (le président Bachar al-Assad y arrivait tout seul, selon Amnistie internationale). Où est le Trudeau pacifiste d’il y a quinze mois qui affirmait vouloir aider à la défense des Kurdes [4] ? Quel éditorialiste a la décence aujourd’hui de s’indigner contre sa déchéance morale ? Et quarante associations musulmanes se déclarent opposées à l’islamophobie et vont dans les médias, sans dire un seul mot sur cette militarisation inacceptable dirigée contre leurs coreligionnaires ? Le pacifisme est-il totalement disparu de nos consciences ?
« Un enjeu inexistant », monsieur Couillard ?
Les partis d’opposition, appuyés par M. Gérard Bouchard, ont dès le premier jour de leur retour en Assemblée nationale demandé minimalement la mise en vigueur des recommandations du rapport Bouchard-Taylor, notamment enlever le crucifix [5] du mur de l’Assemblée nationale et légiférer pour empêcher les personnes en autorité de porter des signes religieux.
Des femmes courageuses ont pris la parole pour que leurs consoeurs ne portent évidemment ni la burqa, ni le tchador, ni le niqab, symboles d’oppression, mais aussi qu’elles soient protégées de l’obligation par un père, un mari, un frère ou un cousin de porter le hidjab ou le foulard.
Mohamed Lotfi écrit justement : Ma cause ce n’est pas de défendre une religion en particulier, même si elle fait partie de ma culture personnelle. Mon devoir et ma préoccupation de citoyen est de soutenir la paix sociale. Plutôt que défendre les gens dans leur appartenance à une religion, c’est plutôt à leur statut de citoyen à part entière qu’il faut les ramener [6].
Le Devoir rapporte la dénonciation par Québec Solidaire du racisme systémique gouvernemental : « Amir Khadir a relevé que les personnes issues de minorités visibles constituent moins de 2 % des 400 à 500 nominations faites bon an mal an par le ministère du Conseil exécutif ».
Bref, l’heure est à l’action sur deux fronts afin de réduire le terrain des deux franges extrémistes : d’une part, couper immédiatement toute subvention aux écoles privées religieuses, hassidiques, intégristes catholiques comme musulmanes, qui n’assurent pas les cours obligatoires pour l’éducation de base des Québécois et d’autre part, lutter efficacement contre le racisme notamment envers musulmans et autochtones qui les exclut de la société en les forçant au chômage: des statistiques qui nous font honte faisaient partie de nos articles en début janvier intitulés L’art de l’inclusion – parole aux jeunes musulmans [7].
N’est-il pas temps d’enfin laisser parler les femmes musulmanes ?
Certaines femmes musulmanes identifiées par leur parole libre et dérangeante doivent être entendues. La journaliste de droite [8] Sophie Durocher propose dans le Journal de Montréal qu’on laisse enfin s’exprimer les bouillantes Djemila, Nabila, Nadia et Fatima !
1- Qu’il y ait risque à dérapages, on en jugera en premier lieu par la mauvaise synchronicité et l’insensibilité des reproches de complaisance faits par Djemila Benhabib à nos politiciens, alors qu’ils s’adressaient à des survivants pleurant leurs morts et organisant la survie de leurs veuves et orphelins. Voici ses malheureuses paroles :
Ce qui m’a le plus horrifiée c’est néanmoins cette infantilisation des musulmans par des politiciens aussi incompétents qu’irresponsables qui ont toujours refusé d’incarner le sens de l’État et de l’autorité. (…) Je me serais attendue à ce que ces rencontres avec les religieux musulmans soient aussi une occasion pour nos politiciens de leur expliquer le sens de la démocratie. La nécessaire distanciation entre le politique et le religieux pour protéger les religions précisément. Le profond respect des femmes. Notre attachement à la liberté d’expression. Notre rejet viscéral de la violence. Mais non, c’était trop leur demander. L’occasion était trop belle pour eux de comptabiliser des votes! Caresser dans le sens du poil. Et faire des promesses, toujours des promesses…aussi encensées les unes que les autres.
Mais donnons une chance de se reprendre à celle qui a reçu plusieurs prix d’humanisme, au Québec comme en France et qui a puisé dans son passé algérien l’énergie militante de combattre avec vigueur les islamistes. Son dernier livre sur l’Après-Charlie emprunte un ton modéré et raisonnable qui contraste avec son premier brûlot intolérant À contre-Coran. Le 13 décembre, la Cour supérieure du Québec vient de lui donner raison dans sa cause l’opposant aux écoles musulmanes représentées par Me Julius Grey. Tout au long des procédures judiciaires, Djemila Benhabib a bénéficié de l’appui d’un Comité de soutien international qui compte plusieurs personnalités de renom, dont la philosophe Élisabeth Badinter, l’astrophysicien Hubert Reeves, l’ancien premier-ministre du Québec, Bernard Landry, l’équipe de Charlie Hebdo et la féministe bangladaise Taslima Nasreen (que j’avais contribué avec Claudio Zanchettin à faire venir à Montréal grâce à la Ligue des Droits et Libertés, au moment où sa vie était en danger).
2- Madame Durocher suggère aussi de réécouter Nabila BenYoussef (qui a déjà fait partie du conseil d’administration des Artistes pour la Paix), dans l’entrevue sensible et sincère livrée au lendemain d’une tuerie innommable en son pays natal, la Tunisie. Son vibrant plaidoyer devant Pénélope McQuade et Jean-Luc Mongrain un peu interloqués, le 28 juillet 2015, a été acclamé par le public en studio ! [9]
3- Nadia El-Mabrouk, professeure à l’Université de Montréal et membre de Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec), a dénoncé très tôt la radicalisation islamiste de jeunes du Cégep Maisonneuve prêts à aller faire le djihab en Syrie. Elle se méfie avec raison de la possibilité que « le climat actuel de repentance face à l’islam annonce le retour de lois anti-blasphème, l’instauration de commissions appelant à la dénonciation publique, à l’accusation de citoyens du Québec. Tout cela ne fera qu’exacerber les tensions et fragiliser encore plus la paix sociale qui s’effrite avec, d’un côté la montée des communautarismes religieux et leurs demandes incessantes, et de l’autre la montée de groupes clandestins s’érigeant en justiciers. Pour lutter contre les uns, la solution n’est pas de se mettre à genoux devant les autres. »
4- Enfin Fatima Houda-Pepin, ex-députée du parti libéral du Québec, nous offre les mots les plus convaincants, elle qui fut exclue de son parti le 20 janvier 2014 à la suite d’une discussion sur la malheureuse charte des valeurs péquiste où elle se désolidarisait de la position libérale en s’opposant au port du tchador. Des relents de l’échec de sa dernière campagne électorale l’opposent en ce moment à un maire de la banlieue sud et à son successeur, le député-ministre libéral Gaétan Barette : pour la défendre, l’avocat Julius Grey, aussi invité par Nadia Alexan à l’Université Concordia. On lira dans le Journal de Montréal [10] l’admirable prise de position du 6 février par madame Houda-Pepin :
« L’attaque meurtrière qui a fauché la vie de six Québécois, d’origine maghrébine et guinéenne, au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), le 29 janvier dernier, est une tragédie qui nous marquera longtemps. Elle a laissé dans le deuil et le besoin six veuves et dix-sept orphelins. Ne les oublions pas.
Il serait cependant trop facile d’expédier cet acte horrible en réduisant notre examen de conscience à une identification sélective de certains boucs émissaires de droite ou de gauche, politiciens et médias confondus. Ces dérives existent et il faut les dénoncer, mais le problème est beaucoup plus profond.
Du racisme au Québec
Je travaille sur les questions de l’intégration depuis 40 ans. J’ai participé à la sensibilisation des policiers de Montréal à la diversité dès le milieu des années 1980. Au début des années 1990, j’ai siégé au Comité interculturel et interracial de la Ville de Montréal à titre de vice-présidente et présidente, sous le leadership du maire Jean Doré. Sur les recommandations de ce comité, la Ville avait notamment :
- implanté son premier programme d’équité en matière d’emploi pour les Montréalais de différentes origines. Partie de rien, en 1992, leur présence dans la fonction publique municipale était montée à 20 %;
- la Ville avait déclaré février Mois de l’histoire des Noirs;
- proclamé 1993 Année de l’harmonie interculturelle et interraciale;
- reçu la visite mémorable de Nelson Mandela à l’hôtel de ville, en juin 1990, en reconnaissance de la mobilisation de Montréal contre l’Apartheid en Afrique du Sud, etc.
Le 15 janvier 1991, j’ai exposé devant la Commission sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec les difficultés d’intégration des communautés maghrébines et musulmanes avec lesquelles je travaille sur le terrain. «Merci de nous avoir instruits», a dit l’un des coprésidents de la Commission. Aujourd’hui, avec des taux de chômage de l’ordre de 18 % chez les Maghrébins francophones, mon diagnostic d’il y a 25 ans est, hélas, encore plus parlant.
Constatant une montée des manifestations haineuses des groupes extrémistes et néonazis au Québec, qui avaient élargi leur auditoire auprès de certaines tribunes radiophoniques, j’ai cofondé le Comité d’intervention contre la violence raciste, avec des représentants de la Commission des droits de la personne, du Congrès juif canadien et de la Ligue des droits et libertés. Après consultation auprès de plusieurs institutions publiques et ONG, nous avons cosigné et rendu public, en juin 1992, le rapport Violence et racisme au Québec, qui appelle les pouvoirs publics à l’action tout en précisant qu’il s’agissait d’un phénomène marginal qu’il ne fallait pas banaliser.
Alors est-ce qu’il y a des racistes au Québec ? La réponse est OUI.
Est-ce que le Québec est une société raciste ? La réponse est NON.
Le Québec que j’aime
Comment en sommes-nous rendus là aujourd’hui ? Poser la question, c’est y répondre. Y répondre, c’est entrer dans un dialogue sincère avec l’autre. Or, le dialogue sincère suppose l’ouverture, l’écoute, la nuance et la franchise, le partage des torts et des responsabilités aussi. Le problème est plus profond qu’on ne le pense.
Les Québécois de toute origine, francophones particulièrement, ont montré leur humanité. Par un froid glacial, ils ont trouvé les mots pour dire qu’ils partageaient la douleur des familles éprouvées et qu’ils étaient contre la violence. Au palmarès des honneurs, il faut rendre hommage au peuple québécois. Il a fait preuve de sa grandeur à la face du monde. C’est le Québec que j’aime !
Du côté musulman, et malgré la douleur de l’épreuve, nous avons assisté à des moments de grâce, notamment lorsque le cofondateur du CCIQ, BenAbdallah Boufeldja, a déclaré au peuple québécois «je vous aime», le 31 janvier dernier, à l’église Notre-Dame-de-Foy, à Québec. Quelle noblesse, quand il a déclaré à l’adresse des dix-sept orphelins: «Nous leur dirons qu’il s’agissait d’une “erreur” pour qu’ils ne gardent pas “rancune”.»
Et que dire du magistral ambassadeur de Guinée, dans son allocution aux funérailles de Québec, le 3 février dernier, rendant hommage à deux victimes québécoises originaires de son pays ? Il est allé jusqu’à accorder son pardon et celui des familles endeuillées au présumé tueur. C’est fort, très fort comme symbole. Tout d’un coup, nous avons découvert que l’humanité n’a ni race ni religion.
Balayer devant sa propre porte
« Le racisme est un problème complexe qui nécessite un bon diagnostic de ses causes et de ses manifestations». C’est ce que je déclarais au Journal de Montréal le 16 avril 1993.
Dans le contexte de l’instabilité internationale de notre monde, il est difficile d’ignorer que la violence qui menace notre sécurité et notre paix sociale est aussi l’œuvre d’individus et de groupes se réclamant de l’islamisme radical.
Pendant des décennies, les démocraties occidentales – Québec et Canada inclus –, un peu par indifférence, un peu par ignorance et beaucoup par opportunisme politique et par appât du gain, ont fermé les yeux sur la montée fulgurante de l’idéologie salafiste, un cancer aujourd’hui généralisé aux pays musulmans et non musulmans.
Les musulmans d’ici et d’ailleurs sont les premières victimes de cette folie meurtrière qui a marqué notre conscient collectif. Le silence de la majorité des musulmans face à l’islamisme radical est assourdissant. Le tort qui est fait à l’islam et aux musulmans par les idéologues de la haine et les «leaders» autoproclamés est irréparable.
La balle est maintenant dans le camp des communautés musulmanes elles-mêmes. Les extrémismes se nourrissent réciproquement de leur haine mutuelle. On ne peut combattre le racisme si on ne combat pas les discours haineux et la violence djihadiste à l’égard des «mécréants». À l’instar du peuple québécois, les musulmans du Québec doivent montrer leur humanité en dénonçant la violence commise en leur nom et au nom de l’islam.
On ne peut pas continuellement demander aux autres de faire ce que nous refusons pour nous-mêmes. «Une seule main n’applaudit pas», si nous voulons bâtir une société pluraliste harmonieuse, inclusive et respectueuse de sa diversité. Il en va de notre crédibilité et de l’avenir de nos générations futures. » Fin du plaidoyer de Fatima Houda-Pepin.
En conclusion
Sophie Durocher conclut son propre plaidoyer (qui serait plus convaincant sans de nombreux antécédents de prises de position pour le moins douteuses) : « Avez-vous remarqué dimanche à Tout le monde en parle ? Il n’y avait que des hommes pour parler du drame de la mosquée et des suites à y apporter. La semaine prochaine, un quatuor de choc, Fatima/Nabila/Nadia/Djemila, qu’est-ce que tu en dis, Guy A. ? »
La rectitude politique de Radio-Canada et des médias écrits de Power Corporation ne résoudra pas les problèmes : seules de franches discussions et la volonté d’éviter les intransigeances religieuses ou laïques (du genre d’Hérouxville !) sauront nous conduire vers une paix qui ne soit ni gendarmisée, ni militarisée.
Ajout du 12 février: merci à André Jacob pour ses réflexions vitales que vous devez absolument lire en commentaire ci-dessous à cet article. Et merci à Tout le monde en parle qui retenant la suggestion de Sophie Durocher, a reçu aujourd’hui trois femmes musulmanes, dont la professeure Nadia El-Mabrouk. Guy A. Lepage a engagé avec deux autres intellectuelles représentatives de la jeunesse musulmane, Rachida Azdouz et Dalila Awada, une discussion animée, ouverte sur plus de sujets et même de désaccords que la semaine précédente, ce qui est normal à mesure qu’on s’éloigne du choc et de l’horreur vécue. La présence posée de Martine Ouellette a permis de recevoir le reproche sur la charte des valeurs québécoises (comme elle s’est hélas appelée dans ses premiers jours d’existence) et de désamorcer partiellement, avec l’aide de madame El-Mabrouk, la charge de madame Awada souffrant encore de blessures ouvertes de xénophobie, tout comme plusieurs co-religionnaires ayant de la difficulté à trouver un emploi. L’atmosphère de l’émission reflétait toutefois une volonté commune d’écarter tout projet de loi qui serait bâclé dans l’urgence et d’appeler plutôt à la solidarité du vivre-ensemble.
[1] Sainte-Foy ne devrait-elle pas changer son nom directement inspiré de l’Inquisition ?
[2] http://www.artistespourlapaix.org/?p=7866
[3] Où l’ex-général canadien Bouchard converti en représentant de Lockheed Martin au pays, est indirectement responsable des milliers de réfugiés qui perdent la vie en voulant traverser la Méditerranée. Lire notre mémoire à la Défense sur http://www.artistespourlapaix.org/?p=11183 pages 16 et 17.
[4] Dimitri Roussopoulos, ex vice-président des APLP et Nathan McDonnell, tous deux travaillant à Black Rose Books et en collaboration avec Alternatives, retournent courageusement en mission de paix en Turquie ce samedi, pour plaider la cause du chef kurde emprisonné Abdullah Oçalan.
[6] https://voir.ca/mohammed-lotfi/2017/02/03/je-nafficherai-pas-de-carre-vert/
[7] http://www.artistespourlapaix.org/?p=12391
[8] Elle juge Radio-Canada à gauche, alors que peu de ses réalisateurs et journalistes méritent ce qualificatif !
[9] https://www.youtube.com/watch?v=ImB3YAk2ehw
[10] http://www.journaldemontreal.com/2017/02/06/le-quebec-raciste
La laïcité toujours en question
Dans un contexte de deuil et de cérémonies d’empathie nécessaires, on a cru voir poindre la récupération politique et le paternalisme. D’une part, indirectement, le premier ministre du Québec a envoyé le message à ses adversaires politiques à savoir que lui, en tant que premier ministre, prêchait la tolérance alors qu’eux répandraient des messages moins clairs; d’autre part, posant comme un parangon de vertu, il a ouvert la porte à la présence religieuse dans le discours public. Pendant que le premier ministre Trudeau faisait appel à Dieu, le premier ministre du Québec finalisait son intervention à une prière en lançant un « Alahou Akbar! » (Allah est grand!). Comme homme d’État d’une province qui devrait prôner la neutralité religieuse, le premier ministre n’avait pas à se laisser aller à cet élan religieux. D’une certaine façon, c’est trahir l’idée même de la neutralité de l’État. C’est dédouaner la présence religieuse en tout, car l’exemple vient de haut quand le chef de l’État entre en scène avec un « Alahou Akbar ». Tout cela sentait la flagornerie de circonstance afin d’engranger des votes en flattant les croyants et les croyantes musulmans… dans le sens de leur attente. D’ailleurs, la réaction n’a pas tardé.
Nous sommes loin des discours sur la neutralité de l’État et la laïcité. Nous sommes plutôt dans les calculs politiques après avoir tardé à prendre position par rapport à la laïcité et la neutralité de l’État. Que fait le gouvernement? Il tergiverse. Il cherche à sauver la chèvre et le chou. Un État neutre a la lourde responsabilité de rester loin de toute manifestation religieuse et de se préoccuper d’abord des droits de ses citoyens et de ses citoyennes.
Plusieurs questions restent en suspens et ce sous plusieurs angles.
Comment réagir dans un rassemblement quand un imam demande aux femmes de se retirer lors d’une grande cérémonie publique?
Quelles sont les vraies mesures prises par l’État pour réellement combattre le racisme, la xénophobie, l’exclusion sociale et la discrimination sous toutes leurs formes?
Qu’en est-il de vraies mesures sociales pour faciliter l’intégration dans le sens d’appuyer les gens dans leur acquisition de compétences et d’habiletés afin de pouvoir participer pleinement, dans l’égalité des chances, à la vie sociale, économique, politique et culturelle? Au contraire, ce même gouvernement a imposé des coupures importantes au cours des dernières années.
La diversité ne concerne pas seulement l’origine nationale et ethnique ou la langue; on la touche, on la ressent en profondeur et on l’apprivoise sur le plan des conceptions morales et des croyances religieuses, qu’on le veuille ou non. La diversité se vit dans la sécularisation de la société. C’est central et la diversité s’accomplit dans le respect de la liberté de conscience et de la liberté de religion. Le vécu de la diversité va bien au-delà des considérations politiques partisanes et électoralistes. La principale difficulté consiste à sortir des ornières partisanes avec courage et lucidité. Le problème n’est pas une question d’habillement, de lieux de culte ou d’autres dimensions accessoires, mais une question de gestion des différences dans le respect de tous et de toutes. La question est d’abord d’ordre de l’éthique. Le problème se pose en termes de politiques susceptibles de permettre à chaque citoyenne et à chaque citoyen d’exercer sa citoyenneté en toute liberté peu importe ses croyances. En ce sens, l’État a l’immense responsabilité de trouver les solutions pour permettre l’exercice de cette citoyenneté.
Il y a quelques années, le philosophe Georges Leroux a commenté avec justesse les difficultés générales liées à cet enjeu « la société québécoise commence à peine à comprendre qu’elle doit faire le deuil de son ancienne unanimité : elle découvre la richesse de la différence, mais aussi les exigences de la diversité et de la liberté. S’il est aisé de prescrire la laïcité d’institutions comme les tribunaux et l’Assemblée nationale, il l’est moins d’en mesurer la portée dans l’espace public, par exemple dans les hôpitaux et les services. La dynamique de l’accommodement se fonde en effet sur les requêtes d’identité qui s’estiment, parfois justement, parfois sans motif, l’objet de contraintes excessives. Pour que le pluralisme normatif évolue harmonieusement, l’approche multiculturaliste apparaît désormais comme une impasse : confiner chacun dans un périmètre de coutumes et d’usages ne contribue pas à l’émergence de la cité commune, même si ce doit être pour sauver les composantes de traditions et de cultures qui fondent les identités historiques. »
André Jacob