Dans la nature, il y a combat et collaboration, diversification et équilibre, accord et désaccord, complexité et simplicité, toutes les oppositions y sont, mais nous sommes loin du chaos, au contraire, il s’y développe une harmonie dans chaque singularité et dans toutes les totalités. L’harmonie n’est ni l’ordre ni le désordre, mais une sorte d’agencement dynamique évolutif qui peut à tout moment dégénérer. Si vous avez un minimum d’expérience en peinture, en musique, en poésie, en jardinage, vous connaissez la difficulté que représente l’harmonie, par exemple : dans un jardin lorsque les doryphores (communément appelés « bébittes à patates ») détruisent totalement les plants de patates dont, pourtant, leur vie en dépend. La nature cependant reprend sans cesse le chemin de l’harmonie.
Une fois terminée la rupture avec la nature, l’être humain devient le doryphore de son environnement. Ce n’est pas un hasard, c’est la loi de l’entropie : dès qu’on relâche l’effort de l’harmonie, c’est la guerre. La guerre est la simple dégénérescence de l’harmonie. Elle vient presque toujours d’une tentative d’ordonnance forcée en vue de rendre semblables les fidèles, les citoyens, les patriotes, les partisans… Ce qui entraîne la polarisation sociale, la division interne, l’amour du semblable et la haine du non semblable. L’harmonie est le contraire de l’homogénéité.
Initiative rare au milieu des combats israélo-palestiniens, une école mixte arabo-hébraïque a été fondée en 1997 à Jérusalem en pleine zone de friction entre le territoire arabe et le territoire juif. Le bruit des mitraillettes et des bombes ne décourage pas l’extraordinaire équipe qui y travaille à l’harmonie, c’est-à-dire à la paix. Donc, pas de religion commune, pas de croyances communes, pas de langue unique, pas de culture supérieure, car cela mène inévitablement à la guerre. Au contraire, on propose l’acceptation des différences et même des oppositions, des discussions et même des disputes, car, justement, il faut sans cesse travailler à l’harmonie et non à l’aplatissement des différences et des différends.
L’école applique le principe de mixité Arabes/Juifs et hommes/femmes à tous les échelons, une démocratie bicéphale, collégiale et décentralisée, l’apprentissage des deux langues, la discussion ouverte, l’effort de compréhension, de complémentarité, de collaboration. Les cours d’histoire ne sont ni pro-arabes ni pro-juifs, on enseigne les faits, les différents points de vue, les contradictions entre historiens… Les sciences et les arts sont les deux pieds de la démarche de l’esprit. Apprendre à reconnaître ce que l’on ne sait pas, ce qui ne peut pas être l’objet d’un savoir, mais seulement d’une expérience intérieure permet de combattre le fanatisme de la raison autant que le fanatisme de la perte de la raison.
La paix dans le monde ne pourra se faire autrement que par de telles initiatives.
Aucun commentaire jusqu'à présent.