sous-munitions

Une victime des bombes à sous-munitions (photo site Handicap international), en quelque sorte commanditée par la Banque Royale et la Financière Sun Life (voir fin d’article).

Puis-je vous avouer que la photo de cette victime m’obsède depuis des mois? Et son frère aîné s’il en a un, d’après vous, sera-t-il tenté de s’inscrire aux Artistes pour la Paix ou de se joindre à l’Armée Islamiste? Si les pacifistes avaient quelque influence en notre société (combien de membres? combien de nos articles acceptés par les grands médias??), sa décision pourrait être plus rationnelle et plus pacifique. Hélas, pour le moment je crains fort qu’il désespère de l’efficacité de l’ONU (voir nos cinq questions aux cinq chefs).

Un serviteur de la fonction publique, Earl Turcotte, ami des Artistes pour la Paix, nous écrivait jeudi le 10, se souvenant de l’accueil que nous avions fait à ses prises de position (voir http://artistespourlapaix.org/?p=6998 et p=1382) mais impuissant, comme nous, à secouer l’indifférence des médias. Earl avait joué un rôle aux côtés de Robin Collins pour  la gouvernance du Traité d’Ottawa contre les mines anti-personnel instauré par le gouvernement Jean Chrétien, pour ensuite diriger la délégation canadienne au cours de la négociation de la Convention sur les Munitions à Fragmentation (Cluster Munitions). Director of the Mine Action Team of DFAIT 2005-2011, il a démissionné de la Fonction publique canadienne en 2011 pour protester contre la honteuse loi canadienne. Il nous envoyait sa lettre indignée qui a sans doute aidé au dénouement heureux hier de la Conférence sur les bombes à sous-munitions (voir plus loin) et peut-être même inspiré la sortie de Jean Chrétien sur la gouvernance honteuse de Stephen Harper.

Voici la traduction de la lettre d’Earl Turcotte par notre secrétaire Jean-François Garneau (qui termine l’article relayé par l’Aut’Journal sans sa partie Mines Action Canada: http://lautjournal.info/20150918/bombes-sous-munitions-honte-harper )

Le gouvernement Harper fait honte au Canada sur la scène mondiale… encore une fois.

Les bombes à fragmentation figurent parmi les plus injustes et les moins fiables des armes conventionnelles qu’on ait inventées. Plus de 95 % de leurs victimes sont civiles – surtout des enfants et des fermiers pauvres tués ou grièvement blessés, souvent des années après les conflits en cause.

 Cette situation horrible a incité la plupart des pays, dont le Canada, à négocier en 2008 un traité historique qui, inter alia, bannit à jamais la production, le stockage, le transfert et l’usage de bombes à fragmentation. La Convention on Cluster Munitions interdit aussi, en toutes circonstances, d’aider, d’encourager ou d’influencer quiconque quant à la production, au transfert et à l’usage de bombes à fragmentation.

 L’Article 21 de la Convention va plus loin et impose l’obligation aux États signataires “…d’encourager les États non signataires de la Convention à la ratifier, l’accepter, l’approuver ou à accéder à ses demandes…”, ainsi “…qu’à s’efforcer de décourager l’usage de bombes à fragmentation par les États qui n’ont pas signé la Convention.”

Cela semble assez clair, n’est-ce pas? Pas pour les Conservateurs de M. Harper.

 Après avoir adhéré au texte négocié avec 107 autres pays et avoir officiellement signé la Convention en 2008, les Conservateurs ont commencé à reculer. Au cours des trois années suivantes et malgré une ferme opposition au Canada et à l’étranger, ils ont développé des lois nationales qui laisse le Canada libre de soutenir l’usage de bombes à fragmentation quand il s’associe aux opérations militaires de pays non-signataires, comme les États-Unis. Incroyablement, la loi canadienne inclut des clauses explicites concernant les officiers canadiens qui, en tant que commandant d’opérations militaires multinationales, “dirigeraient” l’usage de bombes à fragmentation par les forces d’États non-signataires.

Sans surprise, cette loi du Canada a été très critiquée partout dans le monde, y compris de la part du Comité international de la Croix rouge (ICRC). Malgré tout, le gouvernement Harper a persisté et adopté cette loi pendant la dernière session du Parlement.

Cette semaine, la First Review Conference de la Convention on Cluster Munitions aura lieu à Dubrovnik, en Croatie – réunissant les 117 pays qui ont signé la Convention jusqu’à maintenant, les États observateurs, les agences de l’ONU, l’ICRC et les centaines d’organisations non-gouvernementales qui forment la coalition International Campaign to Ban Landmines and Cluster Munitions.

Comme d’habitude pour de tels événements, une Déclaration a été transmise aux États participants par le Président de la Conférence pour qu’ils l’examinent à l’avance. Ces déclarations importent, car elles reflètent les convictions les plus sincères des participants et, idéalement, sont reprises par toutes les délégations des États.

La déclaration préliminaire de cette première Review Conference comprend des termes qui condamnent “tout usage de bombes à fragmentation par tout acteur”… On s’attendrait à ce que toute nation participante dénonce publiquement un usage qui cause tant de morts et de souffrance qu’il a été banni à jamais. Pourtant le Canada, dans son allocution d’ouverture lors de la Conférence, a exprimé des réserves, suggérant qu’une dénonciation compromettrait sa capacité d’engagement dans des opérations militaires conjointes avec des États non-signataires. Le Canada s’oppose maintenant directement à plus de 100 autres pays, aux agences de l’ONU, à l’ICRC et à la société civile, qui ont tous accueilli le texte comme faisant partie intégrale d’un fort énoncé diplomatique émanant de la conférence.

Alors que j’allais exprimer ma honte devant une autre atteinte du Canada à sa propre diplomatie, j’ai compris : comment Stephen Harper pourrait-il logiquement agir autrement? Le Canada peut-il vraiment condamner l’usage d’armes que Mr. Harper et compagnie se sont (illégalement) réservé le droit de diriger? Pas par nos propres forces, remarquez, ce qui serait inacceptable, mais par les forces de pays non-signataires — qui pourraient agir sous les ordres d’un commandant canadien !

Sur quelle étroite corniche Mr. Harper a-t-il perché le Canada! Quelle honte! Je regrette sincèrement la livraison d’un tel message par la délégation canadienne devant la communauté internationale. S’il s’agissait d’un colloque moins civilisé, les membres de la délégation canadienne se feraient jeter à la rue alors que la Conférence ne fait que commencer!

Je recommande au Premier ministre d’émettre de nouvelles instructions à notre délégation, mais bien sûr, il ne le fera pas. Je trouve un certain réconfort en sachant que, si tout va bien, quelqu’un d’autre formulera les instructions après le 19 octobre, et que les diplomates canadiens pourront bientôt agir comme… eh bien… des Canadiens.


 

Dernière heure (11 septembre 11h A.M.):

Canada’s efforts to weaken cluster bomb treaty fail

States and campaigners ensure strong outcome of 1st Review Conference of Convention on Cluster Munitions

bombe_SMThe 1st Review Conference of the Convention on Cluster Munitions is wrapping up in Dubrovnik, Croatia. For the most part, this meeting has been full of good news. Colombia ratified the Convention, Cuba issued a surprise announcement that it is working towards joining the treaty as well and a number of states announced that they have finished destroying their stockpiled cluster munitions. These successes show that the treaty is working and the norm against cluster munitions is growing. Amidst all this success, Canada joined the United Kingdom and Australia in an attempt to weaken the norm against cluster munitions by objecting to the Dubrovnik Declaration‘s condemnation of all use of cluster munitions.  For these three states, the idea that they would have to condemn all use of cluster munitions was not acceptable despite being states parties to a treaty banning cluster munitions.  Mines Action Canada staff and campaigners from around the world in partnership with friendly governments lobbied hard for the declaration to stay strong. In the high level discussion state after state took the floor in support of a strong declaration condemning all use of cluster munitions. Again and again states passionately defended the Declaration as it was and to reaffirm that any use of cluster munitions by any actor was unacceptable. In the end, the Declaration was adopted without amendment.  We were thrilled to see our hard work pay off.  The norm against use remains strong and so does the Convention on Cluster Munitions. We were able to prevent Canada, the UK and Australia from weakening the declaration this time but we need your support to ensure that we will be ready next time someone threatens the norm against these inhumane weapons.

Mines Action Canada [info@minesactioncanada.org] apprécierait votre soutien. Madame Erin Hunt promet un développement intéressant quant à l’efficacité de nos dénonciations d’institutions financières canadiennes. Elle nous transmet le résultat de leurs questions aux chefs de partis sur

http://minesactioncanada.nationbuilder.com/election_2015_and_disarmament.

C’est sur leur site qu’on trouve aussi les infos cruciales suivantes :

151 financial institutions worldwide invested US$27 billion [27 milliards de $!] in companies producing cluster munitions from 2011 to 2014, according to a report launched by Dutch peace organization PAX. The report, “Worldwide Investments in Cluster Munitions: a shared responsibility,” details the scale of investment in companies producing this banned weapon by banks, pension funds and other financial institutions around the world.  Two Canadian financial institutions were singled out for their investment in cluster munition production in the report’s Hall of Shame.

While Canada and the majority of states have banned cluster munitions due to the humanitarian risk to civilian populations, production of the weapon continues in a limited number of countries yet to join the 2008 Convention on Cluster Munitions.

Cluster munitions are currently killing civilians in Syria and eastern Ukraine and they continue to claim lives in Laos fifty years after they were used. Yet financial institutions have invested US$27 billion—more than twice the GDP of Laos—in producers of this inhumane weapon.  Canada has banned cluster munitions and during the lengthy discussions about the legislation government officials and parliamentarians frequently stated that investment in cluster munition producers is in fact considered aiding in their production and is illegal” said Paul Hannon, Executive Director.

The new report from PAX shows which financial institutions have invested in cluster munition producers between June 2011 and September 2014. The report’s “Hall of Shame” shows the majority of investments come from financial institutions in states that have not yet joined the Convention on Cluster Munitions. Yet financial institutions from countries like Canada that have joined the treaty are also still involved.

Royal Bank of Canada and Sun Life Financial appear on the “Hall of Shame” list for their investments in cluster munition producers.  These investments are falling foul of the treaty’s prohibition on assistance in the production of the weapon and of the recently passed legislation implementing the Convention in Canada which criminalizes aiding and abetting cluster munition production.

Cluster munitions are banned by international law; a majority of the countries in the world has recognised that this weapon is unacceptable. And yet cluster munition producers are still able to fund their activities. Financial institutions should introduce robust policies to ensure they are not supporting companies involved in the production of this banned weapon” said Suzanne Oosterwijk, co-author of the PAX report.

While the number of financial institutions investing in companies producing cluster munitions remains high, the report shows an increase in financial institutions with policies to prohibit this practice. Seventy-six financial institutions are listed in the 2014 report as having cluster munition policies in place.

Recent use of cluster munitions in Syria and eastern Ukraine further demonstrates the urgent need to eradicate this weapon. Last month Cluster Munition Coalition member Human Rights Watch documented widespread use of cluster munitions in eastern Ukraine, in fighting between government forces and pro-Russian rebels. In Syria, civilians account for 97% of recorded deaths where cluster munitions have been used over the past two and a half years.

This report follows a similar report released by PAX on investment in nuclear weapons.  The Don’t Bank on the Bomb report found that numerous Canadian financial institutions are investing in nuclear weapons production [La Financière Sun Life en tête].  Mines Action Canada calls on all Canadian financial institutions to adopt strong policies prohibiting investment in banned and indiscriminate weapons.

Nous avons reçu un mot de M. Turcotte.

Dear Pierre, thanks so much for including my last short piece in your publication and for the effort to translate it. If I use the French version anywhere, I will indeed give Les Artistes pour la Paix full credit for the excellent translation. I was delighted to see the Dubrovnik Declaration pass unamended, but the sight of our country attempting to weaken it makes me, and so many others, cringe! With best regards to you and your fellow artistes who continue to push for peace! We will continue to work together.
Earl

Dear Earl, we deserve little recognition for just reporting what you tried to achieve with so much dedication that you had to sacrifice your career as a public servant because you were doing just that, serving the public. YOU deserve all the thanks in the world! If they won’t come from the victims who lay in hospital beds, they should come from all those who were spared the disastrous encounter of a cluster munition. Alas, they won’t thank you because they are not aware of what they owe to you and to all the others who are fighting against their hideous use at Mines actions Canada. But together, we’ll keep cringing AND most importantly, actively struggling for peace.

In solidarity,
Pierre
vice-president Les Artistes pour la Paix