Rappel des faits
Or, l’exploitation du pétrole des sables bitumineux de la Saskatchewan et de l’Alberta est universellement reconnue comme une source majeure de l’aggravation du réchauffement climatique : d’abord cause principale du retrait du Canada de l’entente de Kyoto, elle va à l’encontre de la réussite des objectifs nationaux affirmés avec plus ou moins de précision à Paris en décembre par le gouvernement Trudeau.
La société albertaine TransCanada veut construire un pipeline qui traverserait le Québec d’ouest en est pour acheminer le pétrole de l’Ouest canadien vers le Nouveau-Brunswick afin de l’exporter (pourquoi pas vers Sept-Îles, dans un tracé-nord loin du fleuve ? TransCanada a-t-elle davantage peur de l’opposition des Premières Nations que des Québécois ?). À la fin décembre 2015, une étude par l’École Polytechnique, commandée par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, a révélé que la construction d’un pipeline le long du fleuve Saint-Laurent serait très risquée pour ses berges instables, ainsi que celles des rivières que traverserait le pipeline. « On doit penser en termes de protection de l’eau et on doit très certainement penser en termes de protection civile et de sécurité », a affirmé le maire Denis Coderre, au sujet du projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada.
TransCanada a déjà abandonné une partie de son projet consistant à construire un terminal pétrolier à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent, à la suite de la grogne populaire suscitée, entre autres celle des APLP ayant participé à la grande marche de protestation du 11 octobre 2014 à Cacouna (http://www.artistespourlapaix.org/?p=6139). On y dénonçait en particulier le manque de préparation environnementale dans la planification de ce terminal, totalement ignorante qu’elle menaçait directement l’aire de reproduction des bélugas !
Même Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, constate aujourd’hui à la télévision de Radio-Canada que l’Office National de l’Énergie, l’organisme fédéral chargé d’évaluer le projet Énergie Est, n’est pas en mesure de s’assurer que les suivis qu’il recommande sont effectués par les compagnies pétrolières, vu que le gouvernement Harper a considérablement affaibli le processus d’évaluation environnementale au Canada, en limitant la participation du public et en excluant les changements climatiques du mandat de l’ONE. Nous sommes à moitié rassurés par la déclaration aujourd’hui du premier ministre Trudeau: « On a eu depuis 10 ans un gouvernement cheerleader pour ces projets, plutôt qu’arbitre responsable avec un processus clair, ouvert, rigoureux et transparent. C’est ce que nous allons faire. »
Position des maires
Voici la position très (trop?) modérée qu’ont soutenue Denis Coderre et quatre-vingt-un autres maires de la Communauté Métropolitaine du Grand Montréal.
Sa modération nous permet au moins de nous étonner du déferlement de bêtises que le ROC (Rest of Canada) a fait subir au maire que ses adversaires semblent voir ainsi :
Si la première ministre NPD de l’Alberta, Rachel Notley, s’est contentée d’accuser les maires de la région de Montréal de «manquer de vision», que dire de l’accusation d’«indignité morale» plaidée par les tenants du mythe d’une «généreuse péréquation de l’Ouest au pauvre Québec» et par les constructeurs de pipeline qui avaient pourtant épargné Obama et les communautés autochtones d’une telle accusation avec Keystone XL, Enbridge et Kinder Morgan sur la sellette ? Jusqu’à la chef conservatrice Rona Ambrose et Gérard Deltell accusant le fédéraliste Coderre de « trahir l’unité nationale » !
Ce qui a donné ce poster amusant (trafiqué par des indépendantistes) de Rick Mercer qui a hélas participé sans humour (!) à ce Québec bashing :
Qui est indigne moralement en laissant le pétrole sale envahir ses nappes phréatiques et empoisonner les Premières Nations du nord de l’Alberta ? Qui sape l’unité nationale en refaisant du Quebec bashing, dont les bêtises récupérées par les indépendantistes constituent autant de preuves de l’incompréhension du ROC envers un Québec aux valeurs écologiques distinctes ?
D’autres jouent la carte douce (avec des milliards de $ en jeu, les pétrolières ont toutes les cartes entre leurs mains !), sussurant que la COP 21 a établi un horizon de trente ans pour sevrer la population mondiale de sa dépendance au pétrole et que nous devrions être plus tolérants. Or, ce ne sont pas les opposants comme nous qui sommes radicaux, mais la science et ses données objectives alarmistes (lire 350.org) pour l’état de la planète…
Solutions à notre portée
Et pourtant, au Québec aussi, le projet Énergie Est doit faire l’objet d’une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, avant que le gouvernement libéral de Philippe Couillard ne se prononce (dans un sens trop prévisible, hélas ? Tant mieux s’il nous surprend !). Car nous avons confiance dans le BAPE qui a tranché en juillet en faveur du mémoire de notre présidente dans le dossier des mines d’uranium, davantage que dans ce gouvernement qui, selon Alexandre Schields du Devoir (25 janvier), « a accordé récemment une subvention de 1,7 million de dollars au géant pétrolier albertain Suncor (PetroCanada), un important exploitant de pétrole des sables bitumineux qui fait aussi la promotion des projets de pipelines. Les fonds publics ont été octroyés dans le cadre du programme ÉcoPerformance, mis sur pied afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Québec.» Proprement scandaleux, quand les études scientifiques démontrant la nocivité des sables bitumineux avaient vu leurs sources de financement universitaires charcutées par le gouvernement Harper.
Écrivons à nos élus, d’abord à M. Denis Coderre : maire@ville.montreal.qc.ca ou encore via ce formulaire de messagerie ;
puis à M. Justin Trudeau: pm@pm.gc.ca ou via ce formulaire de messagerie;
enfin à M. Philippe Couillard: via ce formulaire de messagerie.
Et n’oublions jamais que la résistance aux exploiteurs destructeurs de notre écologie s’effectue par le ralliement à des groupes militants, car même si les gouvernements donnent les permis, ce sont les communautés par leur vigilance (mais aussi hélas par leur apathie) qui donnent la permission.
Les Artistes pour la Paix sont fiers d’avoir participé au manifeste de l’Élan Global (http://www.artistespourlapaix.org/?p=7056), d’avoir participé avec Projet Écosphère à un comité des sages en juin dernier avec Bill McKibben, Laure Waridel, Dominic Champagne, domlebo, Camil Bouchard, JiCi Lauzon, Annie Roy, Karel Mayrand, André Bélisle [1] et moi (http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=6135) et de travailler à organiser le prochain Forum Social Mondial en août, pour la première fois organisé dans l’hémisphère nord de la planète : merci à Gisèle Comtois, qui entre sur le C.A. des APLP et sera, avec Laurence Chessex, le lien des APLP avec les organisateurs du Forum.
[1] Tout membre des Artistes pour la Paix devrait être fier de posséder son exemplaire de Cinquante ans de caricatures en environnement, publié aux éditions Écosociété, résumant les engagements majeurs de l’AQLPA depuis 1982 par des œuvres engagées de nos artistes-caricaturistes, suivies de sept pages de références incontournables qui montre le travail accompli par l’ami de Richard Desjardins, André Bélisle et l’AQLPA.
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