Gaza/Israël – Trump et ses nominations

Vendredi 24 janvier 2025 : extraits choisis par P.J. de Sylvain Cypel dans Orient XXI.

Le nouveau président étatsunien Donald Trump s’entoure d’une équipe plus que jamais acquise aux vues de l’extrême droite israélienne. Et les Palestiniens, dans tout ça ? Quels Palestiniens ?

La tension entre Nétanyahou et Trump a été réelle récemment. La négociation sur une libération des otages israéliens accompagnée d’un retrait des forces israéliennes s’est faite sur une base que Nétanyahou a systématiquement refusée depuis 14 mois. (…) Mais visiblement, Trump souhaitait fermement la signature d’un accord entre Israël et le Hamas avant son entrée en fonction. Nétanyahou acceptera a priori, pour la première fois depuis novembre 2023, un accord de libération d’otages imposée de l’extérieur par les États-Unis.

Or, avant l’affrontement entre lui et Trump, la classe politique israélienne et son complexe militaro-industriel avaient basculé dans une hubris de toute-puissance encore jamais atteinte dans leur pays. Israël procède par faits accomplis, en masquant souvent ses objectifs, mais aussi parfois en les révélant clairement. Ainsi en a-t-il été du « plan des généraux » pour le futur de Gaza, énoncé en octobre 2024, qui a progressé tambour battant jusqu’à ce jour, avec la destruction quasi totale dans le Nord de la bande de tout le bâti, l’expulsion forcée de plusieurs centaines de milliers de ses habitants et l’imposition d’une famine organisée, sans qu’on sache si ce génocide aura seulement servi à créer une vaste zone tampon militarisée, ou si, comme beaucoup l’exigent en Israël, de nouveaux colons viendront s’y installer.

La joie et le marketing

On peut aisément comprendre les manifestations de joie des Palestiniens, après l’annonce de l’accord sur un cessez-le-feu, chantant « victoire » sur les décombres de Gaza, après 468 jours d’effroyables massacres et destructions (note 1). On constate que, du côté israélien, les réactions des familles d’otages sont beaucoup plus retenues, tant elles ont appris à craindre les turpitudes du comportement de Nétanyahou. Tant, aussi, les conditions de la mise en place de la libération des uns et des autres restent aléatoires : un processus lent et tortueux en trois phases doit se poursuivre, si aucun écueil n’intervient, sur près de trois mois a minima. (…) Les difficultés à son application restent multiples et tortueuses quant au rythme du retrait des forces israéliennes, à l’entrée dans Gaza de l’aide humanitaire, aux constructions d’urgence d’un premier habitat de fortune pour les Palestiniens, etc. Une question se pose avec gravité : Israël laissera-t-il l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) revenir à Gaza ? C’est un enjeu de première importance, tant seul cet organe onusien dispose de la logistique en mesure de répondre au drame quotidien des Gazaouis. Mais l’accord semble ne pas évoquer ce point, alors qu’Israël a fait voter par son Parlement une loi interdisant toute activité sur le terrain aux représentants de l’agence onusienne. Enfin, l’entourage de Nétanyahou, qui a dû accepter l’accord sous la pression, laisse filer une petite musique : l’accord n’ira pas au-delà de sa première phase, et la guerre reprendra […]

Le 14 janvier, le quotidien israélien Yédioth Aharonot dévoilait que le marché conclu avec Nétanyahou se résume en une idée clé : Israël devrait abandonner ses ambitions sur la bande de Gaza et recevrait en contrepartie un « sac de cadeaux » qu’il lui serait difficile de refuser. En particulier :

➞ il aurait le droit de mettre fin au cessez-le-feu s’il le jugeait nécessaire ;

➞ il bénéficierait d’une approbation américaine pour lancer des constructions « extensives » en Cisjordanie, cette terre palestinienne où Israël voit partout le passé biblique, qu’il entend voir annexée, et le plus tôt possible. Et c’est en le lui promettant que Trump a fait plier Nétanyahou. Et le 8 janvier (note 2), Haaretz prédisait en éditorial « Israël veut réduire en ruines la Cisjordanie, comme à Gaza » à la suite d’une déclaration incendiaire de Betzalel Smotrich, ministre des Finances et dirigeant du parti du sionisme religieux.

➞ la Maison-Blanche pèserait de tout son poids pour annuler les sanctions prises auparavant par le gouvernement de Biden contre certains colons ayant commis des actes criminels et, surtout, engagerait une bataille internationale contre les deux cours onusiennes ayant lancé des enquêtes ou des poursuites contre Israël ; en particulier Benyamin Nétanyahou et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, contre lesquels la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

La grande peur des Palestiniens

Les instituts de recherche palestiniens, à Jérusalem et Ramallah, prévoient déjà des scénarios incluant l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens en leur faisant traverser le Jourdain. (…) La délégitimation par Israël des organismes onusiens, l’UNRWA en particulier, aboutira à l’effondrement de l’enjeu des réfugiés, et la normalisation progressive entre Israël et d’autres pays arabes, comme l’Arabie saoudite, isolera complètement les Palestiniens. Telle est la crainte la plus souvent exprimée du côté palestinien. Il faut la prendre au sérieux.

Proches de la frange la plus raciste des politiques israéliens

Jamais une administration américaine n’a été à ce point formée de proches de la frange la plus raciste et coloniale du spectre politique israélien. Parmi ceux désignés pour gérer le dossier du Proche-Orient, le nombre d’évangéliques est en hausse importante. Par exemple, Mike Huckabee, le nouvel ambassadeur américain en Israël, devrait s’entendre à merveille avec son homologue israélien à Washington, Yehiel Leiter, un colon imbibé d’idéologie messianique nommé par Nétanyahou.

Marco Rubio, secrétaire d’État. Sénateur de Floride, ce supporter inconditionnel d’Israël est un partisan de « la paix par la force ». Il a déclaré « légitime le droit d’Israël sur sa patrie historique » et comparé la guerre israélienne contre Gaza à la traque d’Adolf Hitler.

Pete Hegseth, secrétaire à la défense. Vétéran des guerres en Irak et en Afghanistan, puis présentateur phare de la chaine Fox News, il y a mené campagne pour dénoncer les « fausses informations » qui parlent de victimes palestiniennes à Gaza.

Michael Waltz, secrétaire à la sécurité nationale. Il a publiquement appelé Israël à « finir le boulot » à Gaza. En octobre 2024, il lui avait recommandé de frapper l’île de Kharg, nœud des exportations pétrolières de l’Iran.

Stephen Miller, chef de cabinet adjoint de Trump. Fanatique anti-immigrés. Il est proche de la Zionist Organization of America (ZOA), l’organisation sioniste américaine, qui prône l’expulsion de tous les Palestiniens entre la mer et le Jourdain. En 2017, il avait rédigé le décret de Donald Trump qui suspendait l’entrée aux États-Unis des ressortissants de six pays musulmans.

Elise Stefanik, représentante aux Nations unies. Elle a bâti sa carrière publique sur la défense absolue d’Israël. Elle a mené la campagne étatsunienne pour disqualifier le rôle de l’UNRWA, l’agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens.

Kristi Noem, secrétaire à la sécurité intérieure. Gouverneure du Dakota du Sud, elle a été au premier rang des promoteurs de la « nouvelle définition de l’antisémitisme », qui permet d’accuser quiconque critiquant Israël d’antisémitisme.

Mike Huckabee, ambassadeur en Israël. Cet ex-pasteur évangélique, devenu gouverneur de l’Arkansas, a plusieurs fois expliqué que « les Palestiniens n’existent pas » et que la Cisjordanie « c’est la Judée et la Samarie, une partie intégrante d’Israël ». Il a émis l’idée que l’Arabie saoudite et l’Égypte devraient offrir une partie de leurs vastes territoires vides pour l’établissement des Palestiniens.

Adam Boehler, envoyé pour les affaires d’otages. Ami personnel de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump et maître d’œuvre des Accords d’Abraham.

Sebastien Gorka, conseiller adjoint du président. Grand admirateur d’Israël, il a été accusé à plusieurs reprises de liens avec l’extrême droite hongroise antisémite.

Steven Witkoff, envoyé spécial au Proche-Orient. Ce promoteur immobilier, grand donateur à la fois de Trump et de l’État israélien, est un partenaire de golf privilégié du futur président.

Morgan Ortagus, envoyée spéciale adjointe pour la paix au Proche-Orient. Inconditionnelle d’Israël, elle a grandi dans une famille évangélique avant de se convertir au judaïsme.

Ces choix-là en disent beaucoup plus que les pronostics de tous les experts. Et les termes « État palestinien » ne sont nulle part énoncés !

Question des Artistes pour la paix : le Liban et la Syrie en ruines et l’Iran menacé, les 146 pays ayant reconnu la Palestine à l’ONU lui viendront-ils en aide, avec des subsides provenant par exemple des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghaï ?

Notes

1- Noah Spiegel, « Israeli lawmakers call on military to destroy food, water and power sources in Gaza », Haaretz, 3 janvier 2025.

2- « Israel wants to turn the West Bank into rubber, just like Gaza », Haaretz, 8 janvier 2025.