Jocelyne Clarke présentait hier Granny Power au Cinéma du Parc rempli de mémés déchaînées assistant à Montréal à leur « un-convention » (on pourrait traduire par anti-convention-ELLES?) annuelle. Le chapitre de Montréal, fondé il y a 25 ans par Joan Hadrill, avait été le sujet de l’avant-dernier film intitulé les supermémés de Magnus Isaacson (hommage posthume 2013 des Artistes pour la Paix) qui avait dû en écarter hélas de nombreuses scènes tournées en anglais, puisqu’il avait reçu commande d’une télévision en langue française.
Sa veuve Jocelyne Clarke a eu la patience de rassembler pendant trois ans diverses scènes tournées en Colombie Britannique (à Victoria, berceau des Raging Grannies en 1987) ainsi qu’aux États-Unis à Tucson, en Arizona et principalement à New-York ; dans la métropole américaine, dix-huit activistes avaient été arrêtées pour avoir « troublé l’ordre public» en refusant d’évacuer le trottoir où elles protestaient contre un centre de recrutement militaire – cible naturelle dont le principal objet est à leurs yeux de les priver de leurs enfants ou petits-enfants envoyés en pâture dans les guerres coloniales de l’empire Bush. L’une des scènes les plus scandaleusement cocasses du film présente une militante de 92 ans hissée péniblement avec sa marchette par la force constabulaire dans un panier à salade. On suit donc les angoisses des protestataires à l’idée d’un procès, mais principalement leur détermination à aller jusqu’au sacrifice pour leur (notre) cause, jusqu’au moment où leur avocat jubile en leur annonçant leur victoire totale par acquittement de la cour criminelle (!).
Les Artistes pour la Paix avaient immensément apprécié le premier film les supermémés avec son personnage principal Marguerite Bilodeau, alors notre vice-présidente (c’est d’ailleurs son chapeau qui illustre le boîtier du nouveau film), mais quelle belle surprise que ce nouveau film car Jocelyne Clarke réussit, avec l’aide de la vive Tobi Elliott présente hier soir, à appuyer son propre documentaire sur une succession bien montée de témoignages articulés, dont les plus éclatants sont sans doute ceux de :
- Muriel Duckworth, célèbre pacifiste fêtant alors son centenaire d’activiste et mère de notre Artiste pour la Paix 2001, Martin, principal caméraman du film
- Phyllis Creighton, aussi membre de l’exécutif de Pugwash Canada
- la militante montréalaise Louise-Édith Hébert.
Le nouveau film a le mérite d’informer les spectateurs sur les grands dossiers trahis par nos gouvernements totalement décrochés de leur base démocratique, tant les dossiers écologiques que pacifistes : les protestations des mémés savent choisir leurs cibles, par exemple le premier ministre libéral en 2004, Paul Martin, pour l’inciter avec succès à rejeter le plan de bouclier anti-missile que Donald Rumsfeld, l’âme damnée de Bush, cherchait à faire endosser par le Canada; le sujet revient hélas à l’ordre du jour, comme on peut lire en notre article intitulé LE 6 JUIN INSPIRE GRANDEMENT NOS CHEFS D’ÉTAT car nos sénateurs vieillissants et vénaux mériteraient les assauts de l’idéalisme en colère des raging grannies. En cliquant ICI, on trouvera notre lettre au ministre de la Défense, l’Honorable Robert Nicholson.
Les mémés visent évidemment les attaques répétées des conservateurs contre le registre des armes à feu, leurs compressions en éducation (enquêtes et forums scientifiques) et en art (musées, subventions artistiques, Radio-Canada…), les réunions du G7 et le trio Harper-Calderon-Bush à Montebello (là où des policiers ont été pris en flagrant délit d’agir en agents provocateurs pour en vain enflammer la foule à vouloir commettre des actes de violence, avant de se faire démasquer par un service d’ordre syndiqué).
Les mémés déchaînées ont été photographiées nues, souillées par une substance évoquant le pétrole sale des sables bitumineux. Aucun sujet n’est tabou : banques et multinationales rapaces, usines d’armement, fracturation des gaz de schiste, réchauffement climatique et bien sûr l’armement nucléaire dont Joan Hadrill fait avec raison sa principale cible; semblables à cette religieuse de 83 ans, sister Megan Rice arrêtée l’an dernier dans une centrale nucléaire (voir http ://artistespourlapaix.org/?p=4963 ), on peut admirer les octogénaires du film faire du kayak au péril de leur vie dans le port de Vancouver en pagayant autour des sous-marins nucléaires américains pour les dénoncer !
Leurs informations toujours pertinentes et l’intelligence politique de choisir les sujets les plus déterminants pour notre avenir (contrairement à nos facultés de science politique qui devraient apprendre d’un tel engagement!) vont étonnamment de pair avec un humour et un sens de l’autodérision fabuleux de créativité. Sans doute le message à retenir de Louise-Édith Hébert, c’est que les mémés déchaînées agencent elles-mêmes leurs textes en rimes éloquentes et détonantes. Si elles ont bien conscience que leur travail ne plaira pas forcément à l’élite d’esthétisme artistique, en particulier musical ou poétique, elles et leur film revendiquent haut et fort un art collectif, voire communautaire, un art impar-fait de leur adhésion passionnée. Bref, LE FILM D’ÉTÉ À VOIR, une leçon d’engagement pour tous les pacifistes et pour nos jeunes d’écoles secondaires, de CEGEPS et d’universités, un film à montrer dans tous les festivals…
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