Article du 28 Février 2024 par Tamara Lorincz
L’autrice est doctorante à l’École d’Affaires internationales Balsillie à l’université Wilfrid Laurier – Ontario.
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Lors d’une récente conférence de presse, le ministre de la Défense, Bill Blair, a annoncé un soutien supplémentaire à l’Ukraine, le drone SkyRanger R70. Il a annoncé que le Canada dépenserait 95 millions de dollars pour acheter 800 drones armés Teledyne pour l’Ukraine. Aux côtés du ministre de la Défense, la vice-présidente de Teledyne, Anne Bulik, a exprimé son « enthousiasme » à l’idée de livrer à ce pays déchiré par la guerre les systèmes aériens sans pilote SkyRanger éprouvés au combat, fabriqués en Ontario. Cette acquisition fait partie de la contribution du Canada au nouvel objectif de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de produire un million de drones cette année pour les forces armées ukrainiennes (UAF).
À Kiyv, le premier ministre Trudeau a expliqué que le gouvernement fédéral a déjà investi 2,4 milliards de dollars pour fournir à l’UAF des armes de fabrication canadienne, notamment des armes à feu, des munitions, des chars et de l’artillerie. Les États-Unis ont fourni 44,2 milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine depuis février 2022, selon le Congressional Research Service (CRS). Les drones américains « kamikazes » Switchblade et Reaper ont facilité la guerre télécommandée en Ukraine. Pourtant, comme l’a admis le secrétaire d’État américain Antony Blinken, 90 % de cette aide à l’Ukraine reste en réalité aux États-Unis et soutient la production d’armes américaine.
Le commerce de la guerre est extrêmement lucratif pour les États-Unis, le Canada et leurs alliés. Les pays de l’OTAN représentent 70 pour cent du commerce mondial des armes. Il n’est pas étonnant que le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, insiste pour que les alliés continuent de fournir « davantage d’armes à l’Ukraine ».
Les fabricants d’armes canadiens, tels que Teledyne, L3, General Dynamics, Lockheed Martin, Colt et Roshel, réalisent d’énormes profits, tandis que les Ukrainiens paient un lourd tribut dans cette guerre.
En 1935, le général de division américain à la retraite Smedley Butler avertissait : « La guerre est un racket. C’est probablement le plus ancien, de loin le plus rentable, et sûrement le plus vicieux. C’est le seul dans lequel les bénéfices se comptent en dollars et les pertes en vies humaines. »
Lors d’un briefing de décembre 2023, le CRS a confirmé que l’Ukraine, fatiguée par la guerre, a « subi des niveaux élevés de pertes, réduisant la qualité de ses forces » et « a subi d’importantes pertes d’équipement » au cours des deux dernières années.
Malgré l’assistance et « l’aide » militaire majeures de l’OTAN, la contre-offensive ukrainienne de l’été dernier a été un échec total et la Russie contrôle désormais 20 % du pays. Ce mois-ci, l’armée russe a capturé la ville orientale d’Avdiivka, qui était le bastion stratégique le plus important de l’UAF dans l’oblast de Donetsk.
Dans une entrevue télévisée, l’ancien procureur général et ministre de l’Intérieur de Kiyv, Yuriy Loutsenko, a déclaré que plus de 500 000 soldats ukrainiens avaient été tués depuis février 2022, ce qui est bien plus que ce que prétendait le président Volodymyr Zelensky. Lutsenko a déclaré que 30 000 soldats étaient tués chaque mois et a appelé le président à être honnête avec les Ukrainiens.
Malgré le nouveau projet de loi de mobilisation, il n’y a pas assez d’hommes et de munitions à envoyer au front, comme l’a rapporté le Washington Post. Des milliers d’Ukrainiens fuient le pays et des milliers d’autres sont grièvement blessés.
À l’occasion du deuxième anniversaire de la guerre en Ukraine, les Canadiens doivent évaluer sobrement les dures réalités du champ de bataille et se demander : à qui profite réellement la poursuite de la guerre ?
Pourquoi le gouvernement Trudeau a-t-il dépensé des milliards en armes, mais pas un seul dollar en solution diplomatique ?
Dans un entretien très médiatisé avec Tucker Carlson le mois dernier, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la Fédération de Russie était prête à entamer des négociations. En fait, la Russie a publiquement proposé deux projets de traités aux États-Unis et à l’OTAN en décembre 2021 pour éviter une guerre et a accepté un accord de paix avec Kiyv à Istanbul en avril 2022.
Mais, comme l’ont admis les négociateurs ukrainiens Davyd Arakhamia et Oleksandr Chalyi, ce sont les États-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que leurs alliés de l’OTAN, qui ont honteusement bloqué le règlement. Ils voulaient cyniquement que l’Ukraine « se contente de combattre » la Russie.
En revanche, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique, la Chine et le Vatican ont appelé de manière responsable à un cessez-le-feu, encouragé les pourparlers entre Kiyv et Moscou et proposé des accords de paix.
Il est temps pour le Canada et l’OTAN de soutenir ces efforts de médiation internationale et de ne pas enrichir les fabricants d’armes en prolongeant le conflit.
C’est la diplomatie, et non les drones et davantage d’armes, qui mettra fin à la guerre et garantira la paix et la sécurité en Ukraine.
Traduction Pierre Jasmin
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