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Le 21 septembre dernier, soit un mois avant le scrutin, les Artistes pour la Paix ont posé aux 6 chefs des 6 principaux partis politiques fédéraux une série de six questions sur leurs positions respectives concernant la paix, le militarisme et la politique extérieure. Il s’agit de questions précises sur des sujets précis, auxquelles on peut répondre sans patiner.

Les six chefs ont reçu les questions par courriel et par lettre. Nous avons demandé qu’ils répondent au plus tard le 10 octobre.

En date du 11 octobre, nous avons reçu les réponses de deux partis : le NPD et le Bloc québécois. Voici ce qu’ils ont écrit.

Le Canada et l’Organisation du Traité d’Atlantique Nord (OTAN)

1Le dernier énoncé de Politique de défense du Canada (2017) mentionne à plusieurs reprises l’engagement immuable du Canada dans l’OTAN. La dernière intervention militaire de l’OTAN a créé le chaos et semé la mort en Libye et sa stratégie actuelle énonce que “les armes nucléaires sont au cœur même du déploiement de l’Alliance”.

Sous votre gouvernement, le Canada continuera-t-il de s’aligner sur l’Alliance militariste qu’est l’OTAN ?

NPD : Le Canada devrait travailler au sein de l’OTAN pour promouvoir la paix et la sécurité internationale, et le respect pour le droit international. Le Canada devrait jouer un rôle de leadership dans les initiatives de l’OTAN visant à créer un monde exempt d’armes nucléaires, notamment en signant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

BQ : Oui. Le Canada se doit de respecter ses engagements internationaux et ses alliances.

Le Canada et le traité des armes nucléaires à portée intermédiaire (INF)

2Pour un observateur objectif, les États-Unis brisèrent leur parole en étendant les limites de l’OTAN en Europe de l’Est, en se retirant du traité ABM en 2001, puis en installant des systèmes de missiles près des frontières russes. En décembre, le Canada a voté contre une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU qui visait à “renforcer le respect des normes du traité INF entre la Russie et les États-Unis”.

Votre gouvernement reviendra-t-il sur cette prise de position calquée sur celle de M. Trump qui a unilatéralement déchiré ce traité sous pression d’Israël et de l’Arabie saoudite ?

NPD : Oui, le monde a connu de nombreux développements qui ont été régressifs en matière de non-prolifération et de désarmement nucléaire, y compris l’expiration du Traité FNI entre les États-Unis et la Russie. Nous devons poursuivre énergiquement le désarmement nucléaire en dépit des actions et des discours belliqueux d’autres pays.

BQ : Le Canada n’a pas d’armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires et ne souhaite pas en obtenir. Nous nous opposons à la prolifération de ces armes et des missiles les transportant. Nous trouvons irresponsable la décision américaine de repartir une course à l’armement.

Le Canada exportateur d’armes

3Après des années de tergiversations juridiques, le Canada continue d’exporter des blindés et autres armes vers l’Arabie Saoudite, alors que ces équipements sont fortement suspectés de servir à des fins de répression domestique et d’agression en particulier au Yémen.

Votre gouvernement s’engagera-t-il à suspendre sans considérations commerciales ni stratégiques les licences d’exportations d’armes vers des pays en guerre ?

NPD : Oui. Nous ne devons pas être complices de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Nous devons suspendre toutes les ventes d’armes lorsqu’elles risquent d’être utilisées pour violer les droits de l’homme, comme le stipule clairement le traité sur le commerce des armes.

BQ : Oui. Les crimes de guerre de l’Arabie Saoudite sont suffisamment documentés pour justifier une suspension de l’exportation de toutes armes vers ce pays.

Le Canada et le Plan d’action conjoint de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPA)

4Le gouvernement, qui avait exprimé son soutien au JCPA avec l’Iran, n’a encore effectué aucune démarche concrète autre qu’une accolade à Emmanuel Macron pendant le G7 pour appuyer les efforts des nations qui veulent sauvegarder cette entente déchirée unilatéralement par le président Trump.

Quelles actions concrètes votre gouvernement prendra-t-il pour participer au dénouement de l’impasse du JCPA ?

NPD : Le NPD appuie fermement les efforts déployés par les autres parties au JCPOA pour s’assurer que l’Iran respecte sa part de l’accord. Nous travaillerons avec ces parties pour assurer le succès de l’accord, notamment en intensifiant les efforts diplomatiques pour maintenir et renforcer le soutien à l’accord nucléaire iranien.

BQ : Nous allons continuer d’appuyer le JCPA et nous croyons que la décision du gouvernement Trump de déchirer l’entente unilatéralement était irresponsable et irréfléchie.

Le Canada, ses Casques bleus et sa politique extérieure

5Walter Dorn, membre de l’exécutif de Pugwash Canada, dénonce le fait que les Affaires étrangères ont « beaucoup parlé de la nécessité d’un ordre international fondé sur des règles, sans aider le moindrement au centre de cet ordre international, les Nations Unies, et son entreprise phare de maintien de la paix en zones de conflit, les Casques bleus canadiens ». Ces derniers ont souffert d’une diminution drastique du personnel en uniforme et la politique extérieure canadienne a pris une tournure agressive envers la Russie, le Venezuela et la Palestine, en ternissant la réputation de paix du Canada et en compromettant ses chances de réintégrer le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Votre gouvernement favorisera-t-il l’ONU, plutôt que l’OTAN et le NORAD ?

NPD : Il est malheureux que les libéraux n’aient même pas tenu les promesses qu’ils avaient eux-mêmes faites en matière de maintien de la paix après leur arrivée au pouvoir. Le Canada accuse toujours du retard par rapport à des douzaines de pays pour ce qui est de nos contributions aux missions de l’ONU. Nous ne pouvons pas continuer à décevoir les civils vulnérables du monde entier. Nous renforcerons considérablement les contributions du Canada aux missions de paix de l’ONU et nous ferons de notre mieux pour que ces missions réussissent à prévenir la violence et à consolider la paix.

BQ : Nous allons favoriser la stabilité et l’aide aux populations victimes d’exactions, dans une logique de paix mondiale. Les moyens et la façon d’intervenir seront analysés au cas par cas, mais nous privilégions les missions sous l’égide de l’ONU.

Le Canada s’engage dans des dépenses militaires ruineuses

6Pour obéir à l’OTAN, le Canada s’est engagé dans des dépenses de $70 milliards pour des navires de guerre, $3 milliards pour des blindés et quelques dizaines de milliards pour des F-35 ou l’équivalent. Or, les dépenses militaires croissantes des pays de l’OTAN sont actuellement à QUINZE FOIS celles déclinantes de la Russie (selon le SIPRI), dangereux déséquilibre.

Votre gouvernement va-t-il poursuivre un tel gaspillage, au moment où la planète crie au secours dans une crise climatique sans précédent ?

NPD : Nous veillerons à ce que du financement appuie notre défense canadienne et nos engagements internationaux, en accordant une priorité renouvelée à l’avancement des initiatives multilatérales de maintien de la paix partout dans le monde.

BQ : Nous voulons que le gouvernement fédéral investisse massivement pour la construction de nouveau brise-glaces qui sont nécessaires pour la sécurité de la navigation dans le Saint-Laurent et pour notre économie. Nous ne prônons pas une augmentation des dépenses militaires.

Les autres Partis

Comme nous n’avons pas reçu de réponses des autres partis, nous avons épluché leurs programmes respectifs et recensé les déclarations faites aux médias.

Le cas du Parti Vert

Comme le mentionnait Pierre Jasmin dans son article du 11 octobre Elizabeth May et sa politique étrangère… d’après-débat, les déclarations de Mme May répondaient à plusieurs de nos questions. En combinant ses propos aux médias avec le texte du programme du Parti Vert, on peut proposer les réponses suivantes :

Q : Sous votre gouvernement, le Canada continuera-t-il de s’aligner sur l’Alliance militariste qu’est l’OTAN ?

R : Le Canada doit remettre en question sa place au sein de l’OTAN, l’alliance militaire de 29 pays qui devrait exclure la Turquie en raison de ses frappes contre le peuple kurde. L’OTAN correspond-elle à nos besoins stratégiques au 21e siècle ?

Q : INF – Votre gouvernement reviendra-t-il sur cette prise de position calquée sur celle de M. Trump qui a unilatéralement déchiré ce traité sous pression d’Israël et de l’Arabie saoudite ?

R : Signera et ratifiera le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Interdira les armes autonomes et travaillera à un pacte mondial les rendant illégales.

Q : Votre gouvernement s’engagera-t-il à suspendre sans considérations commerciales ni stratégiques les licences d’exportations d’armes vers des pays en guerre ?

R : Annulera les contrats visant à fournir des véhicules blindés à l’Arabie saoudite et interdira l’importation de pétrole saoudien.

Q : Votre gouvernement favorisera-t-il l’ONU, plutôt que l’OTAN et le NORAD ?

R : Le Parti vert sait pertinemment que le personnel des Forces armées canadiennes est apprécié dans le monde entier pour son niveau de formation, son leadership de qualité à tous les échelons et l’attitude volontariste et coopérative qu’il adopte dans le cadre des opérations internationales. Le Canada a maintenant besoin d’une force polyvalente, apte au combat, qui peut offrir des options réalistes au gouvernement en cas d’urgence pour la sécurité nationale, d’opérations de défense continentale et d’opérations internationales. Il s’agit entre autres de protéger les frontières septentrionales du Canada alors qu’on assiste à la fonte des glaces arctiques. Un gouvernement vert s’assurera que les Forces armées canadiennes soient prêtes à servir en assumant à la fois un rôle traditionnel et nouveau.

Q : Votre gouvernement va-t-il poursuivre un tel gaspillage, au moment où la planète crie au secours dans une crise climatique sans précédent ?

R : Assurera un plan d’investissement doté d’un financement stable de sorte que les militaires possèdent l’équipement et la formation nécessaires pour mener à bien un mandat élargi. Il faut se doter notamment de navires militaires et de la Garde côtière capables de naviguer dans l’océan Arctique, d’aéronefs à voilure fixe pour la recherche et le sauvetage et d’hélicoptères.

Libéraux, Conservateurs et PPC

Le Hill Times du 9 octobre fait remarquer qu’il n’y a que peu de différences entre les startégies de défense des Libéraux et des Conservateurs. On parle ici de la présence du Canada en Lithuanie, en Ukraine et en Irak.

Citons deux extraits de la plateforme de ces 2 partis :

Libéraux : Pour poursuivre le travail important que les membres de nos forces armées ont accompli dans le cadre de missions essentielles partout dans le monde, nous renforcerons le rôle du Canada au sein d’organismes multilatéraux, comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et les Nations unies (OTAN), et nous veillerons à ce que nos forces armées aient tout ce dont elles ont besoin pour continuer à bien faire leur travail. Pour veiller à ce que le Canada maintienne sa contribution importante à la paix et à la sécurité dans le monde, nous investirons davantage pour soutenir les efforts de maintien de la paix des Nations Unies.

Conservateurs : Comme premier ministre, je serai franc avec les Canadiens et les Canadiennes sur les menaces auxquelles nous faisons face. Je renforcerai le rôle du Canada dans les alliances que nous partageons avec nos alliés démocratiques. Ça comprend celles existantes comme le NORAD, l’OTAN, le Commonwealth, la Francophonie et le Groupe des cinq, et aussi une plus grande ouverture sur l’Inde et le Japon. Je bâtirai sur la tradition Canada–États-Unis de partenariats militaires en lançant des discussions avec les Américains afin de nous joindre au programme de défense antimissile balistique et de moderniser le NORAD. Je choisirai de nouveaux avions de chasse par un appel d’offres concurrentiel et assurerai que ces avions sont interopérables avec ceux de nos alliés américains. Avec les Américains, nous devons défendre sérieusement et fermement nos intérêts, et un partenariat renforcé parmi les démocraties libres.

Dans son programme, M. Trudeau se réclame à plusieurs reprises de Lester Pearson, et M. Scheer invoque le fantôme de Churchill dans son discours sur la politique étrangère. M. Trudeau mentionne qu’il a l’intention d’augmenter la participation canadienne dans les forces de l’ONU. Il reste à savoir si ses déclarations pro-Casques Bleus sont autre chose qu’une façade.

Malheureusement, aucune réponse à nos questions sur le JCPA ou la vente d’armement ne peut être trouvée dans les plateformes de ces deux partis.

Quant au Parti Populaire, il déclare dans son programme que son gouvernement « se retirera de toutes les ententes sous l’égide de l’ONU, y compris le Pacte mondial sur les migrations et l’Accord de Paris sur les changements climatiques, qui menacent notre souveraineté, et réduira à un strict minimum notre présence dans les institutions de l’ONU » et « donnera la priorité aux relations avec notre principal partenaire commercial et de défense, et collaborera avec l’administration Trump, ou tout autre occupant de la Maison-Blanche, afin de renforcer notre amitié et notre coopération ». Cela a le mérite d’être clair…

Nos conclusions

Contrairement à la campagne électorale de 2015, une majorité des chefs fédéraux a choisi d’ignorer nos questions. Difficile, donc, d’établir une notation équitable. Nous apprécions la considération des équipes du NPD et du Bloc québécois, qui ont pris le temps de nous répondre. Nous prenons également acte de l’absence de réponses (autres que des accusés de réception automatisés) de 4 des 6 chefs.

Cependant, il ne s’agit pas ici d’un concours de courtoisie épistolaire, mais d’une évaluation des positions pacifistes des partis. C’est pourquoi nous avons recherché des réponses dans les paroles et écrits disponibles dans les médias et sur les sites web des partis fédéraux pour compléter le tableau et établir notre notation sur une échelle de A (Absolument pacifiste) à E (Échec total). Dans l’absence de réponses écrites, nous pondérons la note en conséquence.

Nous répétons qu’il ne s’agit pas ici de dire à nos membres et ami-e-s comment voter, mais de les informer sur les positions des partis sur des questions précises qui préoccupent les APLP.

CLe NPD : position pro-OTAN, pour la non-prolifération nucléaire, pro-ONU et JCPA, pour l’augmentation de la contribution canadienne aux Casques Bleus, approche multilatéraliste, stop aux exportations d’armes. Réponses reçues le 9 octobre. Notre note : C

 

C-Le Bloc québécois : pro-OTAN, pour la non-prolifération nucléaire, pro-ONU et JCPA, halte à l’exportation des armes, pro-Casques Bleus mais au cas par cas. Réponses reçues le 11 octobre. Notre note : C-

 

C+Le Parti Vert : anti-OTAN, pro-INF, contre l’exportation d’armes; un sursaut patriotico-militariste au sujet de l’Arctique. Réponses tirées des médias et du programme du parti. Notre note : C+

 

E+Le parti Libéral : résolument pro-OTAN, veut « mettre à profit l’expertise de nos forces armées pour aider d’autres pays à se préparer aux catastrophes naturelles » et augmenter le soutien à l’ONU. Adroites figures de style citant la lutte aux changements climatiques pour justifier une présence militaire à l’étranger. Réponses tirées du programme du parti. Notre note : E+

 

ELe parti Conservateur : pro-OTAN et NORAD, veut s’aligner sur les américains et se joindre au programme anti-missiles balistiques; veut “dépolitiser le processus d’approvisionnement militaire”, une stratégie pour augmenter les budgets tout en annulant le contrôle du Parlement sur ceux-ci. Aimerait bien un changement de régime en Iran. Réponses tirées du programme du parti ainsi que de la transcription des discours de M. Scheer. Notre note : E

 

E-Le Parti Populaire : par ses propos, M. Bernier se place au plus bas de notre échelle de notation de A à E. Réponses tirées de la plateforme du parti ainsi que des déclarations aux médias. Notre note : E-

 

Cette évaluation est bien entendu globale. Chaque candidat-e a des opinions personnelles différentes sur les enjeux de paix. Comme artistes, nous sommes conscients que chacun-e a des expériences culturelles différemment appréciables.

Le vote stratégique est par nature un peu répugnant, mais si parmi les trois partis identifiés comme progressistes (de peu, vu les mauvaises notes accordées) un-e candidat-e a plus de chances dans les prévisions électorales de battre un conservateur ou un libéral (ou Bernier en Beauce), il serait envisageable de le/la favoriser. Par ailleurs, privilégier de jeunes femmes pour que la politique atteigne un jour une parité peut être un élément à considérer.

Nos notes semblent sévères, mais elles reflètent que les deux partis principaux que les sondages placent en mesure de former le prochain gouvernement canadien n’ont pas daigné répondre à nos six questions et que le peuple canadien ne semble pas leur accorder une majorité, ce qui placera l’un et peut-être deux des trois partis à qui nous accordons une note de passage comme arbitre des lois que le prochain gouvernement adoptera : une bonne chose !

N’oubliez pas ce refrain de Jos Guitare, APLP de l’année 2013 et candidat Rhinocéros : si tu sais pas comment voter, vote pour la Paix ! Assistez au dévoilement des 6 questions aux 6 chefs lors du 5 à 7 pour la Paix, le 21 septembre au Lion d’Or, comme si vous y étiez.