Fièvre politique chez nos voisins du sud
Le 27 septembre, le New York Times publie à la une un reportage qui révèle ce que les chiffres catastrophiques du Brésil nous enseignent, c’est-à-dire une lecture très politisée du Covid 19. David Leonhardt y écrit qu’ « au cours des premiers mois de vaccination contre le Covid-19, plusieurs grands groupes démographiques avaient pris du retard dans la réception des vaccins, notamment les Noirs américains [1], les Latino-Américains et les électeurs républicains. Plus récemment, les écarts raciaux – bien qu’ils existent encore – se sont rétrécis. L’écart partisan, cependant, continue d’être énorme. Un sondage du Pew Research Center le mois dernier a révélé que 86% des électeurs démocrates avaient reçu au moins une injection de vaccin, contre 60% des électeurs républicains.Le fossé politique sur les vaccinations est si important que presque tous les États relativement « bleus » ont maintenant un taux de vaccination plus élevé que presque tous les États relativement « rouges ». Vu l’efficacité des vaccins pour prévenir les éclosions graves, les décès Covid montrent également une tendance partisane. Le Covid est toujours une crise nationale, mais les pires formes de crise sont de plus en plus concentrées dans l’Amérique conservatrice. »
Bris de services chez nous
Pas étonnant qu’au Canada, la Saskatchewan et l’Alberta soient encore au sommet des cas d’hospitalisations au point de demander l’aide de l’armée pour téléporter des patients que leurs hôpitaux débordés ne peuvent plus recevoir. Pas étonnant non plus que la Beauce de Maxime Bernier partisan de Trump soit une région problématique, avec la ville de Québec qui a élu des députés conservateurs (heureusement en nombre réduit). Les régions de l’Estrie limitrophes à la Beauce, comme Thetford Mines et ses alentours truffés de communautés de foi évangéliques [2], avaient chassé du pouvoir le ministre de la Santé péquiste homosexuel, Réjean Hébert, sans doute pour avoir endossé le rapport scientifique du BAPE condamnant la toxicité de l’amiante, aussi révélée par les Artistes pour la Paix.
Mais demeure simpliste toute lecture politique d’un phénomène aussi complexe que le virus COVID 19 dans sa quatrième vague. Vanter la Chine pour sa gestion de la COVID19 par rapport aux pays moins politisés ou blâmer Anne Casabonne et Guillaume Lemay-Thivierge pour leur attitude rétrograde et bornée face à la science n’explique pas tout.
L’examen d’autres pages du New York Times révèle les aléas de la politique pure et dure de l’État de New York de renvoyer chez eux les travailleurs de la Santé non vaccinés, lorsqu’ils sont inaptes au travail de bureau loin des patients. On peut donc raisonnablement prévoir que le Québec s’apprête à vivre la semaine prochaine, comme chez nos voisins du Sud et de l’Ouest, malgré les prétentions du ministre Christian Dubé et du docteur Horacio Arruda dont on admire le travail ardu, une crise hospitalière avec de sévères bris de services qu’il nous faudra vraisemblablement affronter, à moins d’assouplir les règles trop strictes.
Facile à dire mais comment faire? Pour des mesures efficaces, on invite le gouvernement à lire Measuring health inequalities, un rapport issu de l’Organisation Mondiale de la Santé que les néo-libéraux Justin Trudeau et sa ministre de la Santé unilingue Patty Hadju ont hélas tenue loin de leurs préoccupations depuis janvier 2019 (voir nos nombreux articles sur ce sujet, certains en collaboration avec Riccardo Petrella).
[1] Non pour leur résistance au vaccin, mais parce qu’ils habitent des quartiers urbains pauvres qui manquent d’infrastructures hospitalières ou dans des états comme l’Alabama. Lire (le) Sud des États-Unis par Ginette Chenard au Septentrion.
[2] On ne sait si on peut vous recommander le film The Eyes of Tammy Faye où l’actrice Jessica Chastain dresse un portrait nuancé de la prédicatrice qui s’attirait les foudres des preachers conservateurs en déclarant qu’il fallait aimer les sidéens. N’en reste pas moins que son association avec son mari Bakker, longtemps emprisonné pour ses activités frauduleuses, fut vantée et subventionnée par Ronald Reagan (c’est dans le film) pour contrer le communisme en Amérique du Sud. Les évangéliques ont ainsi contribué à élire Bolsonaro d’extrême-droite contre Lula, innocenté des accusations de fraude montées contre lui par un juge conservateur.
La phrase où je critique les blâmes simplistes à deux acteurs connus mérite une explication alors que le Québec découvre avec stupéfaction que des centaines d’intervenants du milieu de la santé ne sont pas vaccinés; or, ils avaient redistribué des consignes à la population de se faire vacciner avec obéissance depuis des mois. Auront-ils obtempéré avec diligence le 15 octobre prochain? Sinon le spectre de bris de service va hanter nos hôpitaux, cliniques et CHSLD.
Le New York Times dans son édition de la fin de semaine du 6-7 novembre renchérit sur le fossé politique qui cause davantage de morts dans les milieux conservateurs, en révélant que le fossé s’élargit de plus en plus entre Amériques bleues et rouges.
Les statistiques d’octobre montrent 25 morts de COVID pour 100 000 résidents de comtés à forte majorité Trump, alors qu’il est de 7.8 morts, un chiffre plus de trois fois inférieur, pour les comtés qui ont voté Biden. Octobre est en outre le 5e mois consécutif où ce fossé tragique se creuse. Scientifiquement, la relation de cause à effet est non prouvée mais les APLP s’interrogent pourquoi des articles comme le nôtre ne trouvent pas preneurs dans les médias officiels…