Bruno Roy, choisi en 2023, avait si bien dénoncé la guerre canadienne qui a détruit l’Afghanistan et compromis irrémédiablement la santé et la survie de ses femmes, puis l’an dernier, ce fut le grand savant et opposant tenace aux armes atomiques, Hubert Reeves. Cette année l’hommage est décerné à Donald Sutherland.  

Tout d’abord, Les Artistes pour la Paix désirent offrir leurs sincères condoléances à la comédienne québécoise Francine Racette, qui partageait depuis plus de cinquante ans la vie de Donald Sutherland à Georgeville, au bord du lac Memphrémagog. M. Sutherland connaissait les Artistes pour la Paix par ses liens professionnels avec Jean-Louis Roux, notre co-fondateur et président d’honneur pendant deux décennies, qu’il admirait beaucoup, nous avait-il confié. 

Né en 1935 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, Donald grandit sur la ferme familiale. À 12 ans, il suit ses parents à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, où il travaille comme journaliste à la radio locale dès l’âge de 14 ans. À l’Université Victoria, il gradue à la fois en ingénierie et en art dramatique. Ses débuts à Londres ne présageaient guère qu’il allait côtoyer Lee Marvin et Charles Bronson dans The Dirty Dozen, de Robert Aldrich, film qui lance en 1967 sa carrière cinématographique. Elle comprendra deux cents rôles, dont ceux de grande humanité, par exemple Ordinary people par le réalisateur Robert Redford. 

Donald Sutherland était un artiste engagé contre la guerre coloniale du Viet-nam 

Dans sa brève présence dans le drame antimilitariste du communiste Dalton Trumbo auteur d’un livre qui connut (plus que le film) un très grand succès Johnny Got His Gun, Donald fait lecture à celui qui incarne le rôle principal représentant un héros réel et canadien, l’un des premiers quadruple amputé. 

La même année 1972, Donald joint le film documentaire américain F.T.A. qui le met en vedette avec Jane Fonda : réalisé par Francine Parker, il comprend les moments forts d’un show itinérant anti-guerre américaine au Vietnam de la troupe Free Theater Associates , en réaction contre les spectacles pro-guerre de Bob Hope que les soldats appréciaient de moins en moins.

 

Jane Fonda qui eut le même partenaire dans Klute, un film Warner Brothers qui lui valut l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice, raconte dans son autobiographie : « J’ai adoré mon partenaire de jeu, Donald Sutherland. Je lui trouvais un côté chien battu, et ses yeux bleu pâle, tombants, étaient particulièrement attrayants. Il avait aussi quelque chose du gentleman de l’Ancien Monde ». 

Le rôle de sa vie : deux dures années de tournage en Chine 

Ce rôle, c’est celui du grand héros canadien, le docteur Norman Bethune qu’incarnait Sutherland une première fois dans ce téléfilm d’une heure et 28 minutes réalisé en 1977 par Eric Till. 

Chirurgien thoracique pneumologue, Norman Bethune est honoré comme innovateur en chirurgie et précurseur de la médecine sociale qui a abouti au Canada à l’assurance-maladie universelle le 13 juin 1969. On comprend la fascination de l’immense acteur Donald Sutherland, ayant épousé en secondes noces Shirley Douglas, la fille du chef du NPD qui fut l’instigateur de la médecine socialiste au Canada et Sutherland décide de reprendre le rôle de Bethune, dans un long tournage en Chine rurale, car il s’agit du héros étranger le plus admiré par plus d’un milliard de Chinois, ayant trouvé la mort lors d’une de ses milliers d’opérations pratiquées en pleine guerre chinoise contre le fascisme japonais.  

Des rôles d’affreux méchants 

À la fin de sa vie à partir de 2012, Donald Sutherland dénonce la pente dangereuse américaine vers la dictature (caricature de Trump) dans la série de quatre films Hunger Games, d’après l’œuvre de Suzanne Collins. Il y campe le rôle du président totalitaire Coriolanus Snow : les références du film à la mythologie gréco-romaine sont innombrables, y compris le pays imaginaire Panem (et circenses!) et son Capitole. Les décors des arènes s’inspirent d’une architecture de la Rome impériale ou du fascisme mussolinien. Mais devant l’Empire, se dresse la jeune fille révolutionnaire Katniss Everdeen, personnage inspiré de la déesse Artémis-Diane, immortalisé par Jennifer Lawrence qui confronte Sutherland avec panache.  

Les cinéastes italiens l’avaient particulièrement maltraité il y aura bientôt une cinquantaine d’années : le (moins) génial Fellini dans Casanova en avait fait un pantin désarticulé à la coiffure hideuse, adonné à une gymnastique sexuelle effrénée, transbahuté dans toutes sortes d’épisodes scabreux et bizarroïdes, très éloignés du personnage historique, qui finit sa vie comme bibliothécaire à Dux du comte Waldstein, philosophe des Lumières et mécène principal de Beethoven. 

Bernardo Bertolucci a fait de Sutherland un meneur de troupe fasciste sans pitié dans 1900, film hyperviolent de 1976 d’une durée de 5 heures 17 minutes où Sutherland côtoie Robert de Niro, Burt Lancaster, Dominique Sanda, Stéphania Sandrelli et Gérard Depardieu. 

Et pourtant Novecento débute par la plus inspirante ouverture de film de l’histoire du cinéma mondial, une vue de la fresque populaire et historique de Giuseppe Pellizza, Le Quart état, qui s’anime magiquement à l’aide d’acteurs méticuleusement costumés, en marche vers le progrès de l’humanité antifasciste, sur la musique la plus exaltante, à l’égal de celle de Mission, du grand Ennio Morricone. 

Pour conclure notre éloge de l’immense acteur, que dire que n’a pas déjà résumé son fils Kiefer avec une simplicité si touchante de vérité spontanée? « Je crois, personnellement, que c’est l’un des acteurs les plus importants de l’histoire du cinéma. Jamais intimidé par un rôle, bon, mauvais ou laid. Il aimait ce qu’il faisait et faisait ce qu’il aimait, et on ne peut guère demander mieux. » 

Comme le monde se porterait mieux si toustes adhéraient à une telle philosophie ! 

Gilles Carle (2009) http://artistespourlapaix.org/?p=5098

Hélène Pedneault (2010) http://www.artistespourlapaix.org/hommage-a-helene-pedneault/

Maryvonne Kendergian (2011) http://artistespourlapaix.org/?p=5098  

Pierre Falardeau (2012), « artiste contre la paix » http://artistespourlapaix.org/?p=5089

Magnus Isaacson (2013), https://www.artistespourlapaix.org/magnus-isaacson-1948-2012/

Arthur Lamothe (2014), cinéaste http://www.artistespourlapaix.org/?p=4903

Paul Buissonneau (2015), homme de théâtre

https://www.artistespourlapaix.org/hommage-posthume-a-paul-buissonneau/

Hélène Monette (2016), poète,

https://www.artistespourlapaix.org/hommage-posthume-a-helene-monette/

André Melançon (2017), metteur en scène et cinéaste http://www.artistespourlapaix.org/?p=11693 et http://www.artistespourlapaix.org/?p=13113

Pauline Julien (2019), interprète                    

 http://lautjournal.info/20181001/p-comme-dans-pauline-j-et-pasionaria

Lucia Kowaluk (2020), http://www.artistespourlapaix.org/?p=19212

Renée Claude (2021) http://www.artistespourlapaix.org/?p=18647

Bruno Roy (2022) http://www.artistespourlapaix.org/bruno-roy-prix-hommage-aplp-2022/

Hubert Reeves (2023), https://www.artistespourlapaix.org/26535-2/

http://www.artistespourlapaix.org/centenaire-de-frederic-back/ 24 mars 2024

 

Notre tradition d’accorder des hommages posthumes fut instaurée en février 2009 : Claude Nicol, 28 février 2025.