Les pays les plus riches et les plus puissants sur le plan politique et militaire, les États-Unis en tête, la Chine, la Grande-Bretagne, la Russie et les autres veulent que leurs héros du stade brillent, car ils symbolisent leur puissance, mais ils étalent sur les podiums les inégalités et les pouvoirs économiques qui dirigent le monde.
Les présents jeux montrent aussi que la création de l’ennemi russe se poursuit. On a interdit la participation de la Russie, mais en permettant aux athlètes russes de participer sous le signe COR (Comité olympique russe). Les médias ont joint cette guerre idéologique contre la Russie au point de ne jamais prononcer le mot en R… Les journalistes ne prononcent jamais l’expression « Comité olympique russe » ni le mot Russie. Cette mesure est justifiée, dit-on, en raison des anciennes pratiques systématiques de dopage en Russie… Curieusement, il serait intéressant d’en savoir davantage sur les stratégies de dopage sophistiquées des autres pays dominants. On peut au moins émettre quelques doutes.
En somme, les pays dominants sont nord-américains, chinois et européens. Comme symboles, il faudrait empiler toutes les médailles des pays de tous les autres continents pour tenter d’égaler les États-Unis; ce jeu est futile certes, mais illustre les inégalités sociales et économiques sur la planète.
En principe, les Jeux olympiques symbolisent la recherche de l’harmonie, de la fraternité et de la paix, mais l’étalage de cette arrogante démonstration des pouvoirs de divers types finit par jeter de l’ombre sur les performances impressionnantes des athlètes en premier lieu, mais surtout à cacher les jeux de coulisse pour en arriver à l’expression de la gloire des puissants et de l’esprit de domination.
Les arguments de mon collègue André Jacob se renchérissent d’une accusation de sexisme, quand les autorités canadiennes olympiques, qui avaient bien choisi DEUX porte-drapeaux pour la cérémonie d’ouverture, un homme et une femme, ne choisissent qu’un homme pour la cérémonie de fermeture, alors que les femmes viennent de remporter la très grande majorité des médailles! Le choix de David Warner s’imposait évidemment, puisqu’au décathlon – discipline reine des Jeux – il a brisé le record olympique. Mais le maniaque de soccer que je suis l’aurait accompagné de Stéphanie Labbé, la souriante gardienne de but qui a permis à l’équipe canadienne de survoler la compétition jusqu’à la médaille d’or, ou de Christine Sinclair, sa capitaine, championne historique de buts dans son sport en compétitions mondiales (plus de 300!); notons que se sachant sur son déclin, elle a en un rare exemple de geste humble de responsabilité qui pour ma part, accroît son caractère légendaire, confié à deux reprises le ballon de penalty à la jeune Fleming qui grâce à ses deux buts en ces occasions tendues a propulsé l’équipe d’abord vers la finale puis en prolongation du match de la médaille d’or. Mais de grâce, un peu de retenue, chers médias qui s’époumonnent sur une performance exceptionnelle, la 11e place pan-olympique du Canada est un modeste succès, compte tenu du retard de seize médailles sur l’Italie en 10e place et que ses sept médailles d’or égalent le résultat de Cuba si désavantagé par les sanctions économiques appliquées par le gouvernement canadien à son endroit.
En conclusion non politique, je reprends les mots de mon collègue, impressionné par plusieurs performances qu’on n’attendait pas, comme celle de notre haltérophile de Rimouski ou notre cycliste Lauriane Genest. Espérons qu’aucune de ces performances ne seront ultérieurement ternies par une conviction de dopage, mais là-dessus, on se félicite du travail colossal accompli par la directrice du Laboratoire de contrôle de dopage de l’INRS, la docteure Christiane Ayotte. Espérons que l’équipe russe aura retenu la leçon et pourra revenir en son nom propre aux prochains Jeux pour confirmer son impressionnante troisième place.
Je ne peux que souscrire aux ajouts pertinents de l’artiste pour la paix, Pierre Jasmin. D’ailleurs, les enjeux politiques et sexistes autour de ces jeux mériteraient une analyse plus fine, plus exhaustive et plus rigoureuse que la mienne pour faire ressortir toutes les contradictions inhérentes à ce système.
D’ailleurs, la couverture médiatique complaisante, sans réflexe critique, mérite aussi une étude approfondie des tenants et aboutissants.
Bravo André et Pierre de nous rappeler que derrière les exploits méritoires des athlètes il y a un immense système mercantile globalisé et une géopolitique. Nous ne devons pas être insensibles à ces deux réalités et au rôle des médias dans l’entretien d’une image héroïque du sport qui est pour la majorité des audiences un spectacle. Il y a une autre réalité à laquelle je suis sensible moi qui à l’approche de ses 80 ans a toujours été un adepte de la pratique sportive, conscient des bénéfices qu’elle apporte au plan physique, social et mental. J’ai une énorme admiration pour le décathlète Damian Warner. Ayant tâté vers 20 ans les dix disciplines qu’il maîtrise je peux estimer ce que cela signifie d’entraînement, de contrôle de plusieurs techniques. Il est la remarquable incarnation de la devise: « plus vite » (courses), « plus haut » (sauts), « plus fort » (lancers) et le tout dans un « ensemble ». Je souhaite qu’il inspire des cohortes de jeunes gens les incitant au dépassement dans le sport qu’ils choisiront et en se gardant à l’abri des drogues.