Appel réitéré au Ministre LeBlanc
Par Pierre Jasmin, secrétaire des Artistes pour la Paix, 22 octobre 2024
Le simple avis de réception à une première esquisse de ce courriel par le bureau du ministre LeBlanc ne dit pas ce qu’il entend faire suite à nos demandes du 6 juin, à relire :
https://www.artistespourlapaix.org/appel-au-ministre-leblanc-perceptions-de-chine/
Photo de TV5 MONDE : conférence de presse par Joly, Trudeau et LeBlanc sur l’Inde
Monsieur le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, nous vous prions de répondre à l’inquiétude des Artistes pour la Paix au sujet du comité sur l’ingérence étrangère, présidé par l’Honorable Marie-Josée Hogue.
Actions inacceptables par des diplomates indiens contre les sikhs canadiens
Le renvoi dans leur pays de diplomates indiens contre lesquels la Gendarmerie Royale du Canada avait des preuves qu’ils aient participé à des crimes contre la communauté sikh canadienne est un geste fort de la part du Très Honorable Justin Trudeau et correspond à notre pressentiment diffus exprimé le 6 juin en deux paragraphes reproduits ici :
De l’expression démocratique [telle que véhiculée par les partisans d’activation d’une telle commission], peut-on raisonnablement se demander si elle est entièrement viable dans un pays de 1 milliard 400 millions d’habitants [la Chine], à moins de recourir, comme son voisin Modi, à une tactique haineuse nationaliste antimusulmane ? Nous ne croyons pas que c’est le cas pour la Chine et les Ouïghours qu’elle protège – parfois avec une force excessive – contre l’influence islamiste terroriste du Pakistan du Nord voisin. La position des APLP s’opposait au rapport de la CIA malheureusement accepté par tous les députés conservateurs de la Chambre des Communes en février 2021, assimilant le traitement réservé par la Chine à sa minorité ouïgoure à « un génocide », accusation non confirmée par l’ONU (motion malgré tout adoptée par 266 voix sur 338). Les ministres du gouvernement libéral de Justin Trudeau se sont fort heureusement abstenus, limitant les dégâts.
Notre note 4 se lisait : On invite la commissaire à se pencher sur l’influence d’extrême-droite exercée par Narendra Modi, dont la majorité semble au 4 juin avoir été considérablement réduite par le parti de Sonia Gandhi.
Pourquoi donc n’avons-nous pas été appelés à témoigner, malgré l’ouverture de la commission qui nous a écrit le 13 juin : « Nous vous remercions de votre courriel et de l’intérêt que vous portez aux travaux de la Commission. La Commission vous contactera pour toute question découlant des renseignements que vous avez fournis. » Foreign Interference Commission / Commission sur l’ingérence étrangère.
Les accusations du 16 octobre 2024 contre ces diplomates indiens, amplifiées par M. Trudeau accusant M. Poilievre d’ignorer par calcul politique ces graves menaces à la sécurité du Canada pourtant documentées à la fois par le Service Canadien du Renseignement de la Sécurité et la Gendarmerie Royale du Canada, ont été répudiées par des insultes inacceptables du chef de l’Opposition. Nous nous rangeons ainsi du côté de M. Maka Kotto, ancien ministre du gouvernement Marois, dont l’éditorial dans le Journal de Montréal du 21 octobre, p. 23, maintient que nos dirigeants doivent être informés pour mieux défendre la souveraineté nationale et que la trahison envers les citoyens et l’avenir du Canada, par le refus de Pierre Poilievre d’obtenir la cote de sécurité pour accéder aux informations classifiées sur l’ingérence étrangère, lui paraît démocratiquement inacceptable.
Perception canadienne des rumeurs de menaces d’ingérence étrangère
Notre opinion, que nous aurions aimé corroborer ou infirmer en venant à la Commission, s’adresse à un comité qui nous semble partial, car ouvert aux rumeurs non officiellement confirmées. Les soupçons d’ingérence étrangère ne devraient-ils pas aussi considérer LA PRINCIPALE INFLUENCE ÉTRANGÈRE, celle des États-Unis de droite, de l’OTAN militariste et de leurs politiques guerrières qui menacent la paix mondiale que nous avons à cœur ?
Nous aimerions voir la commissaire à l’abri de préjugés tenaces anticommunistes, qu’il faut équilibrer par des balises rigoureuses, sinon le comité risque de devenir un instrument de peur xénophobe digne des délires du FBI maccarthyste anticommuniste de 1950 à 1954, dirigé contre des créateurs du cinéma tel l’admirable Sir Charlie Chaplin, ou des attaques racistes anti-immigrants de Trump qui avait fait emprisonner par Chrystia Freeland la no 2 de Huawei, provoquant ensuite les dérapages des emprisonnements des deux Michael.
Du parcours historique des 75 ans du régime chinois, on ne peut oublier l’influence du plus grand homme d’État chinois du XXe siècle, Zhou en-lai, premier ministre de 1954 jusqu’à sa mort en 1976. Pour ce qui est de la Chine contemporaine, son principal tort est d’être devenue une puissance économique en voie de dépasser les États-Unis qui brandissent par dépit leur arsenal militaire dépassant à lui seul l’addition des dix pays suivants dans l’échelle des dépenses militaires mondiales dressée par le Stockholm International Peace Research Institute. Notons une influence internationale favorable par la Chine :
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l’appui par son vote de janvier en faveur que la Palestine devienne partie intégrante de l’ONU, comme l’immense majorité des pays le souhaitent, y compris plus récemment le Portugal, la Norvège et l’Irlande. À quand le Canada, ne serait-ce que pour contrer l’influence terroriste islamiste dans la bande de Gaza ?
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Plus important que l’ingérence chinoise dans nos élections que M. Trudeau trouve avec raison insignifiante vu qu’elle n’a eu aucun effet réel sur des résultats finaux, nous croyons que la Commissaire devrait s’alarmer contre le racisme sinophobe, colporté par l’extrême-droite (on ne veut pas reprendre ici les neuf points invoqués le 6 juin).
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La 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à l’unanimité le 7 juin, au lendemain de notre lettre à la commission, une résolution proposée par M. Fu Cong, représentant permanent de la Chine auprès des Nations-Unies, visant à instaurer le 10 juin comme Journée internationale du dialogue entre les civilisations, en « dialogue équitable et respect mutuel ». La résolution prône « le maintien de la paix mondiale, la promotion du développement commun, l’amélioration du bien-être humain et la réalisation des progrès collectifs. » Fu Cong a déclaré que dans le contexte actuel de crises multiples et de défis convergents, le monde est entré dans une nouvelle période d’instabilité et de transformation, qui place une fois de plus la société humaine au carrefour de l’histoire. Dans ce contexte, la proposition chinoise tire pleinement parti de l’importance du dialogue entre les civilisations pour « éliminer la discrimination et les préjugés, élargir la compréhension et la confiance, promouvoir les relations entre les peuples et renforcer la solidarité et la coopération ». Cette initiative insuffle une énergie positive aux efforts déployés au niveau mondial pour relever les défis communs. Cela démontre le « soutien ferme de la Chine au multilatéralisme » et au travail de l’ONU – UNESCO et souligne la responsabilité de la Chine en tant que puissance dans un siècle de changements sans précédent.
Nous attendons, comme assurément Sascha Trudeau ostracisé parce qu’auteur d’Un barbare en Chine (2016), la deuxième partie du rapport avec perplexité. L’Artiste pour la Paix de l’année 2000, Marcelle Ferron, co-signatrice en 1948 du REFUS GLOBAL, disait : « L’artiste est toujours rebelle, hostile à toutes formes de dictature. C’est pour ça qu’il est toujours le premier à être mis en prison. Il représente la liberté et la gratuité, et même si on lui coupait la tête, on ne pourrait jamais lui enlever ses rêves, comme le dit une légende chinoise ».
En conclusion, nous vous invitons à lire ou relire : http://www.artistespourlapaix.org/signez-cette-lettre-contre-la-guerre-en-ukraine/
Avec notre estime pour le travail ardu et trop critiqué que vous accomplissez.
Jean-François Lisée écrit dans une chronique du 30 octobre au DEVOIR ce qui suit, qui semble un prolongement de notre inquiétude exprimée dans notre éditorial qui n’a pourtant pas circulé.
« Lorsque Justin Trudeau parle sérieusement, en ce cas précis de l’ingérence étrangère, cela donne une citation comme celle-ci : « Nous sommes un pays assez grand pour que la Chine ou l’Inde nous visent, mais trop petit pour que notre riposte leur cause un tort réel. Nous sommes proches des États-Unis, donc, en nous visant, ils leur envoient un message à eux, mais puisque nous n’avons pas la force de rétorsion des États-Unis, ils peuvent se permettre d’être plus agressifs envers nous. Des pays du monde entier l’ont compris à propos du Canada — nous avons cette glorieuse diaspora où les gens viennent de tous les coins du monde, mais cela donne aussi aux pays qui se sentent menacés par notre modèle, ou notre diversité, un levier pour influencer nos politiques. »
On lit ce constat lucide dans l’instructif ouvrage de Stephen Maher The Prince: The Turbulent Reign of Justin Trudeau (Simon & Shuster, 2024), qui mériterait, soit dit en passant, de trouver un éditeur francophone.
Il faut cependant faire un effort supplémentaire de lucidité pour se préparer, non aux prochaines campagnes d’influence venues de l’Inde, de la Chine ou de l’Iran, mais à celle qui les dépassera toutes — et qui nous pend au bout du nez. Elle viendra de notre voisin du Sud au moment de la prochaine élection fédérale.
« Bien que les craintes concernant l’ingérence du Parti communiste chinois dans les élections canadiennes soient tout à fait légitimes et doivent être abordées de manière appropriée, le défi beaucoup plus grand et plus immédiat à l’intégrité des élections canadiennes est l’influence souterraine des extrémistes d’extrême droite. » Cet avertissement a été lancé la semaine dernière dans un document d’analyse de 15 pages circulant dans les milieux libéraux (…).
Dans la description faite du futur assaut complètement prévisible, lorsqu’on y songe un instant, de la mouvance de Donald Trump. Une fois l’élection présidentielle passée, et même si Trump n’est pas élu — mais davantage encore s’il l’est —, la perspective d’aider Pierre Poilievre à débarrasser le Canada de son premier ministre woke et à le remplacer par un conservateur Trump compatible leur sera irrésistible.
L’auteur de l’analyse, Andrew Perez, un militant libéral qui fut notamment conseiller de la première ministre ontarienne Kathleen Wynne, rappelle combien les Américains conservateurs furent mobilisés en appui au convoi des camionneurs à Ottawa. Il note que plus de la moitié des dons au fonds d’aide au convoi provenaient d’Américains. Fox News et les autres médias de droite en ont fait des héros, l’inénarrable Tucker Carlson en tête.
Dans un discours prononcé à ce moment, Donald Trump avait applaudi les membres du convoi et condamné le gouvernement de « tyrans wokes », qui avait selon lui traité les manifestants « de manière pire que des trafiquants de drogue ou des assassins ». Lisant un texte écrit (donc, disons, réfléchi), il avait ajouté ceci : « Soit vous appuyez les camionneurs pacifiques, soit vous appuyez les fascistes de gauche. » Il parlait ainsi du gouvernement de Justin Trudeau.
Il n’a pas changé d’avis depuis. Dans le récent livre qu’il a publié pendant la campagne, il relaie la fausse rumeur voulant qu’en plus d’être un gauchiste, Trudeau est le fils de Fidel Castro.