Mes premiers contacts avec Maryvonne Kendergian datent des années soixante quand la fondatrice de la toute jeune Société de Musique Contemporaine du Québec avait engagé le jeune pianiste mcgillois pour jouer en première canadienne les Saudades do Brasil de Darius Milhaud, interprétation qu’elle avait tenu à complimenter à son émission régulière de Radio-Canada. À l’Université de Montréal où elle avait créé le tout premier cours canadien d’histoire des musiques d’ici, j’avais été un auditeur émerveillé de ses Musialogues qui jouissaient de son expérience d’interviewrice et de ses contacts internationaux radio-canadiens. Elle avait entre autres invité les Crétois Iannis Xénakis, accueilli à Montréal par Hélène Le Beau et le futur collaborateur de son Polytope de Cluny Robert Dupuy, puis Mikis Théodorakis au sortir de son emprisonnement par la Grèce des colonels. Vingt-cinq ans plus tard, il fut fait docteur honorifique de l’UQAM à ma suggestion, au moment de sa direction du Canto general de Pablo Neruda à l’Église Notre-Dame. J’en profite aujourd’hui pour transférer une partie de la reconnaissance à mon endroit de Pierre Falardeau, admirateur de Neruda-Théodorakis, à Maryvonne.
Au retour de mes études en Californie et en Europe, je la retrouvai sans surprise au conseil d’administration alors présidé par Antonine Maillet, où elle appuya mon projet (1988) de nommer des Artistes pour la Paix de l’année. Son expérience de présidente du jury de l’Ordre du Québec sut inspirer la rigueur impartiale de nos discussions en vue de nos choix, sans s’interdire de les enrichir par ses suggestions, tel Gilles Tremblay.
Pieuse chrétienne et ardente championne de la justice sociale et des droits de l’homme, l’autoproclamée « grand-mère des Artistes pour la Paix » (elle étendit plus tard son appellation aux compositeurs puis à tous les musiciens!) faisait le lien de notre organisme avec Aide à Toute Détresse – Quart Monde du père Wrezinski, qui profita de ses dons et de son amitié avec les Richard Séguin, Gilles Vigneault et Miguel Angel Estrella (Musique-Espérance).
Maryvonne avait la compassion intuitive de ressentir à l’avance mes périodes de deuils sentimentaux (!) m’entraînant alors joyeusement dans des tourbillons de sorties culturelles théâtrales : elle me faisait rencontrer des amis aussi étonnants que Robert Gravel (productions télévisuelles Victor Lévy-Beaulieu et fondateur de la Ligue Nationale d’Improvisation) et Jean-Pierre Ronfard (École Nationale de Théâtre et fondateur d’Espace Libre, puis metteur en scène de notre spectacle algérien en dénonciation des violences islamistes et militaires). Elle facilita la collaboration du secrétaire des APLP Clément Schreiber avec les activités de la Chapelle Historique du Bon-Pasteur qu’elle fit aussi profiter de ses suggestions musicales. Et c’est sans doute grâce à l’intercession de Maryvonne, si aimée des artistes pour la paix Romulo Larrea, Robert Dupuy, Luc Boily et Mario Bruneau, que la Chapelle, animée à travers vents et marées par le plus intime de ses amis, Guy Soucie, accueille depuis trois ans nos cérémonies du 14 février.
Pierre Jasmin
Vice-président APLP
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