Les universitaires internationaux (USC) retrouvent leur combattivité
Par Pierre Jasmin, secrétaire des Artistes pour la Paix 29 avril
Photo: Mario Tama Getty Images via Agence France-Presse Des manifestants pro-palestiniens aux prises avec les forces de sécurité de l’Université de la Californie du Sud
Le Secrétaire général des Artistes pour la Paix, gradué (pour une fois que mes diplômes servent à quelque chose – médaillé d’or – baccalauréat et licence en musique 1970) de l’Université McGill salue l’ouverture (jusqu’à présent) de son campus à des étudiants protestataires courageux contre le « génocide israélien ». Depuis 1968 dont mes souvenirs sont précis (convention de Chicago où la police se couvrait de honte sous les cris de the whole world’s watching, jamais n’y a-t-il eu autant d’effervescence anti-guerre.
Des extraits d’un article du Washington Post (Le Devoir – 29 avril) relatent « que l’Université de la Californie du Sud (USC) a annulé sa principale cérémonie de collation des grades et a mis en place une série de mesures de sécurité pour les personnes qui se rendront sur le campus lors du week-end de célébration début mai, signe que les manifestations propalestiniennes menées par les étudiants et secouant les campus universitaires perturbent les plans de remise des diplômes ». La cérémonie principale (elle accueille habituellement quelque 65 000 étudiants et membres de la communauté) du 10 mai a été annulée, suite à des scènes tumultueuses qui « se sont déroulées mercredi sur le campus de l’USC, à Los Angeles : des policiers ont arrêté 93 personnes en dispersant une manifestation propalestinienne organisée par CODEPINK. Les étudiants qui protestaient contre la guerre opposant Israël et le Hamas à Gaza avaient installé un campement sur la pelouse au centre du campus, où devait se dérouler la principale cérémonie de remise des diplômes de l’école, a rapporté le Los Angeles Times.
Photo de la dangereuse « terroriste pour la paix » Asna Tabassum
La tension était palpable depuis un moment à l’USC. L’établissement avait déjà annoncé qu’il ne ferait pas intervenir la majore de promotion de cette année lors de la collation des grades, invoquant de vagues préoccupations en matière de sécurité. Pourquoi? C’est que la majore Asna Tabassum, qui est musulmane, a exprimé des opinions propalestiniennes. Les responsables de l’université ont déclaré que la nouvelle de sa sélection comme oratrice à l’événement avait engendré des réactions ayant « pris une tournure alarmante », mais sans préciser s’il s’agissait de menaces ».
Alerté par la National Campaign for Justice (Seattle), qui est membre de l’Action Network (réseau créé il y a dix ans), Pierre a fait parvenir la semaine dernière à l’USC Board of Trustees, à titre de gradué 1993 Masters in Musical Arts, la protestation suivante :
Asna Tabassum, musulmane sud-asiatique américaine de première génération et choisie comme majore de sa promotion 2024 par l’Université de Californie du Sud (USC), s’est vu attribuer son lieu de parole traditionnel lors de la remise des diplômes. Quelques jours plus tard, l’école a annulé son discours en raison de craintes présumées de « sécurité » liées à son soutien exprimé aux droits des Palestiniens. La décision de l’USC montre pour la première fois en 143 ans d’histoire de l’école une censure par les administrateurs du droit de parole d’une major lors de la remise des diplômes, un dangereux précédent contre la liberté d’expression qui renforce également les voix de la haine, de l’intolérance et de la violence, tout en envoyant un message terrible à tous les étudiants qui osent exprimer leur soutien à l’humanité palestinienne dans tout le pays. Le Conseil des relations américano-islamiques de Los Angeles a demandé à toute personne indignée par cette situation de contacter l’USC et d’exiger que Tassabum soit autorisée à parler, comme tous les autres majors de promotion l’ont fait depuis plus d’un siècle.
Mais la lâcheté institutionnelle USC a purement et simplement annulé la cérémonie, alors que des étudiants qui ne demandent que la paix, sont brutalement arrêtés par la police.
Ailleurs aux États-Unis – voir article de Fabien Deguise dans Le Devoir
À New York, Éric Horowitz, 26 ans, co-plaignant juif avec sept autres étudiants et membre du conseil de l’Association des étudiants en droit de l’Université de la ville de New York (CUNY) qui avait aussi suspendu ce choix, croit que « la liberté des étudiants de choisir un orateur est particulièrement importante au septième mois d’un génocide (…) pour faire entendre notre voix en solidarité avec le peuple de la Palestine ».
À l’Université du Michigan, le recteur, Santa Ono de l’Université du Michigan a annoncé que son institution mettrait en place, à l’extérieur du lieu de la cérémonie, une zone réservée aux manifestants, pour empêcher leur « intrusion inacceptable dans l’une des traditions les plus importantes de l’université ». Les autorités ont proposé une « politique d’activité perturbatrice », selon laquelle les étudiants perturbateurs pourraient être suspendus ou même expulsés en cas d’intrusion dans la cérémonie. L’Union américaine pour les libertés civiles du Michigan a qualifié cette politique de « vague et excessive » et déclaré qu’elle risquait « d’étouffer la liberté d’expression sur le campus ».
Partout dans le monde, les étudiants s’indignent, comme dans les années 60 contre la guerre criminelle des États-Unis de Nixon contre le Vietnam. Espérons qu’une même défaite entraîne à la fois les Genocide Joe et MAGA Trump et que vive enfin la jeunesse des Rashida Tlaib, Alexandria Ocasio-Cortez, Cori Bush, Ilhan, Pressley etc.
Montréal, le 30 avril 2024 — Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) demandent à l’Université McGill de répondre au campement des étudiants en respectant leurs demandes et en se désinvestissant des entreprises complices du génocide israélien à Gaza. Après seulement quelques jours de protestation pacifique, CJPMO est alarmée par les menaces de l’administration de disperser les étudiants par la force, ce qui pourrait se traduire par une répression policière violente et des arrestations massives. CJPMO estime que les demandes des étudiants reflètent des impératifs juridiques et éthiques internationaux qui devraient être respectés par l’Université.
« À Montréal et dans le monde entier, le mouvement des campements étudiants est un exemple inspirant d’expression politique non violente en faveur des droits des Palestiniens. Les universités devraient reconnaître le leadership des étudiants et prendre des mesures pour supprimer leurs investissements injustifiables », a ajouté M. Woodley.
Les étudiants de McGill et de Concordia ont installé des tentes sur le campus de McGill samedi, suivant la croissance rapide et généralisée du mouvement des campements d’étudiants aux États-Unis au cours des dernières semaines. Les étudiants ont l’intention de protester jusqu’à ce que leurs universités 1) se désinvestissent de toutes les entreprises complices du génocide du peuple palestinien par Israël et 2) coupent les liens académiques avec les institutions israéliennes. CJPMO note que d’autres campements se sont formés à l’Université de l’Alberta et à l’Université de la Colombie-Britannique, et s’attend à ce que d’autres suivent. CJPMO réclame du gouvernement canadien qu’il condamne les actes de piraterie, et donne suite à ses promesses d’aider à la reconstruction de la bande de Gaza.
Aujourd’hui, le président de McGill, Deep Saini, a envoyé un courriel au personnel et aux étudiants pour leur annoncer qu’ils avaient demandé l’aide de la police, soulevant des inquiétudes quant à la possibilité de brutalité policière et d’arrestations arbitraires, comme cela a été le cas dans de nombreuses universités aux États-Unis. Une telle action irait également à l’encontre de l’avis émis aujourd’hui par le chef des droits de la personne de l’ONU, qui a exprimé son inquiétude quant à la réaction brutale et disproportionnée de la police face aux manifestations aux États-Unis.
CJPMO est également préoccupée par le fait que les médias répètent des affirmations non vérifiées de l’administration de McGill concernant des manifestants qui auraient été filmés en train d’adopter un comportement antisémite. En réponse aux demandes de renseignements de l’Équipe de responsabilisation des médias de CJPMO, certains de ces médias ont admis que l’université n’avait partagé aucune preuve de ces affirmations. « McGill doit faire preuve de transparence avec les médias. Les rapports non vérifiés et calomnieux à l’encontre des étudiants activistes doivent être examinés de manière critique, et ne pas être utilisés pour justifier la violence policière », a déclaré Mme Woodley.
Le désinvestissement est un moyen de pression économique important qui a été promu par de nombreux mouvements sociaux en faveur des droits de la personne, notamment le mouvement anti-apartheid sud-africain au milieu des années 1980. En 2005, la société civile palestinienne a demandé à la communauté internationale d’adopter des tactiques économiques telles que le désinvestissement afin de faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international. Au cours des deux derniers mois, au moins quatre associations de professeurs et deux syndicats d’étudiants canadiens ont voté en faveur du désinvestissement des entreprises complices, rejoignant ainsi de nombreuses autres organisations étudiantes, syndicales et communautaires.
Il faut lire aussi les commentaires de l’ancienne présidente du C.A. de l’UQAM Lise Bissonnette sur les compagnies militaires appuyées par les fonds de McGill (et plusieurs de ses facultés de sciences…). D’autre part, La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université du Québec s’inquiète des commentaires récents du premier ministre François Legault, qui a demandé au Service de police de Montréal de démanteler de force le campement de manifestation pacifique installé sur le campus de l’Université McGill.
Dans une société libre et démocratique, il ne revient pas au pouvoir politique de donner des mots d’ordre à la police sur des questions opérationnelles, a dit la professeure Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU. «Que le premier ministre s’attaque à la liberté d’expression des manifestant•es en appelant à une intervention des forces de l’ordre à leur encontre constitue un précédent dangereux et inquiétant. Nous devons rappeler qu’une juge de la Cour supérieure a rejeté mercredi une demande d’injonction déposée par deux étudiants de McGill, notamment parce qu’ils n’ont pas été en mesure de soutenir, par des faits, leur crainte subjective que des manifestant.es les ciblent et commettent des gestes violents à leur égard. La juge a aussi noté qu’aucune entrée du campus n’était entravée et que les examens se tenaient sans obstruction de la part des manifestant.es. Devant l’absence d’une preuve de menace quelconque pour la sécurité de quiconque, le tribunal a conclu que les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique des manifestant.es devaient l’emporter.
Rappelons que le campement a été initié par plusieurs étudiantes et étudiants de l’université McGill et de Concordia (la FQPPU oublie l’UQAM). Le campement est organisé pour faire pression sur l’administration de l’Université McGill afin qu’elle respecte la politique de solidarité avec la Palestine votée l’automne dernier par plus de 5 964 étudiants (80 % des votants) des différents départements et facultés de McGill, y compris la faculté de droit, et exige un cessez le feu à Gaza.
Les campus universitaires sont, depuis toujours, des lieux où les idées se confrontent, parfois de façon vigoureuse, a déclaré la professeure Pastinelli. «La FQPPU a toujours défendu la liberté d’expression des membres de la communauté universitaire, et ce peu importe leur point de vue, dans la mesure où ils ne compromettent pas la sécurité d’autrui. »
Depuis 1991, la FQPPU est l’instance de concertation et de représentation du corps professoral universitaire québécois.