FANIE LEBRUN (1977-2024)
« Ma vie comme une trame sonore; ma personne, un solo de drum;
mon cerveau, un solo de clavier
et ma bonne humeur, un gars avec des maracas »
« […] Je réalise pour vivre
Je vis pour changer
me reconstruire,
me libérer […] »
– Fanie Lebrun, Silence du présent, 2021.
« Elle aimait se définir comme nomade citoyenne, sensible aux gens comme à l’environnement et « câblée » différemment. Ses voyages et diverses formes de création lui ont ouvert la voie d’un parcours atypique et fécond. Artiste multidisciplinaire curieuse aux projets variés (blogues, expositions photo, zines auto-éditées de façon artisanale, recueils de textes, livrets de citations …), elle a mis en valeur la parole et le regard de l’Autre. Par ses animations, ses conférences, son implication communautaire et ses contributions au journal Entrée Libre, Fanie Lebrun a su se connecter profondément et « être les liens qu’elle tissait ».
Fanie nous avait fait l’immense faveur de dépanner les Artistes pour la Paix pendant quelques mois comme webmestre, sans jamais nous rencontrer, malgré notre désir exprimé de la voir intégrer notre C.A. pour l’enrichir de ses merveilleuses qualités artistiques. Elle nous a quittés au printemps dernier, aussi discrètement qu’à son arrivée, non sans avoir laissé des indications détaillées comment nous y prendre, tombées dans mon incompétence technologique; et malgré nos tentatives d’épisodiques relances, on ne reçut plus aucun courriel de sa part, jusqu’à ce que j’apprenne sa mort, survenue le 1er août, presque trois mois plus tard, le 24 octobre. En allant livrer une entrevue sur la paix à CFAK-Radio des étudiantEs de Sherbrooke (merci à Claude Saint-Jarre), je suis tombé sur deux de mes articles publiés le 1er octobre dans le mensuel ENTRÉE LIBRE (c’est elle qui depuis au moins quatre ou cinq ans tenait à recevoir nos nouvelles de paix!) et en y repérant la triste nouvelle avec un encore plus triste souhait de nous voir contribuer à l’un des organismes suivants: CALACS Agression Estrie ou JEVI Centre de prévention du suicide – Estrie. Quel choc de voir disparaître un être aussi merveilleusement positif qui se révélait dans des écrits aussi libres et originaux que ceux de Pierre Foglia. Ses amies ont témoigné :
Malraux écrivait qu’une personne « est la somme de ses actes, de ce qu’il fait ». Nous laissons témoigner tes habitudes et tes choix, chère amie :
Choisir un mantra pour partir en voyage, comme on choisit de bonnes chaussures.
Écrire des articles pour partager les points de vue d’acteurs de changement ordinaires.
Refuser de se procurer un téléphone intelligent pour continuer à combler du temps libéré de lectures, de rencontres impromptues, de contemplation.
Interviewer une amie en bonne et due forme, voix captée sur un enregistreur, pour lui faire raconter un voyage comme elle n’a jamais pu en parler aussi longuement à autrui.
Se contenter d’un frigo de 2 pieds cube et vivre de produits soldés près de la date de péremption.
Remplir des pages et des pages de cahier d’une calligraphie souriante toute en spirales, la musique dans les tympans.
Acheter des crédits-carbones pour la publication de recueils de texte et de livrets à petit tirage reliés à la main.
S’émerveiller de la lune qui visite le salon par la fenêtre.
Voyager dans plus de 40 pays dans le monde, seule avec Jack, le sac à dos ; puis s’engager à ne plus jamais prendre l’avion par souci de réduire ses émissions de CO2.
S’arrêter pour saisir le chant d’une vieille fontaine sur une pellicule.
S’habiller et se meubler seconde main.
Pleurer la disette de temps que le capitalisme et le néolibéralisme infligent à ses ami.e.s ; décrier leur manque de temps pour philosopher.
S’attaquer aux sujets les plus tabous qui soient, pour les rendre encore plus tabous.
Mettre ses talents et ses connaissances au service des nombreuses organisations communautaires ; multiplier les contrats et tolérer les conditions précaires.
Faire une sieste d’après-midi à l’extérieur.
Marcher ; refuser de posséder une voiture ; prendre le bus interurbain.
Se laisser pénétrer par tout ce qui existe ; l’émerveillement sans filtre à café, pur.
Transformer ses indignations en publications de blogues, en conférences, en kiosques d’information.
Refuser de compétitionner avec les notifications électroniques dans cette lucrative économie de l’attention.
Marcher encore.
Faire un festin de chocolat et de protéine végétale texturée mouillée de sauce piquante.
Aimer déshabiller les propos d’autrui, gentiment, dénuder leur incohérence, avec leur consentement (parce que c’est une amie qui nous aime).
Impossible de s’arrêter après avoir refait le monde: il fallait compléter avec le procès de Dieu.
Quitter le party en catimini sans câlin d’au revoir.
Merci pour ton anticonformisme. Nous saluons tes refus.
Salutations et merci au Prof. Lebrun, notre inspiration climatique.
Son dernier courriel reçu, pour ma part :
@ Pierre – je dois mentionner que je suis bien heureuse d’avoir pris la balle au bond, ce qui m’a permis de plonger dans l’aventure et de faire ma part, aussi minime soit-elle, face à l’ampleur des défis, pour participer à ce que les voix de la paix soient entendues.
Profiter de ton savoir-faire et savoir-être, ce fut un régal !! Donc merci de ce privilège et je pressens que cela se retrouvera entre de bonnes mains pour la suite.
Portez-vous bien avec du plaisir tout plein pour ce congé de Pâques !
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