Le jugement et l’explication sibylline de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) surprennent et déçoivent: « « L’OSM estime qu’il serait inapproprié d’accueillir M. Malofeev cette semaine. Nous continuons toutefois de croire qu’il est important de maintenir nos relations avec des artistes, quelle que soit leur nationalité, qui portent des messages de paix et d’espoir… » Alors ? Dommage que l’OSM se soit enferré dans la logique de la culture du bannissement systématique sans nuances lorsqu’il s’agit d’un.e artiste d’origine russe alors que ce jeune virtuose déclare sa bonne foi publiquement par ses déclarations : « Honnêtement, la seule chose que je peux faire en ce moment est de prier et de pleurer. Il semblerait qu’il y ait des conclusions évidentes : aucun problème ne peut se régler dans la guerre, les gens ne peuvent pas être jugés par leur nationalité. » (…) « Je me sens très mal à l’aise à ce sujet et je crois aussi que cela peut affecter ma famille en Russie. Je crois toujours que la culture russe, la musique en particulier, ne devrait pas être ternie par une telle tragédie, même s’il est impossible de rester à côté en ce moment. » Il ajoute : « tout ce que je sais, c’est que répandre la haine ne va pas améliorer la situation, mais seulement causer encore plus de souffrance ». Sa courageuse déclaration pacifique ne semble pas compter pour les dirigeants de l’OSM.
Par son propos, le jeune pianiste Alexander Malofeev traduit sa foi en la paix et exprime sa désespérance, ce que les dirigeant.e.s de l’OSM ne semblent pas comprendre. On fait preuve d’inconsistance. Si l’entreprise croit vraiment ce qu’elle affirme en déclarant supporter les messages de paix et d’espoir, elle donnerait la chance à Alexander Malofeev d’exprimer la paix par son art. Au lieu de jeter l’anathème sur un artiste qui dénonce cette guerre, et considérant les difficultés des artistes russes à exprimer leur opposition dans leur pays, un organisme respectable comme l’OSM devrait accorder son soutien à cet artiste. Si certain.e.s artistes russes soutiennent le gouvernement de Poutine, qu’ils.elles assument leur position, mais ceux et celles qui s’opposent à cette guerre soit respecté.e.s et qu’on les laisse contribuer à leur effort de paix. C’est aussi significatif et névralgique dans la promotion de la paix de dénoncer l’agression russe et de soutenir la population ukrainienne, ainsi que tous ceux et toutes celles qui, comme Alexander Malofeev partout dans le monde, et en premier lieu en Russie, manifestent contre la nomenklatura russe. Ce serait faire œuvre utile pour la promotion de la paix que de cesser de nourrir les stéréotypes discriminatoires généralisés contre les artistes russes qui font acte de foi pour la paix.
L’OSM pourrait contribuer à bâtir une culture de la paix au lieu de se plier bêtement aux diktats antirusses de la propagande ambiante…
Saluons la publication par Le Devoir du 10 mars de l’article de notre Artiste pour la Paix honoraire. J’ai écrit en commentaire au Devoir électronique (va-t-il l’imprimer?) l’opinion suivante:
bravo, andré! L’opinion de notre Artiste pour la Paix honoraire, parue sur notre site hier, décrit bien l’attitude néfaste sans doute motivée par des pressions économiques de l’OSM. Elle s’ajoute à d’autres pires encore, par exemple en Italie l’annulation d’un cours universitaire sur Dostoievski dont on connaît, bien sûr, l’ascendant philosophique sur les opinions de Poutine 🙂
Je pense avec tristesse et compassion à de grands musiciens, les plus grands interprètes contemporains de Rachmaninov (lui-même déchiré par son exil de sa bien-aimée Russie en pleine Première guerre mondiale): le chef humaniste Valery Guergiev et mes amis pianistes Denis Matsuev et Mikaïl Pletnyev que l’OSM avait reçus il y a quatre ans au bénéfice de l’enrichissement artistique de notre milieu.
Aujourd’hui 11 mars le DEVOIR s’étonne, sous la plume de Christophe Huss, « que sur la page Facebook du Devoir il se soit trouvé 2700 personnes pour avoir un avis sur la décision de l’OSM et 1600 pour la commenter, sans compter les avis et commentaires résultant de 235 partages. (…) Ils étaient plus de 1800 sur 2700 (avis tout à fait légitime, évidemment) à lui [OSM] cracher dessus (!…) sans comprendre que la présence de Malofeev n’était qu’un épiphénomène de ce concert » et ce critique feint de ne pas comprendre que si tant de personnes se sont exprimées sur l’excellente opinion de l’artiste pour la paix honoraire André Jacob déplorant la décision de l’OSM, c’était parce que c’était un rarissime article, une fenêtre ouverte, où la censure du Devoir s’est relâchée à propos de la guerre d’Ukraine.