21 mars Quel sera le vote de la jeunesse le 7 avril prochain? Beaucoup moins de la moitié des inscrits chez les 18-44 ans avaient voté aux élections 2008! En 2012, le mot d’ordre provincial (seule exception en 30 ans d’existence chez les Artistes pour la Paix qui n’aiment pas faire des mots d’ordre) de ne voter NI pour les libéraux NI pour les caquistes avait pour but de bloquer les scandaleux projets de centrale nucléaire, de mines d’amiante et d’uranium (Plan Nord), de fracturation de schiste sans BAPE, de port méthanier à Lévis, de taxe santé à 200$ monstrueusement universelle et de hausse inique à 82% des frais de scolarité. Ces enjeux ont certes contribué à faire grimper la participation électorale des jeunes à près des 2/3 en 2012.
Démocratie en marches
Cette fois-ci en 2014, notre message voter, voter! est encore plus positif : car la campagne actuelle démontre par ses enjeux combien la Commission Charbonneau et les étudiants & artistes arborant le carré rouge du Printemps érable et unis par le manifeste Nous de Dominic Champagne – voir http://artistespourlapaix.org/?p=2987 – ont fait souffler sur la politique québécoise un grand souffle libérateur qu’on constate dans tous les partis. Comment d’abord ne pas être reconnaissants à Pauline Marois, Martine Ouellet, Daniel Breton et Scott MacKay d’avoir nettoyé ce gâchis libéral?
Ayons la largeur d’esprit de reconnaître que le seul discours sur l’éducation de Philippe Couillard possédait davantage de substance que tous les sparages électoralistes en huit ans de Charest! Dommage que ses recrues libérales soient des messieurs dans la soixantaine (comme moi), signe inquiétant de marasme qui n’a jamais remplacé les regrettées Yolande James et Fatima Houda-Pépin, au discours anti-intégriste indispensable: imaginez si le chef disparaissait, le manque de profondeur de l’équipe libérale ramènerait la même gang des Moreau-Dutil-Fournier-etc. pour sévir à notre détriment!
François Legault a beau chanter le fleuve Saint-Laurent, aucune jeune recrue ne vient renouveler ce parti anti-syndicaliste. Par contre, sa position modérée sur la Charte trouve l’assentiment des Gilles Duceppe, Bernard Landry et Jacques Parizeau. Malgré mon farouche féminisme, je suis d’accord avec Françoise David et Amir Khadir que l’interdiction du voile n’améliorerait pas l’égalité souhaitée : c’est pourquoi je favorise leur réélection au détriment des Sylvie Legault et Louise Mailloux. Le contexte nord-américain ne se prête hélas pas au laïcisme jacobin qui risque d’être perçu comme une brimade. Voudrions-nous d’un Québec bashing, à cause de son avant-gardisme, alors qu’il lutterait pour naître?
Les trois partis Option Nationale, Parti Vert et Québec Solidaire recueillent une bonne part des jeunes adhésions idéalistes, tant en électeurs qu’en candidatures (ne vous contentez pas d’admirer la photo de Natalia Porowska, candidate Québec Solidaire aux Îles-de-la-Madeleine, allez consulter son CV impressionnant avec ses diplômes de Concordia et de l’Université de Sherbrooke en environnement!). Quant au Parti Québécois, il continue de se renouveler avec notamment la grande leader étudiante Martine Desjardins, la journaliste Dominique Payette, l’actrice Sophie Stanké et notre amie, la dynamique metteure en scène Lorraine Pintal.
Enfin, si la palme des pourcentages des candidatures de femmes revient à Québec Solidaire (63 sur 125), le Parti Québécois avec au moins 44 candidates suit pas loin derrière, en tout cas loin devant tous leurs rivaux.
PKP fait irruption
Fort de l’amitié de nombreux artistes québécois et de l’appui désintéressé de son ex-femme Julie Snyder, Pierre-Karl Péladeau a mis son poids lourd déterminé et déterminant dans la balance d’un engagement politique. Jusqu’à présent, le nationalisme restait l’otage des historiens, poètes, chansonniers, enseignants et syndicalistes et je me souviens de l’arrivée du fonctionnaire économiste Jacques Parizeau au Mouvement Souveraineté-Association qui avait eu l’effet d’un pareil coup de tonnerre! Voici le projet souverainiste maintenant porté par un candidat exceptionnel, non seulement par son succès en vraies affaires.
Souvenons-nous qu’il a profité de la fragile tendresse maternelle de la cultivée Raymonde Chopin et de la robuste et dynamique fierté paternelle, qu’il a appris la dialectique à l’UQAM et que ses séjours à Paris l’ont paradoxalement remis en face de ses racines québécoises (Pierre me parlait de cette distance qui lui faisait de la peine mais ne le désespérait nullement, car il avait confiance de renouer avec ce fils moins obéissant qu’Éric). Cette éducation lui a fait accéder à une pensée claire qui s’exprime en un discours simple et direct, porté par une maîtrise de la langue française, cet outil intellectuel au service d’une prestance naturelle qu’il n’est pas exagéré de qualifier de charisme. PKP affirme faire sienne la maxime de Bernard Landry, celle de privilégier la marche en avant aux manœuvres à gauche ou à droite. Son âge lui offre une énergie au faîte de sa puissance, décuplée par le choc de la mort de sa sœur Isabelle, qui lui a rappelé sa propre mortalité.
Trois reproches immérités
1- Le Canada anglais réagit en s’égosillant d’invectives primaires, reflets du profond mépris dans lequel le ROC tient hélas notre culture. Certes, le gala de l’écran canadien vient de récompenser une majorité de Québécois, mais en les sélectionnant symboliquement : un Gabriel Arcand en vieux fermier rétrograde forcé de vendre à rabais la propriété familiale traditionnelle, l’attendrissante Gabrielle, le réalisateur Denis Villeneuve auréolé de la consécration américaine de ses films intitulés Prisoners et Enemy : cela ne s’invente pas!
2- L’accueillant d’abord en sauveur de la démocratie (enfin, un homme d’affaires parmi les plus puissants qui ne méprise pas la politique!), son adversaire libéral s’est ravisé un jour plus tard voulant forcer ce patron d’empire médiatique à tout vendre avant d’exercer son nouveau métier. Jouissant de l’appui constant depuis un demi-siècle de Desmarais Power Corporation, le parti libéral ne devrait-il pas se garder une petite gêne avant de lancer de telles accusations d’influence médiatique? Et puis-je conseiller au radio-canadien et président de la Fédération professionnelle des Journalistes Pierre Craig (dont j’ai été chef scout!) de réserver ses cris d’alarme démocrate à son ultime patron, le premier ministre du Canada à propos duquel notre site énumère une quantité de sujets plus qu’inquiétants?
3- PKP anti-syndicaliste? À l’époque où je suis devenu son ami en 1974, on faisait le même reproche à son père, homme à femmes peu préoccupé de ses employés qu’il pressait de rentabiliser ses journaux jaunes. Avec les Alcooliques Anonymes et l’influence des artistes dont il aimait s’entourer, avec sa riche expérience d’aide aux mourants, Pierre a vite mûri vers une attitude respectueuse de ses syndiqués à qui il accorda les meilleurs contrats de la profession tout en exigeant d’eux bien des qualités. Lorsqu’ils furent rejoints dans leur polyvalence par leurs collègues des autres médias, Pierre-Karl a remis en question leur supériorité salariale à coups de lock-out qui échappaient aux lois provinciales, vu la juridiction fédérale des communications : nous avons appuyé les excellents journalistes de Rue Frontenac, qui donnaient une information infiniment plus variée et diversifiée que les médias corsetés de PKP qui ont toujours censuré les opinions de gauche et les positions politiques des Artistes pour la Paix: tant pis pour lui, car la campagne de son parti pourrait bien s’en trouver affectée. Posons-nous tout de même la question pragmatique suivante: Québecor aurait-elle survécu comme entreprise, si PKP avait été nostalgique de l’époque des imprimeries?
Enfin, la photo suivante témoigne d’une des dernières apparitions du premier ministre René Lévesque sous la tente de Pierre Péladeau dans sa cour à Ste-Marguerite. On m’y voit avec la pianiste Kuo-Yuan Lee, tous deux attablés après avoir joué Beethoven, encadrés à l’extrême-gauche par Pierre-Karl et à l’extrême-droite par la regrettée Isabelle, devant son frère Éric et sa sœur Anne-Marie.
Avec les Andrée Ferretti, Marc Laviolette et Pierre Dubuc de ma génération, on rêve d’un Québec qui s’affirme enfin! Contrairement à eux, je ne souhaite pas la séparation pure et dure, mais au moins une égalité respectée dans un fédéralisme renouvelé dont on dicterait enfin les balises, quitte à proclamer d’abord l’indépendance, si nécessaire. Malgré son âge et son parti-pris pro-américain, Brian Mulroney serait sans doute utile dans la longue opération nécessaire à calmer les ardeurs guerrières d’un Stephen Harper qui ne comprendrait rien à un tel réalignement d’affirmation nationale.
Je réitère mon message aux jeunes : votez, et si les vieux partis vous semblent irrémédiablement pourris, d’autres dans votre comté sauraient répondre à vos aspirations. En conclusion, quoi de plus jeune et actuel que la parole de mon vieil ami poète qui célèbre ses 85 ans, Fernand Ouellette à qui j’ai rendu visite hier : « Ce dont un peuple a réellement faim, il n’en est pas conscient. Comment se sentirait-il vraiment aliéné? C’est notre tâche la plus urgente de l’éveiller à sa faim véritable. Il a faim de connaissance. Il a faim de fierté. Il a faim d’identité. (…) Le Québec deviendra l’image qu’il se fait de lui-même. »
Pierre Jasmin
Artiste pour la paix et professeur titulaire à l’UQAM
cet article reprend une opinion émise et publiée il y a une semaine par l’Aut’Journal; il suit une réunion de notre exécutif qui lui a donné son feu vert
Intéressant article. Merci Pierre !
toujours d’actualité