Arrival (ou au Québec L’Arrivée), dont le scénario d’Eric Heisserern est tiré d’une nouvelle de Ted Chiang, (Story of Your Life), offre en effet un éventail de thèmes entrecroisés. Denis Villeneuve y réussit un tour de force : rompre la linéarité du récit pour en révéler la profondeur. Ce procédé en osmose avec l’histoire racontée fait de l’œuvre qu’il signe un grand film sur la paix. Comme son examen minutieux de la communication, sa reconnaissance des apports d’une vaste équipe et sa façon de les équilibrer rappelle d’ailleurs ce principe : la paix dépend de tous et de chacun.
En effet, à condition de suspendre un scepticisme spontané quant à l’arrivée réelle d’extraterrestres, on ressent devant ce film l’ampleur de la panique qu’elle provoquerait. Le « nous et les autres » en cause dans tout conflit rejoint ici « l’être ou ne pas être » shakespearien : l’humanité se trouverait à un réflexe guerrier de l’anéantissement. À ce sujet, Arrival suscite une réflexion pacifiste que je ne résume pas davantage pour ne pas en révéler l’issue… Si ce n’est déjà fait, allez voir le film.
Tout à fait d’accord avec l’appréciation pacifiste de Jean-François, en y ajoutant ma subjectivité de musicien, séduit par la musique du compositeur islandais Johann Johannsson et par le traitement du son dans le film. Les partitions par signes de mon ex-étudiant Symon Henry ont d’ailleurs des ressemblances avec les signes utilisés par les extra-terrestres du film! Ajoutons à cela ma reconnaissance (difficile) des lieux de tournage à Saint-Fabien, le village de ma belle-famille, où a été tourné le film.
« Le réalisme du scénario, écrit Ted Hewitt, président du Conseil de recherches en sciences humaines, doit beaucoup à Jessica Coon, professeure agrégée de linguistique, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en syntaxe et langues autochtones à l’Université McGill, qui a fait office de conseillère scénaristique et dont les ouvrages sont évoqués dans le film.
D’après les directives qu’elle a reçues, l’héroïne du film, la professeure de linguistique Louise Banks campée par Amy Adams, doit décoder le langage des nouveaux arrivants pour déterminer, aussi vite que possible et dans un véritable esprit d’enquête scientifique, les intentions des visiteurs extraterrestres. Possédant des années d’études et de recherche, l’habile Mme Banks entend bien ne pas se contenter d’une démarche aussi simpliste face à tant de variables inconnues.
S’inspirant de la psychologie, Mme Banks est par ailleurs consciente de la relation complexe et symbiotique qui existe entre langage et pensée, et de la nécessité pour elle d’en arriver à «réfléchir comme les extraterrestres » pour réussir à décoder le sens de leurs propos. Abandonnant son équipement protecteur, elle se met à communiquer directement avec les extraterrestres, au moyen du langage écrit.
À force d’« approximations successives », Mme Banks parvient peu à peu à décoder le langage des visiteurs, et ce faisant elle reprogramme sa propre façon de penser pour la rapprocher de la leur. Ce n’est qu’ainsi qu’elle réussit à cerner le véritable but de leur venue sur Terre, effectuant dans la foulée une découverte stupéfiante qui transformera à jamais l’humanité.
Pure science-fiction? Bien sûr, mais uniquement du fait de la présence d’extraterrestres dans le film. La « science » de la linguistique, tout comme la majorité des sciences humaines, nous aide chaque jour à décoder l’un des systèmes les plus complexes que nous connaissions : la société humaine.
Que ce soit parce qu’elles sont porteuses des connaissances nécessaires pour relever des défis apparemment insaisissables, ou parce qu’elles contribuent à l’élaboration de politiques publiques judicieuses ou encore à la concrétisation des promesses liées à l’innovation technologique, les sciences humaines sont essentielles à la création de sociétés saines et prospères. Et peut-être même à leur salut… »