Scénario et dialogues de Marie Vien
A-t-il vraiment fallu dix ans, comme le relate Marie Vien forte de sa très grande expérience politique, pour écrire un scénario aussi fabuleusement véridique aux répliques tranchantes au quart de tour ? Avouera-t-elle plutôt combien de rejets d’organismes subventionnaires machos elle a dû endurer au cours de ces années ? Toujours est-il que grâce à elle, nous sommes en face d’une immense réussite. L’intrigue : une créatrice de magazine de mode (Marie-Pier Morin), accompagnée de son habile agent (Paul Ahmarani), est happée par la politique d’un Premier ministre retors (inégalable Gilbert Sicotte) désirant rajeunir son image, afin de contrer les ambitions d’un ministre des Finances, David LaHaye, aussi transcendant dans ce rôle que dans celui, à l’opposé, du film saisissant Confessions de Luc Picard; LaHaye incarne un froid représentant de l’establishment néo-libéral prêt à jouer l’ultime carte d’émotion tirée de son enfance (toujours gagnant, n’est-ce pas ?). Sa puissance se joue des commentaires d’abord désabusés de Benoît Brière superbe en contre-emploi, qui devient moins calculateur au long de l’intrigue, alors qu’Antoine Bertrand est un chef de l’opposition plus vrai que vrai : on croirait voir Jean Garon ressuscité.
Et dans l’envers de la médaille du conte de fée, pour notre appréciation théâtrale comblée :
- Claudia Ferri, l’épouse anglophone élégante au père richissime qui contrôle son mari, le ministre des Finances;
- la journaliste bitch populo, naturellement interprétée par Anne Casabonne;
- le commentateur culturel artificiellement vieilli pour représenter la typique fourberie de larbins du milieu artistique télévisuel, est-ce vraiment Pascal Cameron, méconnaissable? Si oui, quel numéro réussi, y compris le faciès déformé.
Une réalisation de Mariloup Wolfe
On est sans voix devant de telles situations mises en scène avec une imagination débordante, comme la trouvaille de la nouvelle ministre de la Culture photographiée sur un trône, sceptre à la main, en première page d’un magazine HEC avec comme titre « La culture, c’est moi », référence à la phrase attribuée à Louis XIV « l’État, c’est moi ». La photographie d’Yves Bélanger est admirable, les costumes et les décors, y compris au Château Frontenac, nombreux et sensationnels, et la musique de Gonçalvez brille, indissociable du Rameau et des Vivaldi qui s’intercalent, pour représenter avec humour le faste versaillais de notre petite cour parlementaire dont les scènes de confrontations, réalisme oblige, ont été tournées à notre Assemblée nationale !
L’imagination se fait audacieuse en saluant les squelettes médiatisés non sans raison par la chanteuse offensée Safia Nolin, quand la réalisatrice ose, superbement filmée avec une pure délicatesse, une scène lesbienne entre la coupable d’agression de fesse elle-même et Lara Fabian, interprétant onctueusement une ministre française du Commerce délurée.
Il y a deux ans j’avais écrit un article vantant les nombreuses et fructueuses réalisations de nouvelles venues au cinéma québécois et je me souviens de m’être mordu les doigts de n’avoir pas vu, avant de l’écrire, le film Jouliks, tiré d’une pièce de Marie-Christine Lê-Huu relatant une dramatique histoire d’amour passionnée : c’était un film tourné par Mariloup Wolfe où Paul Ahmarani jouait avec nuance un directeur d’école tentant de « récupérer » la fille du couple rebelle. Question de timing, le film n’avait pas reçu les honneurs mérités des prix Jutra, pardon, Iris qu’il méritait pourtant.
Celle qui a tourné plusieurs épisodes de séries télévisées de Fabienne Larouche nous offre un film accompli en Arlette, sans se prendre au sérieux puisqu’on trouve en un clin d’œil furtif qui sert le propos deux secondes de son annonce de char électrique! On lui reproche à tort de ne pas aborder les thèmes de la décadence de notre culture négligée par la politique, alors que le film aborde problèmes de l’érosion de la langue française, de la taxation des livres, puis en outre les angles de la mode, de la cuisine, y compris la recherche des bons vins québécois, rehaussées comme arts mineurs mais d’importance indéniable.
Films à caractère féministe
Le choix devient carrément superbe quant aux films québécois traitant de féminisme :
- un été comme cela, de Denis Côté toujours bien reçu en Allemagne où on sait apprécier la thèse intellectuelle par-delà l’ennui du sujet, malgré le talent des trois actrices;
- lignes de fuite avec les étincelantes Catherine Chabot, Léane Labrèche-Dor et Mariana Mazza, qui démarre sur une charge très drôle d’une animatrice culturelle qui perd sa job en traitant pas assez subtilement l’intervieweur en chef de « mononcle »;
- les tricheurs de Louis Godbout dont je ne peux vous parler puisque j’irai le voir samedi le 27 août 2022 à 21 h 30 au nouveau festival de cinéma Knowlton au Théâtre de Lac-Brome, 9, chemin du Mont-Écho, et on me dit qu’il reste de très bons billets pour un film qui met en scène notre Artiste pour la Paix de l’Année 2021, Christine Beaulieu, qui sera présente, même si son rôle n’aura pas la richesse des près de quatre heures de théâtre de J’aime Hydro récemment complétées par nulle autre que la PDG Sophie Brochu;
- je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique au cinéma Outremont à 19h le 7 septembre, première du film de notre ex-présidente Guylaine Maroist et Léa Clermont-Dion : il promet, mais probablement pas dans le sens d’un conte de fée…
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