La fraternité se constitue entre consciences libres, ce ne peut pas être seulement un « mécanisme » de survie inscrit dans les gènes. C’est une éthique de la liberté, sinon, on ne parlerait pas de fraternité, ni d’amour, ni même de troupeau, mais de compétitions sans limites, de violence sans frein, de guerres sans bornes. La paix est un impératif au stade de la technologie où nous en sommes. Or la paix n’est pas l’absence de guerre, mais la fraternité unie contre les « désorientés » qui tentent de la rompre.
La noosphère a été proposée comme espoir. Toutes les œuvres (scientifiques, sociales, artistiques…) portent et font vivre « l’âme » de leur auteur, je veux dire l’œuvre en tant qu’organe des valeurs de l’auteur. Évidemment, les œuvres se sont incarnées dans le temps causal entropique et, à ce titre, elles s’usent et disparaissent à la vitesse des matériaux dont elles sont constituées, mais elles sont aussi transmises et organisées dans et par la culture. Cependant, la culture contient autant d’œuvres de soumission que d’œuvres de création, des musiques de guerre et des musiques de paix, et sa mémoire est sélective, le meilleur peut être délaissé aux dépens du pire. La culture est un filtre tronqué. Quand je regarde du côté de la culture mon espoir ne repose pas sur sa mémoire filtrante, mais sur sa conscience forcée d’émerger pour affronter les conséquence de sa chute.
Teilhard de Chardin a voulu montrer qu’il existait une sorte de mémoire vitale de toutes les consciences libres dans l’Évolution créatrice de la nature. En cela, il ne faisait que donner une image moderne à une conviction profonde que partageaient presque tous les peuples premiers.
La noosphère n’est possible que si l’Évolution créatrice (la Mère première, dirait un Innu) rassemble le vrai résultat de chaque planète douée d’intelligence et de conscience. Une telle synthèse, un tel musée vivant est forcément plus que personnel et non pas moins, comme nous qui unissons toutes nos cellules, nous sommes plus que personnels, mais pas moins. « Personnels » veut dire ici: consciences en marche par réflexion vers un centre synthèse adapté, donc unique, irremplaçable et singulier. Toutes les œuvres vivent dans cette fraternité des consciences comme une émanation de l’écosphère.
Lentement cette noosphère nous enveloppe, nous baigne, nous imprègne comme une grande symphonie. Inspirée par elle, la conscience sera soulevée au-dessus de sa misère. Alors, nous, la pré-humanité, nous serons illuminés par Mozart, Van Gogh et les autres.
Oui ! nous accoucherons d’une humanité viable et profondément inspirante.
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