La présentation suivante porte sur cinq années d’activités des Artistes pour la Paix reliées à un seul domaine, leur engagement contre le nucléaire civil au Québec. Trois cents membres idéalistes et non subventionnés se sont attelés à ce travail à long terme.
Si notre engagement contre le nucléaire militaire est toujours sans résultat visible (nos actions y occuperaient une présentation au moins aussi longue), voici plutôt l’exception qui fait plaisir, notre engagement anti-nucléaire civil, qui a connu son heureux dénouement le 4 octobre 2012, avec l’annonce conjointe de la ministre Martine Ouellet et du pdg d’Hydro-Québec, Thierry Vandal de déclasser la centrale de Gentilly 2.
D’abord deux dates significatives, puis les étapes principales de notre engagement :
— 1981 : à Radio-Canada, Frédéric Back dans son film Crac dessine une centrale nucléaire sur le modèle de Gentilly 1 chahutée par des manifestants mais l’imagine ensuite, douce utopie libératrice, transformée en galerie d’art!
— décembre 2007 : le premier ministre canadien Stephen Harper démet Linda Keen de ses fonctions à la tête de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, parce qu’elle gardait fermée notre plus vétuste centrale CANDU, celle de Chalk River, qui venait encore de relâcher du tritium dans l’Outaouais, en contravention avec les normes canadiennes de 7000 becquerels par litre, pourtant cent fois plus laxistes que celles d’Europe ou de Californie.
— moins de soixante jours indignés plus tard, Pierre Jasmin et Louise Vandelac organisent à l’UQAM, animée par Dany Laferrière et présentée par Michèle Nevert, une soirée de huit conférences, entre autres par trois sommités de Pugwash venues de Toronto. S’y joint l’urgentologue Éric Notebaert, président des Professionnel-les de la Santé pour la Survie Mondiale, qui nous communique le résultat de méta-analyses allemandes démontrant une incidence accrue de leucémies et autres maladies graves pour les enfants habitant à proximité des centrales nucléaires.
— août 2008 : les Artistes pour la Paix écrivent au premier ministre Jean Charest pour qu’il oblige Hydro-Québec à tenir des audiences publiques afin de débattre des coûts et des problèmes d’insécurité inhérents à Gentilly 2.
Objet : Gentilly-2, le Québec et le nucléaire
Monsieur le Premier ministre,
Les Québécoises et Québécois se trouvent devant un choix de société à faire : doit-on soutenir le nucléaire ou sortir le Québec de l’ère nucléaire et mettre en valeur les énergies vertes ? À moins de dépenser 1 milliard 500 millions de dollars en réparations, estimé qui ne cesse de se réévaluer à la hausse, le seul réacteur nucléaire en fonctionnement au Québec, Gentilly-2, sera mis au rancart en 2010. Les Artistes pour la Paix croient qu’il est grandement temps que le Québec sorte du nucléaire : nous exigeons que Gentilly-2 soit fermé. Et cela pour quatre raisons :
1- l’incohérence de la politique québécoise sur les déchets radioactifs,
2- la remise en question du bien-fondé financier de la reconstruction de Gentilly,
3-le coût des améliorations à la conception de la centrale requis dans l’éventualité d’une décision de procéder à la réfection du réacteur
4- et surtout une comparaison des formes d’énergie plus propres et plus sécuritaires, comme la conservation et les énergies renouvelables, versus les risques de l’énergie nucléaire, en particulier les risques à la santé clairement dénoncés par les Professionnel-les de la Santé pour la survie mondiale, de même que l’insécurité que représente une industrie liée aux plus cauchemardesques aberrations militaristes et terroristes.
Les Artistes pour la Paix en appellent aux élus de l’Assemblée nationale pour qu’ils s’assurent de la tenue d’un débat public sur l’avenir de la centrale nucléaire de Gentilly-2 et du nucléaire au Québec.
— octobre 2008 : sans réponse à cette lettre, Laure Waridel, Diane Dufresne, Annie Roy, Martin Petit et d’autres (Pierre) organisent une conférence de presse à la Société des Arts Technologiques avec le docteur Éric Notebaert, Gordon Edwards, qui préside le Regroupement pour la Surveillance du Nucléaire, Karel Mayrand de la Fondation Suzuki, Christian Simard de Nature Québec et Michel Duguay, docteur en physique nucléaire de l’université Yale et professeur en génie électrique à l’Université Laval. Le mouvement Sortons le Québec du Nucléaire (MSQN) vient de naître. Déjà, Guylaine Maroist et Éric Ruel songent à tourner un film.
— mars 2009 : à Montréal, l’Office National du Film lance sous l’égide des Artistes pour la Paix la première francophone du film d’Éric Bednarski, Un rêve étrange, sur le combat de Joseph Rotblat, fondateur de Pugwash, récompensé en 1995 par le prix Nobel de la paix. D’abord impliqué dans le Manhattan Project pour la fabrication de la bombe atomique, il est le seul de ses six cents participants à quitter Los Alamos pour des principes moraux, avant que la bombe ne soit lancée sur Hiroshima. Revenu en Grande-Bretagne, il fait des recherches en médecine nucléaire qui l’amèneront à dénoncer, entre autres, les retombées mortelles des essais nucléaires américains et français dans le Pacifique et à lancer avec l’aide d’Albert Einstein et Bertrand Russell le mouvement Pugwash. Pierre en avait fêté à Pugwash, Nouvelle-Écosse, le 50e anniversaire en juillet 2007 aux côtés du général Roméo Dallaire et du maire de Hiroshima, M. Tadatoshi Akiba.
— octobre 2009 : à Montréal, le Forum social québécois accueille le MSQN et la conférence du docteur Ian Fairlie, grand spécialiste mondial du tritium, venu de Londres pour nous avertir de sa nocivité. La conférence de Pierre est suivie d’un déjeuner en tête-à-tête avec le député et futur chef néo-démocrate Thomas Mulcair.
— décembre 2009 à mars 2010 : en compagnie d’une autre du Parti Québécois dénonçant le projet d’exploration d’uranium dans la région de Sept-Îles (Lorraine Richard), une pétition rédigée par Pierre, soumise aux députés Scott McKay et Sylvain Gaudreault du Parti Québécois, est améliorée par le député Amir Khadir de Québec Solidaire qui la recueille sur le site de l’Assemblée Nationale. Endossée par 4300 signatures, la première demande de la pétition d’abandonner l’achat de la centrale Pointe-Lepreau au Nouveau-Brunswick se voit acceptée par le gouvernement (et Hydro-Québec) une semaine après son dépôt en mars. Ouf! car la réfection de cette centrale CANDU vient d’accumuler près de trois ans de retard et plus d’un milliard de $ supplémentaires pour sa réfection ! Parlez d’un mieux-être budgétaire pour le Québec!
— 14 février 2010 : les APLP rendent hommage publiquement au cinéaste Frédéric Back, militant anti-nucléaire de longue date et récipiendaire de deux Oscars, dont l’un pour Crac.
— 1er mai : un colloque de la MSQN auquel Pierre Jasmin participe en prononçant un autre discours s’intitule Le nucléaire, un choix de société ? et voit à l’Université du Québec à Trois-Rivières la jonction des députés de la région Jean-Martin Aussant, Noëlla Champagne et Scott McKay et du maire d’Amqui Gaëtan Ruest qui va recueillir plus de trois cents adhésions de maires opposés au nucléaire.
— 3 mai : le jour du lancement des discussions sur le Traité international de non-prolifération nucléaire à New-York (ONU), Pierre donne au Centre Pierre-Péladeau à Montréal un récital Chopin en introduction duquel Pierre J. Jeanniot, ex-chancelier de l’UQAM et ami du sénateur conservateur Hugh Segal, préside à la remise d’une gravure tirée de l’Homme qui plantait des arbres par Frédéric Back à Murray Thomson de Pugwash : ce dernier recueille 600 signatures de membres de l’Ordre du Canada alertant les gouvernements aux risques posés à la paix, vu la prolifération et la technologie nucléaires. Cette motion sera adoptée à l’unanimité par le Sénat en juin et par la Chambre des Communes en décembre 2010, cette fois grâce au député néo-démocrate Bill Siksay.
— 10 septembre : à l’UQAM, le Forum urgence énergie allie pour la première fois au sujet nucléaire (auquel Pierre consacre un nouveau discours), un nouveau sujet que l’actualité impose, celui des gaz de schiste.
— 26 septembre : conférence de Pierre pour Écosphèreà Bromont.
Les événements se précipitent dans les derniers dix-huit mois :
— 21 mars 2011 : les APLP, avec l’aide de Caroline Harvey et de Greenpeace, mettent sur pied, dix jours après les événements de Fukushima, une conférence de presse où aux côtés des alliés traditionnels du MSQN, on trouve Françoise David, Daniel Breton et le député Yves-François Blanchet, fort de la confirmation le matin-même par sa chef Pauline Marois que le Parti Québécois s’opposera à la réfection de Gentilly 2. Pierre anime et préside cette conférence de presse devant une dizaine de caméras de télévision. Deux jours plus tard, Le Devoir s’engage contre la réfection, sous forme d’éditorial par Louis-Gilles Francoeur qui a posé cinq questions à la conférence, suivi le lendemain par La Presse (François Cardinal).
— 11 avril : un mois après Fukushima, une présentation sur le nucléaire par Pierre — à qui on avait alloué cinq minutes — s’allonge à une demi-heure, à la demande du public à 50% japonais, conclue par d’intenses applaudissements suscités en partie par l’information que les Artistes pour la Paix avaient écrit au Japon en octobre 2011 pour protester contre des plans d’une nouvelle centrale en un milieu fragile écologiquement; c’était lors d’un événement artistique à la Sala Rossa au bénéfice de la Croix-Rouge et des réfugiés de Fukushima organisé par les Jardiniers à bicyclette.
— 13 avril : à Bécancour, présentation officielle des Artistes pour la Paix devant la Commission canadienne de sûreté nucléaire, dont le nouveau président désigné par le premier ministre Harper tente d’interrompre assez grossièrement la présentation power point de Pierre, alors au micro pour dénoncer le danger sismique. Cette présentation orale suivait de trois semaines l’envoi d’un rapport écrit des APLP à la CCSN (Consultez ici: APLP_à_CCSN_21mars) .
— 26 avril : les APLP soulignent l’exact vingt-cinquième anniversaire de l’accident de Tchernobyl par une manifestation devant Hydro-Québec (discours de Pierre) suivie par un spectacle qu’ils ont organisé à la Place des Arts avec les artistes bénévoles Pol Pelletier, JC Lauzon, Raoûl Duguay, Caroline Harvey, Nancy Lange, Hélène Monette et plusieurs chefs métis (Yvan Bombardier) et mohawks (Stuart Miyow jr) préoccupés par le nucléaire.
— 26 juin : nos amis Mohawks en rabaskas sur le fleuve Saint-Laurent et le docteur Éric Notebaert, de même que les APLP Daniel Gingras, André Breton (du SPUQ), Mario Bruneau, Hélène Cardinal et Pierre se joignent au maire de Champlain pour dénoncer un énième déversement de tritium dans le fleuve par la centrale Gentilly 2.
— 1er au 4 juillet àBerlin : participation de Pierre à une conférence internationale Pugwash qui accueille une présentation d’un savant nucléaire japonais sur les conséquences de l’accident nucléaire Fukushima, en même temps que le parlement allemand vote à l’immense majorité le retrait de l’Allemagne du nucléaire.
— 15 octobre à Bécancour : quatrième forum du MSQN auquel participe Pierre au nom des Artistes pour la Paix, avec une manifestation organisée par Sébastien Bois du collectif Centriquois et Mauricien-ne-s pour le déclassement nucléaire : Pierre y tient la banderole de tête avec les péquistes Scott McKay et Daniel Breton.
— 17 novembre : soirée organisée par Pax Christi / Antennes de Paix à la librairie Paulines avec une présentation power point de Pierre sur le nucléaire.
— 5 décembre : forum anti-nucléaire militaire au Parlement d’Ottawa auquel Pierre participe auprès de ses amis de Pugwash et aux côtés des députés Hélène Laverdière du NPD, John McKay, libéral et Scott Armstrong, conservateur.
— 1er février 2012 : le ministre de l’Environnement Pierre Arcand affirme : « Il y a une chose qui est claire pour nous au Québec, c’est qu’on n’a pas l’intention de poursuivre dans le domaine du nucléaire ». « Il ne manque plus que la décision finale du Conseil des ministres de fermer et de démanteler Gentilly-2 pour clore ce dossier dans l’intérêt de tous les Québécois et celle-ci devrait être prise rapidement», conclut Michel Duguay au nom du MSQN. Mais la ministre de l’Emploi Julie Boulet déclare qu’elle favorise, à l’instar de la Fédération des Chambres de Commerce du Québec (Françoise Bertrand), la réfection de la centrale nucléaire et lance une contre-offensive à laquelle participent des entrepreneurs en béton, SNC-Lavalin, des compagnies d’ingénieries comme Dessau et des syndicalistes comme le président Arsenault de la FTQ, et enfin le premier ministre Jean Charest qui annonce « son préjugé favorable à la réfection ».
— 11 mars : près de Bécancour, Daniel Gingras et le président des Artistes pour la Paix, Daniel-Jean Primeau, commémorent le premier anniversaire du tsunami et du désastre nucléaire de Fukushima, en enfilant des combines étanches blanches avec masques pour distribuer des avertissements de procédures en cas de consignes d’évacuation, comme celles reçues par 110 000 civils japonais dans les jours qui ont suivi la catastrophe : rappelons qu’une majorité de ces réfugiés n’a jamais pu regagner leur maison. Cet exercice citoyen fut initié par les Centricois(es) et Mauricien(ne)s pour le déclassement nucléaire et Sept-Îles sans uranium, plus d’autres groupes et individus, tels Association de protection de l’environnement des Hautes Laurentides, Association des travailleurs victimes du nucléaire, Comité vigilance gaz-de-schiste Mauricie, le Conseil traditionnel Mohawk, la conseillère municipale de Champlain (Mireille Leblanc), Les amis de la terre (Québec), Minganie sans uranium, Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire, Mouvement vert de la Mauricie, Nature Québec, Regroupement québécois des groupes écologistes, Université du 3ème âge, responsables laïques de l’église de Champlain, etc.
— 14 février : à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, une cérémonie présidée par Daniel-Jean Primeau récompense Dominic Champagne, artiste pour la paix de l’année, qui annonce les célébrations à venir du Jour de la Terre envisagées avec de nombreux artistes (Gilles Vigneault, Fred Pellerin, Loco Locass, Lisa LeBlanc, Frédéric Back…)
— 22 avril : plus d’un quart de million de Québécois, dont un groupe de marcheuses innues venues de Malioténam, viennent célébrer le Jour de la Terre avec, comme premier geste symbolique, la plantation d’un arbre par l’artiste pour la paix Frédéric Back, dont un dessin ornait le lancement du groupe MSQN en 2008.
— fin août : une première prise de position électorale des Artistes pour la Paix au niveau du Québec en vingt-huit ans d’existence prie les électeurs de voter pour le respect de la vie, c’est à dire un état débarrassé de sa centrale nucléaire, de ses mines d’amiante, de la fracturation de gaz de schiste, de la loi 12 répressive et de la hausse des frais de scolarité visant les étudiantEs les plus vulnérables financièrement, bref de ne voter ni libéral ni Coalition Avenir Québec (article de Pierre largement diffusé par les médias sociaux).
— 10 et 11 septembre : premières à Trois-Rivières et à Montréal, puis plus tard à Télé-Québec, du film Gentilly or not to be des cinéastes Guylaine Maroist et Éric Ruel largement publicisé grâce à une mobilisation de journalistes (Nathalie Petrowski, Brigitte Trahan, Michel Lacombe, etc.).
— 11 septembre au Centre Saint-Pierre à Montréal, Pierre est en conférence de presse comme intervenant majeur du MSQN, aux côtés du docteur Éric Notebaert, de Christian Simard, de Jacques Dagenais, de Gordon Edwards et de Michel Duguay afin de demander au nouveau gouvernement d’annoncer au plus vite le déclassement de la centrale nucléaire de Gentilly 2 (photos de Pierre et d’autres conférenciers dans La Presse et le Journal de Montréal du lendemain).
— 3 octobre : à peine deux jours après une manifestation de quelques milliers de travailleurs de la centrale et de leurs familles inquiets pour leur avenir, la ministre Martine Ouellet et le pdg d’Hydro-Québec Thierry Vandal annoncent que la centrale de Gentilly 2 sera déclassée et que ses 736 travailleurs ne seront pas abandonnés.
Bravo à la première ministre Pauline Marois et aux ministres Martine Ouellet, Scott McKay et Daniel Breton d’avoir tenu parole.
Désormais, les Artistes pour la Paix (qui ont fait un diaporama des points antérieurs) pourront concentrer leurs actions anti-nucléaires sur les armes nucléaires alimentées par les mines d’uranium canadiennes et au Québec, sur le projet de mine d’uranium Mattoush dans les monts Otish, qui menace de polluer le territoire cri malgré les protestations des autochtones.
Contre ce projet, nous sommes allés témoigner à une préconsultation du BAPE le 21 mars 2014 (voir article p=5305). Bien sûr, cela ne nous dispense pas de signer des pétitions pour faire fermer Darlington et empêcher la construction d’un site d’enfouissement près du Lac Huron.
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