Les Innus vs. GNL
Il y a un peu plus d’un an, nous avions écrit :
Sachant que le projet GNL-Québec représente une pollution équivalant à celle de trois millions de véhicules à essence, nous félicitions le nombre et la qualité des articles publiés par DES UNIVERSITAIRES [groupe saboté par l’Université Laval depuis] pour dénoncer l’absurdité de ce projet de gazoduc nocif pour le Saguenay et la planète entière; n’oublions pas non plus le travail du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et les enjeux énergétiques au Québec (CSQGDS), animé par nos collègues uqamiens Lucie Sauvé et Marie Saint-Arnaud.
Aurions-nous réussi à convaincre le représentant des hommes d’affaires et des Chambres du commerce, M. François Legault, seulement avec des arguments scientifiques, aussi logiques et probants soient-ils ? Félicitons-le tout de même de cette décision difficile à laquelle a dû contribuer son éloignement de l’influence de Pierre Fitzgibbon et de celle des réseaux sociaux qui minent la vérité en fractionnant les questions de société en opinions individuelles.
La victoire a plutôt été remportée par la jonction heureuse…
■ de trois partis d’opposition démocrates : bravo particulier au député péquiste Sylvain Gaudreault [hélas démissionnaire], à Ruba Ghazal de Québec Solidaire et même à Dominique Anglade, du parti libéral revenu de l’époque toxique Jean Charest;
■ de jeunes écologistes réunis en diverses coalitions étudiantes ou travaillant chez Nature Québec dont nous avions reproduit le communiqué :
[Le gouvernement Legault rejette enfin le projet GNL Québec! C’est une belle victoire pour la protection du climat, de la vie maritime dans le fjord du Saguenay et tout particulièrement pour le béluga du Saint-Laurent. Grâce à vous, nous avons été plus de 120 000 Québécois-e-s à signer une pétition contre ce projet. Nos voix se sont ajoutées à celles des 54 associations étudiantes, représentant près de 360 000 étudiant-e-s, à celles de plus de 648 scientifiques, incluant 250 médecins et professionnel-le-s de la santé, de 40 économistes, de plus de 60 groupes de la société civile, de trois communautés innues et de tous les partis d’opposition du Québec. Cet effort collectif sans précédent a culminé lors des consultations publiques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) qui a connu une participation historique avec le dépôt de plus de 2500 mémoires, dont plus de 90% s’opposaient au projet. Le tout a mené à un rapport dévastateur du BAPE que le gouvernement ne pouvait tout simplement pas ignorer.]
■ de journalistes honnêtes tel Alexandre Schields du DEVOIR;
■ d’Artistes pour la Paix pour qui la paix ne se résume pas à l’absence de guerre mais à un monde libéré d’industries polluantes qui empêchent de goûter la nature;
■ et de la probité remarquable et constante du peuple Innu qui non seulement a refusé les avantages financiers qu’on lui faisait miroiter mais s’est prononcé contre GNL-Québec avec force, plantant ainsi un dernier clou dans le cercueil du projet. Ils ont écrit : « Le conseil de la Première Nation des Innus Essipit, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan (Première Nation des Pekuakamiulnuatsh) et le conseil des Innus de Pessamit émettent un avis fortement défavorable face au projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay par GNL Québec. Essipit et Pessamit sont situées sur la Côte-Nord et Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean. Le projet, par le tracé de son gazoduc et par l’exportation du gaz naturel liquéfié par le Saguenay, se trouve sur leur territoire ancestral commun. »
Qu’est-ce qui a changé pour que Radio-Canada annonce aujourd’hui la « résurrection » du projet polluant et dévastateur ? La réponse est la guerre et sa couverture biaisée.
L’OTAN et sa propagande
La résurrection de GNL est une conséquence néfaste de plus à ce que nos médias taisent les avertissements de l’ONU contre le militarisme envahissant et coûteux de l’OTAN.
■ La visite dans le grand Nord canadien de son Secrétaire général M. Stoltenberg (en français = montagne de fierté) nous a déjà coûté la semaine dernière 5 milliards de $ de promesses de Justin Trudeau qui ne nous a pas expliqué comment l’OTAN, enrichie de cette promesse équivalant à la gratuité des études universitaires au Canada (imaginez les retombées en progrès !), s’insèrera au NORAD pour la « défense » du Canada contre une invasion hypothétique des « méchants Russes ».
■ Cette attaque ne pourrait évidemment se faire que par leurs bombes nucléaires. La Conférence du Traité de Non-Prolifération du mois d’août aurait pu réduire leur menace : le Canada a préféré saboter un résultat positif possible en rabâchant sa litanie d’une Ukraine innocente (malgré Maïdan 2014) en tenant à insérer cette version propagandiste dans un traité à long terme vraiment « pas rapport ».
■ Au lieu de négocier pour la paix en Ukraine, on poursuit les livraisons d’armes américaines et canadiennes (le complexe militaro-industriel se frotte les mains !) en Ukraine contre toute RAISON, i.e. le fait qu’elles tombent en partie entre les mains de Nazis et qu’elles ne font que décimer la population ukrainienne qu’on envoie mourir seule au front.
■ À l’occasion de la mort de Mikhaïl Gorbatchev, je veux me souvenir de ma plus longue conversation à vie avec Pierre Elliott Trudeau où nous étions d’accord (que dirait son fils Justin si russophobe à cause de l’influence de Chrystia Freeland ?) sur « la probité de ce héros de la paix mondiale ayant vanté la transparence de la Glasnost et la démocratisation Perestroïka, désavoué par la désertion populiste du peuple russe en faveur de l’ivrogne Boris Yeltsine (sic !) ».
Evo Morales demande la suppression de l’OTAN
Le président autochtone Evo Morales, au pouvoir depuis 2006, en fut chassé par une conspiration qui l’aurait assassiné, n’eût été d’un avion envoyé par le président Andrés Manuel López Obrador du Mexique, après le résultat des élections 2019 pourtant favorable, mais falsifié par l’OAS – Organisation des États Américains dont la bureaucratie est basée à Washington et financée à 60% par les Américains. Le coup d’état [1], appuyé par une partie de l’armée bolivienne rebelle qui n’hésita pas à tuer des dizaines de manifestants civils, avait installé au pouvoir Jeanine Áñez, d’obédience conservatrice chrétienne, chassée à son tour par l’élection raz-de-marée d’octobre 2020 de Luis Arce du parti politique de Morales, le Movimiento al Socialismo, MAS. L’alliée de Trudeau est maintenant en prison pour dix ans, jugée pour des accusations de terrorisme et de sédition.
Qu’avait été le crime de Morales ? D’avoir déclaré à Bruxelles avant sa destitution 2019 « qu’au lieu de se libérer des chaînes de l’Empire de l’Amérique du Nord, certains pays continuent à vivre dans la soumission. Je voudrais conclure une alliance avec l’Europe pour nous libérer ensemble des dictats économiques du Fonds monétaire international et de la domination impériale [des États-Unis] et de sa mentalité néocoloniale en quête d’hégémonie ». Dès son arrivée au pouvoir, le courageux président [2] avait fermé la base militaire américaine en Bolivie et son fameux bureau de la CIA, responsable en 1967 de l’exécution d’Ernesto « Che » Guevara (dont le fils vient de mourir au Venezuela à 60 ans).
À El Trópico, à quatre heures de route de Cochabamba au cœur de la forêt amazonienne, Morales vient d’appeler en juillet 2022 à une campagne internationale pour éliminer l’OTAN « un instrument des États-Unis basé sur l’interventionnisme et le militarisme » : rappelons que les APLP ont le même objectif depuis 1989, réitéré en 2019 par le slogan suivant : NATO en anglais = N-uclear A-rmed T-error O-rganisation et le logo :
Morales a de plus condamné l’extractivisme des pays coloniaux. En 2021, the British Foreign Office avait révélé un document montrant la complicité de l’ambassade anglaise à La Paz avec une compagnie basée à Oxford désireuse d’optimiser l’exploitation du lithium bolivien un mois après l’arrivée au pouvoir de madame Áñez !
[1] On en saura davantage sur les circonstances du coup d’état en lisant l’article d’André Jacob : http://lautjournal.info/20191115/coup-detat-divin-en-bolivie
[2] Dont Lucie Sauvé, professeure émérite de l’UQAM et cofondatrice de CENTR’ÈRE, rappelle la loi extraordinairement avant-gardiste sur les droits de la Terre-Mère :
https://alacroiseedeschemins.fr/2011/08/la-loi-sur-les-droits-de-la-terre-mre-en-bolivie/
Des myopes lisent cet article en « focusant » sur ma relation d’amitié avec Pierre Elliott Trudeau (il venait chercher ma conjointe taïwanaise Constance Lee – nous habitions à Otterburn Park à côté de la maison de Marie-Soleil Tougas pour les potineux- à bord de sa Mercedes décapotable pour l’exhiber à son bras lors d’événements culturels majeurs de l’OSM). Notre alliance de paix circonstancielle appuyait la perestroïka de M. Gorbatchev, attaquée en URSS par le KGB de Poutine et les populistes de Yeltsine et aux États-Unis par le Pentagone, la CIA, l’OTAN et le complexe militaro-industriel construisant les bombes atomiques: tous voyaient, en la paix possible, une menace à leurs lucratives fonctions. Rien n’a changé aujourd’hui où les APLP voient leurs articles réclamant la paix en Ukraine censurés par tous les médias et partis canadiens, y compris le Parti Vert qui a bloqué les candidats hostiles à la guerre dans leur campagne à la chefferie, alors que la guerre est l’activité la plus polluante qui existe.
François Carabin à Saguenay LE DEVOIR
Correspondant parlementaire
14 septembre 2022
Même s’il est revenu dans l’actualité électorale, le feu projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel du promoteur GNL Québec fait très peu de vagues à Saguenay, selon ce qu’a constaté Le Devoir sur les rives du fjord.
Le leader du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, veut faire d’Énergie Saguenay un enjeu « référendaire » de la région aux élections du 3 octobre. Seul chef de parti à proposer la résurrection du projet enterré en juillet 2021 par le gouvernement Legault, il a appelé les Saguenéens en faveur de l’usine à appuyer son parti dans l’isoloir. « Ceux qui croient au projet GNL […] vont voter PCQ, et ceux qui sont contre le projet GNL […] vont voter pour la CAQ », lançait-il en marge d’une annonce en début de campagne.
Le Devoir a peiné à trouver « ceux qui croient au projet GNL » en consultant au hasard quelques citoyens lors d’un passage dans la région la fin de semaine dernière.
« Ça ne me dit rien. Je ne suis pas ça vraiment », affirme Noël Gervais, retraité de Rio Tinto — l’« Alcan » —, attablé dans une brasserie d’Arvida.
« As-tu une opinion, toi ? » demande Colette Dassylva à son mari dans un autre café local. L’électrice soutient que la priorité, « c’est protéger l’environnement ». « La planète est en train de flamber », affirme-t-elle, et la position du PCQ sur le climat l’inspire peu. « Je n’ai pas trop confiance en M. Duhaime. »
« Elle nous prend pour des caves »
Rejeté par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le projet d’usine devait mener à la création de jusqu’à 300 emplois dans la région. Mais c’est d’abord pour des raisons environnementales qu’Yvon Laprise, résident de Jonquière, dit avoir commencé à militer en faveur du projet de GNL Québec. « J’ai compris que ce n’était pas un projet qui était si néfaste que ça pour la planète », lance-t-il derrière le bureau installé dans son domicile de Saguenay. « Je vous rassure, je ne suis pas climatosceptique, et je crois que oui, il faut faire des efforts. Mais on est déjà bons au Québec. » M. Laprise est derrière le groupe Facebook « GNL Sag-Lac », qui compte 35 000 membres et se positionne en faveur de la reprise du projet. Comme plusieurs de ses concitoyens, il en savait très peu sur le projet au départ, indique-t-il. En 2020, « j’ai entendu [la députée de Québec solidaire dans Taschereau] Catherine Dorion dire à la radio que les gens dans la région sont 85 % opposés à ce projet-là. Puis elle disait : demain, je vais à Chicoutimi vous dire pourquoi vous êtes contre. […] Je me suis dit : là, elle nous prend pour des sacrament de caves », relate-t-il. Sur sa page Facebook, Yvon Laprise appelait récemment au vote « stratégique ». « La meilleure et la seule opposition pour faire avancer notre projet GNL [est] le Parti conservateur du Québec », écrivait-il.
Mort et enterré ?
En début de campagne, le candidat du PCQ dans Chicoutimi, Éric Girard — à ne pas confondre avec le ministre sortant du même nom —, a mis au défi la candidate caquiste Andrée Laforest de nommer les voies de sortie économiques maintenant que Québec a fait une croix sur Énergie Saguenay. « Il y a GNL, mais pour les gens, il faut travailler parallèlement. […] Il y a d’autres choses à côté », rétorque celle qui est aussi ministre responsable du Saguenay–Lac-Saint-Jean depuis son bureau de campagne des abords du boulevard Talbot. De toute façon, remarque-t-elle, assise devant une carte de sa région, en « porte-à-porte, honnêtement, personne ne parle de GNL ». Pour le projet initial, la porte est fermée, assure-t-elle. Même si son collègue caquiste et ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a affirmé la semaine dernière qu’il y avait encore « un peu de pédagogie à faire » sur le gaz naturel liquéfié. « Si on mise juste sur GNL, comme certains partis… Il y a quoi, à part GNL, dans leur plateforme électorale ? » demande Mme Laforest sans nommer le parti d’Éric Duhaime. « Le projet, il est terminé. La porte est fermée. » Y a-t-il de la place pour un GNL 2.0 ? « C’est sûr que si on a un GNL phase 2 et que c’est complètement différent… Mais on n’est pas là. Là, il faut avancer », maintient la candidate dans Chicoutimi.
Yvon Laprise dit avoir reçu le refus du gouvernement du Québec l’an dernier comme une « claque dans la face ». Mais il « peut confirmer » que le promoteur gravite toujours autour de la région.
Au cégep de Jonquière, on pensait au contraire s’être débarrassé du projet pour de bon. En 2020, l’association générale des étudiants de l’institution postsecondaire avait voté à majorité pour adopter une position anti-Énergie Saguenay. Ève Depatie, étudiante de deuxième année et membre de l’association, se désole que le projet revienne dans l’actualité. « Malheureusement, ces projets-là ne sont jamais complètement morts », déplore-t-elle. « C’est vraiment un projet qui me fait chier », lance sans détour Katrine-Sophie Paquette, rencontrée sous le dôme de béton du carrefour étudiant. « On a déjà notre source d’énergie hydroélectrique et éolienne. Je ne vois pas à quoi ça sert. » « On est en pénurie de main-d’œuvre un peu partout. Fait que la création de job, ce n’est pas nécessairement ce qui est le plus important », renchérit Ève Depatie, qui, à 18 ans, votera pour la première fois de sa vie le 3 octobre prochain.
L’enjeu principal ?
Fervent opposant au projet depuis le jour 1, le député sortant du Parti québécois, Sylvain Gaudreault, se dit déçu de voir GNL renaître dans l’actualité. « GNL, c’est comme si c’était une bulle quasiment créée à part des réelles préoccupations des gens. On ne se fait pas arrêter dans la rue pour ça », observe-t-il.
Attablée à ses côtés, la nouvelle candidate péquiste dans Jonquière, Caroline Dubé, est certaine que les citoyens du coin voteront sur d’autres enjeux. « Quand [Éric] Duhaime dit que c’est la “question de l’urne”, c’est mépriser tout ce qui se passe sur le plan de la santé, sur le plan de l’éducation, sur le plan de l’inflation », dit-elle.
S’il renaissait, le projet Énergie Saguenay devrait théoriquement passer par un nouveau processus d’approbation environnemental. Avant de se faire dire non, GNL Québec visait une mise en service dans quatre ans, en 2026.
o Pierre Jasmin – Abonné 14 septembre 2022 09 h 16
L’article de François Carabin est rassurant sur la maturité de l’électorat du Saguenay.
La résurrection de ce projet, unanimement rejeté par le BAPE et la société québécoise, en particulier les Innus et les Algonquins (anishinaabemowin), provient surtout de l’hystérique propagande de guerre par nos médias qui plutôt que se concentrer sur une négociation possible, insistent pour attaquer le gaz naturel russe et lui trouver des alternatives anti-écologiques dont le projet GNL est un modèle particulièrement nocif pour l’environnement.