Lula a aussitôt tempéré sagement sa victoire en affirmant vouloir gouverner pour tous les Brésiliens, sans s’empêcher d’annoncer son programme immédiat d’arrêter la déforestation de l’Amazonie accélérée par son prédécesseur et de favoriser la vaccination pour tous, alors que le Brésil souffre d’un des pires bilans mondiaux mortels, avec les états républicains des États-Unis.
Mais la victoire a été obtenue par une marge si mince – 50,9% contre 49,1% – qu’il faudra attendre quelques semaines avant de la fêter. Rappelons-nous que Bolsonaro proche des militaires est allé jusqu’à louanger la dictature militaire historique qui a duré de 1964 au moins jusqu’en 1985, profitant d’une loi d’amnistie forcée en 1979 empêchant tout procès contre les policiers et militaires accusés de tortures. Comment ne pas craindre qu’il utilise ses pouvoirs actuels pour emprisonner encore une fois illégalement Lula afin de renverser la démocratie, en prétendant comme son ami Trump (qui l’appuie) que la VRAIE victoire du peuple lui revenait, selon des calculs conspirationnistes?
Les gouvernements sud-américains voisins ont réagi : « Viva Lula » tweeté par Gustavo Petro de Colombie, et « une ère d’espoir commence aujourd’hui » du président argentin Alberto Fernandez. Pour sa part, le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, a salué « une victoire pour l’égalité et l’humanisme ».
Lula prendra le pouvoir le 1er janvier 2023. Son principal défi sera d’extirper 100 millions de brésiliens de la pauvreté, dont 33 millions souffrent quotidiennement de la faim, en plus de négocier avec un Congrès divisé, dont de nombreux députés bolsonaristes sont financés par les industries agro-alimentaires favorables à la déforestation.
En attendant, on écoutera les musiques immortelles d’Antônio Carlos Jobim, de Joao Gilberto, de Vinícius de Moraes, d’Heitor Villa-Lobos, et on dansera avec les vivants Caetono Veloso, Chico Buarque et Gilberto Gil, ancien ministre de la Culture !
Cher Pierre, cher Paulo Vieira, cher Mauricio Andres,
On pense beaucoup à vous, nos amis du Brésil !
Avec un soupir de soulagement … inquiet toutefois.
Cette victoire ouvre une fenêtre de lumière pour notre humanité.
Il faudra certes un grand souffle et beaucoup de courage pour tenir le cap.
Nous partageons cet espoir.
Abraço !
Lucie Sauvé, professeure émérite
Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté
http://www.centrere.uqam.ca
Directrice de la revue Éducation relative à l’environnement
https://journals.openedition.org/ere/
Institut des sciences de l’environnement
Université du Québec à Montréal
Lucie réagissait à l’envoi ci-dessous répondu aimablement par le professeur Ribeiro qui a partagé avec nous trois documents personnels reliés à Pierre Dansereau:
De : Mauricio Andres Ribeiro
Envoyé : 31 octobre 2022 09:36
Objet : Re: La victoire de Lula vue par les Artistes pour la Paix
Merci beaucoup, Pierre!
Obrigado!
Maurício
Salut amical à nos amis brésiliens, les professeurs Paulo Freire Vieira et Mauricio Andres Ribeiro venus à Montréal en 2015 participer à la commémoration de Pierre Dansereau puis à la publication du livre L’espoir malgré tout!
Avec notre espoir pour un futur de paix au Brésil et dans le monde.
Pierre Jasmin
Secrétaire général des Artistes pour la Paix
Message de Riccardo Petrella!
L’espoir est de nouveau dans l’air. La réélection de Lula face à la barbarie de Bolsonaro est la victoire de la non-résignation.
Après la victoire de Pedro en Colombie et celle de Boric au Chili, la réélection de Lula après la désastreuse » parenthèse » de Bolsonaro est d’une importance capitale non seulement pour l’Amérique latine mais aussi pour le monde. Bien entendu, les victoires mentionnées ne peuvent masquer le fait que les forces de droite de plus en plus extrême représentent l’autre moitié de l’électorat.Ce qui compte, cependant, c’est que celle de Bolsonaro est fondamentalement la défaite de la culture de la violence anti-humaine et anti-sociale, du fanatisme des sectes religieuses comme les évangéliques, du populisme impérial à la Trump, du grand agrobusiness et du capital extractif, du mépris de la solidarité.
C’est surtout la victoire des plus démunis, des exclus, des marginalisés, des victimes du système prédateur et impérial américain et occidental imposé au monde….
Nous devons éviter que cela ne devienne une illusion dans les mois à venir. De plus, les dures luttes de révolte et d’insurrection en cours en Afghanistan, au Myanmar et en Iran par les peuples et en particulier les femmes, vont dans le même sens d’opposition à la culture du mépris des droits universels, de la justice et de la paix. Elles nous enseignent que nous ne devons pas adoucir ou abandonner la résistance et la lutte, mais plutôt les amplifier au nom des droits de tous les habitants de la Terre et du monde naturel de la planète dans son ensemble.
La victoire de Lula est un énorme élan vers la non-résignation. L’espoir s’est à nouveau envolé.
Journal LIBÉRATION – 2 novembre
Le politologue Mauricio Santoro: « Il est improbable que Bolsonaro reconnaisse un jour sa défaite. Il suivra plutôt les pas de Trump, alléguant, plus ou moins ouvertement, qu’il y a eu fraude. Ce sera l’un des piliers de son discours pour mobiliser ses partisans. » La déclaration la plus importante est sortie de la bouche, non pas du chef de l’Etat mais de son principal ministre, Ciro Nogueira: « Le président m’a autorisé à déclencher la transition [avec l’équipe du] président Lula », a déclaré le chef de la Maison civile (sorte de premier ministre). Une déclaration qui vaut « la reconnaissance du résultat final du scrutin », a estimé le Tribunal suprême fédéral (STF), la cour suprême brésilienne, dans un communiqué dont le but évident est de mettre le sortant dans le fait accompli.
Quelques heures plus tôt, des membres du Supremo avaient été approchés par la présidence. Bolsonaro qui voulait les voir avant de se prononcer. Les juges ont refusé, craignant qu’il n’exige, en échange d’une reconnaissance du résultat, une amnistie dans les poursuites qui le visent au sein de l’instance judiciaire la plus haute du pays.
Toute la journée, les alliés de Bolsonaro, et notamment le lobby de l’agrobusiness, ont fait pression sur lui pour qu’il se prononce contre les blocages d’autoroutes par les camionneurs qui protestent contre la victoire de Lula. Il a certes condamné leurs méthodes, qui « sont celles de la gauche », mais sans leur demander d’évacuer les routes, endossant même leur motivation, « l’indignation face à l’injustice qui a marqué le processus électoral ». Or, si injustice il y a, c’est plutôt à lui qu’elle a profité. Les institutions – mais aussi l’opposition – ont fermé les yeux sur le versement de généreuses allocations sociales en pleine campagne. Un timing plus que contestable qui a permis au sortant d’arriver plus loin qu’il n’aurait pu le prétendre dans la bataille électorale, au regard de son bilan catastrophique. »
Pas seulement Mauricio nous a écrit. Paulo Vieira aussi avec une gentillesse émouvante:
Très cher ami Pierre
C´est avec un très grand plaisir que je reprends le contact, en vous remerciant de tout mon coeur pour votre courrier. Il m´a permis de plonger dans l´ambiance chaleureuse de l´hommage à notre maître Dansereau à Montreal. C´était pour moi un moment exceptionnel et les souvenirs restent tout à fait inoubliables. Merci aussi pour avoir pensé à nous, en prise avec la transition politique en cours au Brésil. Nous sommes maintenant assez soulagés après la victoire de Lula, mais les prochains temps s´avèrent durs pour tout notre peuple. J´espère que vous allez bien et que l’exemple de « Les Artistes pour la Paix » continuera a nous inspirer et motiver.
Je vous embrasse fraternellement
Paulo