Le 7 avril 2014, nous avons reçu les mots suivants de la part du président de la Commission, M. Serge Ménard:
Cher monsieur Jasmin, personnellement et au nom de mes collègues membres de la commission, je tiens à vous remercier chaleureusement pour votre contribution aux travaux de notre Commission. Votre témoignage volontaire a enrichi notre réflexion sur les événements qui se sont déroulés lors du printemps 2012, un printemps allongé et intense. Vous avez cru comme nous qu’il fallait tirer les leçons de ces événements exceptionnels sans chercher à condamner ni à juger quiconque mais dans le but de mieux préparer l’avenir. Nous avons beaucoup apprécié notre rencontre du 9 octobre à laquelle vous êtes venu remarquablement préparé. Votre témoignage public le 21 octobre fut également très éclairant. Notre rapport a été déposé auprès du ministre de la Sécurité publique le 31 mars dernier tel que prévu aux décrets qui ont créé la Commission. En vertu des mêmes décrets, le ministre doit le rendre public dans un délai de 45 jours. Vous pourrez y avoir accès par internet en passant par le site du Ministère de la Sécurité publique. Dans le contexte difficile où notre Commission a vu le jour, votre collaboration mérite des félicitations autant que notre gratitude.
Veuillez agréer, monsieur Jasmin, l’expression sincère de notre reconnaissance.
On peut depuis le 15 mai consulter le rapport dont on peut déplorer la réception inacceptable du gouvernement libéral qui ne veut pas en tirer de leçons
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Rapport de la Commission spéciale d’examen des événements du …
Le témoignage du vice-président des Artistes pour la Paix datant de l’automne 2013 comprenait 4 volets : un spécifique sur les étudiantEs de l’UQAM, un second sur les failles démocratiques quant à l’écologie ayant précédé 2012; la crise du printemps érable faisait l’objet d’une rétrospective chronologique illustrant notamment l’engagement des artistes, suivie d’un volet sur les brutalités policières.
On peut voir ce témoignage télévisé sur le site de la Commission du printemps 2012.
1- Nos étudiants à l’UQAM
Dès le début de la session d’hiver 2012, à l’instar de mes collègues du Syndicat des Professeurs de l’UQAM affilié à la CSN et à la Fédération québécoise des ProfesseurEs d’Universités, je fus entièrement solidaire de nos étudiantEs attaqués par l’injuste hausse de 75% des frais de scolarité. Décrétée par le gouvernement libéral du premier ministre Jean Charest, la hausse renchérissait sur une augmentation de 30% depuis 2007. Pendant des mois, la ministre de l’Éducation Line Beauchamp, qui avait pourtant déjeuné aimablement avec des représentants de la mafia (à son insu, a-t-elle protesté), a refusé de simplement rencontrer les représentants des différentes associations étudiantes, se rendant ainsi responsable du seul recours qui leur restait, c’est-à-dire la grève et la rue pour exprimer leurs revendications. D’ailleurs, un des slogans pathétiques les plus entonnés fut : « cri-ons, plus fort, pour que personne ne nous ignore»! Discréditée, la ministre a démissionné, remplacée par Michèle Courchesne, à l’entourage compromis par la corruption lavalloise.
Devant un gouvernement qui refusait de les entendre, nos étudiants ont eu le courage de faire la grève, pas un boycott comme on a tenté de le faire croire. Je dis courage, car nos étudiants à l’UQAM, plus que leurs confrères et consoeurs de McGill, Bishop’s et Laval, vivent des situations d’extrême pauvreté : réussir leurs études dépend souvent d’un job qui les accapare jusqu’à une quarantaine d’heures/semaine risquant en outre de les mettre dans une catégorie où ils auraient eu à payer la prime libérale de 200$ toutes classes confondues pour l’assurance-santé. S’est rappelée à mon esprit, en me téléphonant cette semaine, une ancienne étudiante, mère célibataire haïtienne, que j’avais aidée avec un 50$ en désespoir de cause pour qu’elle engage une gardienne afin de faire face à un examen crucial, qu’elle a réussi : graduée depuis quelques années, elle travaille dans une école et dirige une belle chorale multi-ethnique. Faire la grève a fortement pénalisé nos étudiantEs en reportant leur graduation, en supprimant leur brève session de juin-juillet et en comprimant à l’extrême les deux sessions universitaires d’hiver et d’automne 2012, au péril de leur formation et surtout de leur équilibre précaire travail-études, puisque leur travail d’été souvent nécessaire a parfois été compromis.
Notre société néo-libérale a la lâcheté d’interpréter les revendications des pauvres comme procédant d’une envie envers les riches : cela lui permet d’ignorer la détresse qu’on côtoie tous les jours au centre-ville, avec des itinérants, souvent très jeunes, qui n’ont pas d’autre choix que de venir se laver dans nos toilettes de l’UQAM. Cela lui permet aussi d’ignorer les monstrueuses disparités, par exemple entre McGill et l’UQAM, dont elle n’était pas informée par M. Claude Corbo, le moins bien payé et de loin des recteurs de Montréal, qui cherchait plutôt à séduire les autorités par les excellents résultats en recherche-création de nos étudiantEs et professeurs. Voici quelques chiffres qui témoignent de cette disparité affectant nos étudiantEs, qui ne sont donc pas par hasard les plus militants au Québec.
Plus de la moitié des étudiantEs québécoisES sont des « premières générations » à atteindre le niveau universitaire, comme je le fus moi-même, mais à mon époque c’était la normalité. Si pour les Universités du Québec, le taux de premières générations monte jusqu’à 72%, il baisse à 40% aux universités de Montréal et Laval et à 20% à l’Université McGill qui reçoit donc 80% d’étudiantEs qui ont grandi dans des maisons équipées d’ordinateurs et de bibliothèques, avec un ou deux parents capables intellectuellement de les aider dans leurs devoirs du secondaire et du Cegep, sans doute capables financièrement de les inscrire à des cours privés et à des activités parascolaires et de payer l’augmentation effrénée de leurs frais afférents. Et ces élites se retrouvent dans une université aux installations sportives et culturelles incomparables : par exemple, les étudiants en musique de McGill sont assistés par une équipe de douze à quinze personnes à temps plein en charge de quatre grandes salles de concert. Pour une population étudiante seulement deux fois moindre, le département de musique de l’UQAM n’a qu’une personne à mi-temps de septembre à avril pour organiser ses concerts et leur publicité, alors que le Centre Pierre-Péladeau leur est peu accessible. Incidemment j’avais persuadé mon ami Pierre d’accorder un million de $ à sa construction, en lui révélant la pauvreté de nos étudiants peu gâtés par les Redpath, Pollack et éventuellement Schulich : « l’Est de Montréal va enfin avoir une autre salle de concert que celle du Plateau », s’était enorgueilli le coloré philanthrope.
Le stade McGill a joui de subventions pour s’agrandir et son équipe de football universitaire d’un appui sans comparaison avec sa médiocrité et ses scandales d’initiation. Serait-ce pour éviter la possibilité d’un rattrapage que la rectrice sortante de McGill, connue pour ses voyages de première classe en avion, son salaire princier avec ses subventions de logement, avait l’an dernier qualifié le Sommet de l’éducation du ministre Pierre Duchesne de « farce », pour ensuite changer son appréciation en cours de route? Avait-elle craint que le Parti Québécois remette en question la différence scandaleuse de traitement entre l’UQAM où je suis prof et McGill dont j’avais reçu la médaille d’or du ministre de l’Éducation en 1970, ceci dit pour me targuer d’une objectivité non envieuse? Pas de danger : qu’a fait pour l’UQAM Bernard Landry au pouvoir? Très peu, de crainte qu’on le blâme de favoritisme parce qu’il y enseignait. Charest et Pierre Reid, eux, ne se sont pas gênés pour couvrir l’Université de Sherbrooke de subventions qui ont contribué à la construction de son absurde pavillon à Longueuil. L’UQAM peine à recueillir les sommes nécessaires à l’achat de souliers de soccer – j’ai écrit cela il y a trois semaines, sans savoir que l’Impact dont un des entraîneurs est un ancien footballeur de l’UQAM offrirait une surface synthétique pour notre équipe de soccer -. Néanmoins, l’UQAM peut seulement rêver, à moins de rattrapage gouvernemental draconien, posséder un jour la capacité financière de présenter une équipe de hockey ou de football, qui n’aurait de toute façon, comme notre équipe de soccer, ni stade ni patinoire où pratiquer et s’exécuter devant des foules payantes.
Alors nos étudiants ont trouvé un autre moyen de faire de l’exercice, en marchant des kilomètres dans des manifestations : j’en ai eu des ampoules aux pieds! En plus de leur opposition à la hausse qui les aurait forcés à abandonner l’université, les grévistes étudiants à l’UQAM protestaient contre les pièges tendus par l’administration répressive de l’ex-recteur Corbo et par la fausse démocratie des Libéraux prétendant qu’ils avaient refusé de participer à leur commission bidon. La réaction vitale des étudiants en général fut alimentée par leur opposition à la dérive marchande utilitariste de la société, – qui aurait voulu les reléguer en « clientèles » à programmes dictés par une vision économique comptable – et par une conscience internationale bien informée des nouvelles réalités sociales mondiales, celle que décrivent avec lyrisme le poète Paul Chamberland et le professeur-chercheur Hervé Fischer. Nouveau membre du Conseil d’Administration des APLP, ce dernier l’a décrite dans ses deux conférences au congrès des Sciences Sociales la semaine dernière, comme « une conscience planétaire augmentée, (…) un hyper-humanisme basé sur des hyperliens, l’idée qu’il y a un futur, un progrès humain, une possibilité de créer une éthique planétaire. Si le numérique est un instrument de néo-impérialisme, il est aussi un instrument de solidarité, qui convoque et rassemble les manifestants ».
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2- L’environnement, les Artistes pour la Paix et le parti libéral
Aujourd’hui, c’est à titre de vice-président des Artistes pour la Paix que je témoigne. En deux mots, notre collectif est né de l’association internationale Performing Artists for Nuclear Disarmament, présidée par Liv Ullman et Harry Belafonte en 1983. Le mouvement international s’est rapidement éteint mais l’aile québécoise a continué, sans aucune subvention, à produire pétitions, enquêtes populaires et commissions s’adressant au gouvernement fédéral en opposition à la guerre et à l’OTAN, en solidarité avec l’ONU, l’UNESCO et l’UNICEF et en faveur d’initiatives telles le Rapport Brundtland de 1986 Notre avenir à tous jusqu’au Traité du Commerce des Armes adopté par l’ONU cet été : voir nos quatre lettres récentes au ministre des Affaires étrangères du Canada sur notre site www.artistespourlapaix.org.
Alors pourquoi avons-nous décidé de rompre notre tradition vieille de 28 ans de ne pas nous impliquer en politique provinciale, pour donner en 2012 le mot d’ordre électoral exceptionnel à nos membres et amis de battre les Libéraux et de ne pas voter CAQ? Notre conseil d’administration de treize personnes n’a pas décidé cela du jour au lendemain, car nous prenons au sérieux notre engagement pour la paix et la justice sociale qui, depuis une vingtaine d’années, s’additionne de militantisme écologiste. Aux côtés des étudiants et collègues uqamiens tels feu Pierre Dansereau, Louise Vandelac, Lucie Sauvé et Donna Mergler, les APLP ont travaillé sept grands dossiers écologiques :
1- celui de la paix de la nature fragilisée du grand Nord, au pergélisol attaqué par le réchauffement climatique que ni Charest ni Harper ne veulent voir, obnubilés par les signes de dollars qui émanent des compagnies minières désirant exploiter le pétrole dans l’Arctique et l’uranium dans les monts Otish. Écoutez le rap solidaire des Cris de Samian sur le plan Nord ;
2- le projet de multinationales d’accaparer les services d’eau privatisés a vu Hélène Pedneault et Richard Séguin, président d’honneur des APLP, unir leurs efforts le 25 février 1997 pour un spectacle (j’étais au piano) qui a fait naître la coalition Eau Secours dirigée successivement par André Bouthillier puis Martine Ouellet, actuelle ministre des Ressources Naturelles ;
3- le parc national Orford auquel un collègue uqamien, Jacques Saint-Pierre, avait donné une partie de ses terres boisées, a vu Charest vouloir en privatiser une partie, acculant ainsi son ministre de l’Environnement Thomas Mulcair à la démission. Richard a donné des spectacles-bénéfices de 2006 à 2010 pour rallier la population à la cause, malgré la censure d’éditorialistes sans scrupules alliés de Charest. D’ailleurs, si vous ne connaissiez pas notre association avant mon témoignage, c’est sans doute parce que vous êtes vous-même victimes de cette censure exercée à notre encontre ;
4- le projet d’implantation à Lévis du terminal Rabaska de gaz naturel a fait l’objet d’un film de l’APLP 2002 Martin Duckworth et de Magnus Isaacson à qui nous avons rendu un hommage posthume le 14 février dernier; le film dénonçait en 2008 l’alimentation prévue de Rabaska par des tankers russes manoeuvrant dangereusement dans un goulot d’étranglement du St-Laurent, situation dénoncée par une de nos sommités, Frédéric Back, gagnant de deux Oscars et réalisateur il y a vingt ans du film Le fleuve aux grandes eaux. Le ministre de l’Environnement vient de tirer la plogue, malgré les cris d’hommes d’affaires, sur cette horreur méthanière ;
5- en fin d’après-midi un vendredi, le 29 juin 2012, Charest prend la décision irresponsable et électoraliste d’émettre un chèque de 58 millions $ aux mines Jeffrey pour investir dans l’amiante, produit cancérigène qui de 1999 à 2008, a causé 70% de toutes les morts causées par des maladies liées au travail au Québec et qui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, est responsable de 107 000 morts par année, ce que nos lettres dénoncent ;
6- nos manifestations contre l’exploitation des gaz de schiste par le procédé dangereux pour nos nappes phréatiques de la fracturation à l’aide de produits chimiques non identifiés précèdent la crise étudiante de quelques mois ;
7- enfin, le 6 février 2008, nous avions organisé à l’UQAM un colloque sur les écocides avec trois sommités collègues de Pugwash, dont un professeur émérite en physique de l’Université de Toronto. Le docteur Éric Notebaert y dévoilait les résultats d’une enquête allemande exhaustive révélant un taux anormal de leucémies chez les enfants habitant non loin des centrales nucléaires. Ma lettre du 12 août 2008 [j’ouvre les guillemets] « en appelle au nom des Artistes pour la Paix aux élus de l’Assemblée nationale pour qu’ils s’assurent de la tenue d’un débat public sur l’avenir de la centrale nucléaire de Gentilly-2 et du nucléaire au Québec » : aucune réponse du premier ministre, qui traitera les étudiants avec le même silence méprisant tout au long de l’hiver 2011-2012; lors d’une conférence de presse, nous rassemblons Diane Dufresne, Laure Waridel, Martin Petit et des écologistes comme Karel Mayrand, Gordon Edwards et Michel Duguay; le documentaire Gentilly or not to be, qui vient de gagner deux Gémeaux, entre autres pour le sérieux de sa documentation, a vu sa sortie retardée pour ne pas nuire à l’élection de notables régionaux, qui ont battu Jean-Martin Aussant et Djemila Benhabib. Ce film tourné par Éric Ruel et notre nouvelle présidente, Guylaine Maroist, a nécessité cinq années de travail.
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3- Le printemps érable vécu par les étudiants et les Artistes pour la Paix
Les étudiants, eux, n’ont pas cinq années devant eux, quand ils sont nommés comme Martine Desjardins, Léo Bureau-Blouin, Gabriel Nadeau-Dubois et Jeanne Reynolds à la tête de leurs organisations respectives et ils n’ont pas nos relations pour mobiliser des vedettes qui attirent les médias. Nous serons immédiatement solidaires des étudiantEs dès la première manifestation-monstre du 22 mars en écrivant sur notre site, :[j’ouvre les guillemets] « nous félicitons les artistes de L’HAUSSE-TIE-D’SHOW, qui sous les encouragements de Paul Ahmarani, Jacques L’Heureux et Dan Bigras, APLP 2007 [bien au courant des problèmes d’itinérance], ont défilé gra-tui-te-ment, comme l’éducation devrait être : les Zapartistes, Manu Militari, Paul Piché, Michel Rivard, Martin Léon, Louis-Jean Cormier, David Marin (avec les mots de Gaston Miron) et Chloé Sainte-Marie, APLP 2009 [et championne de la cause des proches aidants], ont animé le Métropolis, pendant qu’un autre spectacle gratuit de la scène alternative montréalaise en appui aux étudiants se tenait au Théâtre National intitulé le show des pas d’classe. Cette protestation des artistes était un coup de cœur pour les étudiantEs et un haut le cœur devant des gouvernements qui ont déclaré la guerre au peuple ordinaire et à la nature, avec la complicité d’hommes d’affaires sans scrupules. » Fin de cette citation sur notre site.
Le 12 avril, à ma lettre qui s’indigne de son injonction contre les étudiantEs, le recteur Corbo répond qu’elle « vise à assurer la sécurité des personnes et la protection des biens », ce à quoi je réponds immédiatement:
Monsieur le recteur,
vous remerciant de votre lettre, je la trouve inutile puisqu’en tant que pacifiste convaincu, je comprends évidemment cette partie de votre intervention. Je la comprends d’autant mieux que habitant Magog et me rendant pour mon travail à Montréal en autobus, je le partage avec une agente de sécurité de l’UQAM qui a été agressée par un des éléments perturbateurs qui se mêlèrent à certains étudiants mal inspirés pour commettre du vandalisme ou ce genre d’agressions. Son patron a eu « la générosité » de lui accorder un jour de congé, alors qu’elle souffrait encore des conséquences de cette agression. Ce que je ne comprends toujours pas [suit une phrase de 17 lignes], c’est tout le processus autoritaire qui vous a mené à cet affrontement auquel on assiste présentement entre d’une part des élites mortifères discréditées, notre ancienne directrice de la gestion des ressources, Françoise Bertrand, qui invite à la Chambre de Commerce de Montréal le criminel de guerre George W. Bush huit mois après l’entrée en fonction du président Obama, Sun Life Financial Canada avec votre présidente de C.A. Isabelle Hudon qui finance Lockheed Martin et Northrop Grumman constructeurs des bombes atomiques américaines, des drones armés qui tuent au Pakistan et des F-35 à 45 milliards de $ que le ministre canadien de la Défense veut nous imposer [les APLP avaient demandé sa démission] et un gouvernement libéral dirigé par un ancien conservateur militariste qui défend la centrale nucléaire de Gentilly 2 (à cause des contrats de béton d’entrepreneurs véreux?) [je signale au lecteur que c’est écrit avant les révélations sur Tony Accurso et Michel Arsenault] et d’autre part, des étudiants et artistes qui cherchent par les moyens de leurs chants, de leur art, de leurs pétitions ou manifestations à vous ouvrir les yeux pour que vous vous dissociez publiquement de l’alliance funeste qui vous lie aux ennemis du bien commun. Je ne reconnais plus Claude pour qui j’ai voté comme recteur et avec qui j’ai travaillé pour faire grandir l’UQAM et cela m’attriste infiniment. Voilà, en cinq minutes, ce que je vous écris simplement avant de quitter ma maison pour l’UQAM et pour Radio Ville-Marie où je participe à un souper en l’honneur du directeur démissionnaire Jean-Guy Roy, frère du Sacré-Coeur et pacifiste convaincu.»
Le 19 avril, j’écris à la CLASSE, après quoi je porterai le carré blanc à côté de mon carré rouge : « Étudiants, étudiantes, manifestez sans vandalisme svp: le Québec n’a pas les moyens de réparer les dégâts et quand on a une bonne cause, la raison doit rejeter la violence. Camus disait: « À partir du moment où un opprimé prend les armes au nom de la justice, il met un pied dans le camp de l’injustice« . Au nom de la paix sociale au Québec, puis-je respectueusement et humblement vous conseiller, vous conjurer même, d’accepter l’invitation de la ministre et de condamner toute violence, tant de la part des policiers et gardes de sécurité engagés par les institutions d’enseignement que de la part de manifestants mal inspirés? Chers amis, le gouvernement libéral et la ministre Beauchamp qui s’appuient sur la violence mortifère des forces de l’argent n’en ont probablement plus pour longtemps, le recteur Corbo non plus. Si leur arme de judiciarisation est condamnée par les professeurs (Fédération Québécoise des Professeurs d’Universités) et nos amiEs des droits de la personne, une révolution n’arrivera toutefois ni demain ni après-demain : le changement se fera par les urnes, le Parti Québécois et Québec Solidaire ayant promis qu’ils n’appliqueraient pas la hausse décrétée par le parti libéral. C’est donc politiquement qu’il faut travailler. Vous représentez les forces de la vie, avec qui nous bâtirons d’ailleurs nos célébrations du Jour de la Terre dimanche, aux côtés de Dominic Champagne et de Frédéric Back. » Fin de l’extrait.
Car le 14 février 2012, nous avions nommé « artiste pour la paix de l’année » le metteur en scène et militant anti gaz de schiste Dominic Champagne, qui rend alors public devant les caméras de télévision son célèbre appel intitulé « NOUS… ». Et le 22 avril sur la montagne, un quart de million de personnes se joignent aux Gilles Vigneault, Fred Pellerin, Mes Aïeux, Lise Leblanc etc. et à Frédéric Back qui plante un arbre symbolique. S’ensuit la colère de la ministre Saint-Pierre à l’intention de qui nous adressons la lettre mordante mais justifiée que nous vous avons transmise.
Malgré l’insensibilité libérale, nous avons multiplié de façon responsable les appels équilibrés à la non-violence, notamment lorsque j’ai aidé à organiser la jonction entre une conférence de presse des professeurs de cegeps et d’universités rassemblés le 4 mai au Pavillon Judith-Jasmin pour proclamer notre solidarité avec les étudiantEs et une dénonciation des brutalités policières par la Ligue des Droits et Libertés, avec deux victimes présentées à la presse. Ce matin-là, j’ai exhorté Gabriel Nadeau-Dubois, présent, à se souvenir de notre appel au compromis avant son départ pour Québec où on l’invitait finalement à négocier, alors que depuis le 10 novembre 2011, pourtant porte-parole de près de deux cent mille étudiants, il était resté persona non grata: je serai très heureux de son digne appel au calme le même soir – hélas, celui des violents événements de Victoriaville – et de son appui le lendemain, après une longue nuit de négociations, au compromis que les étudiantEs croiront emprunter de bonne foi pour régler la crise. Quelle déception de voir la partie gouvernementale rendre ensuite l’entente inopérante en la modifiant, en ignorant des ententes verbales et en humiliant sur la place publique la position étudiante modérée, avec des interprétations triomphalistes déplacées du premier ministre et de sa ministre de l’Éducation : elle fut forcée à la démission par les assemblées syndicales étudiantes qui s’ensuivirent et leur compréhensible répudiation du compromis.
Charest joua alors sa carte la plus répugnante, son projet de loi 78 (loi 12), condamné par Amnistie internationale, les juristes dans la rue en uniformes noirs avec leurs cols blancs et un observateur de l’ONU. Nous avions, pour influencer Jean Chrétien, pris la rue aux côtés de l’ONU contre la guerre d’Irak déclenchée par Bush et Blair. Les clauses de la loi répressive n’ont donc pas empêché les APLP et leur banderole de manifester avec les grévistes étudiants jusqu’au 22 juin, de mettre sur notre site les chansons-clips de Damien Robitaille sur les casseroles et celle d’Ariane Moffat (qui a été brièvement étudiante en musique à l’UQAM) : « je m’oppose à cette loi-spéciale ». Nous serons consternés par la multiplication de règlements tatillons tel le Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics, et sur l’utilisation du domaine public (P-6) du futur maire démissionnaire Gérald Tremblay, présenté en mai 2012 après la loi 12, contrevenant tous deux à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. Et signe de notre solidarité historique avec les carrés rouges, les APLP ont le 14 février dernier rendu hommage à l’École de la Montagne Rouge, issue de l’École de Design UQAM : elle a pondu nombre des slogans et symboles imaginatifs du printemps érable et vient de gagner un prix Forces-Avenir.
Romantisme nihiliste ou anarchiste d’artistes contestataires? Con-tester veut dire témoigner avec. Les documents sur la crise se partagent en d’une part des albums de photos rendant compte du lyrisme des artistes et des rêves des manifestants et d’autre part, des analyses idéologiques doctrinaires et intellectuelles qui évacuent la première dimension jugée irrationnelle, celle que je présente devant vous, mais avec un pragmatisme inspiré par les Victor Hugo et Émile Zola, indignés par l’aveuglement de gouvernements corrompus. Preuve de ce pragmatisme ? En février dernier, j’ai affronté seul une réunion syndicale des étudiants en art à l’UQAM, plus de cinq cents étudiants, ceux qui avaient démarré l’année précédente la contestation, et je suis allé au micro pour les dissuader de faire la grève. C’est ce vers quoi, sans fanatisme intolérant, – comme ont accusé certains -, par les simples leviers de la démocratie étudiante, leur exécutif tentait de les influencer en dénonçant le Sommet sur l’éducation, une ouverture démocratique à laquelle ils avaient, selon moi à tort, refusé de participer : trois étudiants sont venus m’indiquer que mon intervention avait probablement orienté le vote refusant la grève qui s’est pris cet après-midi-là à faible majorité.
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4- Brutalités policières
Sur le sujet des brutalités policières, je tiens à vous dire d’entrée de jeu que les grandes manifestations auxquelles j’ai participé furent non seulement exemptes de violence policière, mais au contraire, soumises à un encadrement policier exemplaire. Lors d’une occasion, nous avions suivi, distraits par l’ampleur de la foule, une voie non déclarée préalablement empruntée par une partie des manifestants : les policiers ont improvisé efficacement notre protection envers des automobilistes rentrant du travail, impatients de se voir immobilisés de longues minutes. En somme, notre expérience de manifestant nourrit notre conviction que le comportement policier a été, pendant le printemps érable, à l’image du comportement des manifestants, c’est-à-dire presque irréprochable. Mais si nous sommes ici aujourd’hui, c’est que des brutalités ont été commises de part et d’autre, le fait de 0 à deux pour cent environ des policiers, comme des manifestants, et ce dans de plus petites manifs nocturnes ou à celle de Victoriaville, où des pacifistes locaux sont intervenus le lendemain pour pacifier une nouvelle manif qui s’organisait.
Si les policiers doivent respecter les manifestants dans leurs libertés et leurs droits d’utiliser la résistance passive et la désobéissance civile (sit-ins, blocages d’accès à des locaux dans la mesure où la sortie, elle, n’est pas bloquée, vu les risques d’incendies), il serait à mes yeux en contrepartie primordial que les policiers aient le droit de fouiller, d’arrêter, de ficher et de détenir pendant la durée de la manifestation (et davantage, s’ils ont été pris en flagrant délit de vandalisme) les manifestants en frange du Black Block, ceux équipés de signes ostentatoires multiples, tels casques de motos à visière, masques à gaz, poings américains, sacs contenant boules de billard à lancer dans des vitrines et même des cocktails Molotov. Car manifester comporte aussi des responsabilités, que ne peuvent hélas pas assumer les services d’ordre des contestataires, trop peu équipés pour faire ce travail pourtant indispensable. Alors si on n’accorde pas cette permission aux policiers, les autorités mues par des tendances répressives, comme les Libéraux de Charest, muniront nos policiers d’équipements empruntés aux militaires : escouades équipées de boucliers, bottes, guêtres, uniformes rigidifiés et casques avec visière opaque, de style Star Wars ou Iron Man, puis l’escalade des longues matraques, du poivre de Cayenne en jets comprimés, jusqu’à des hélicoptères en rase-motte, des véhicules blindés munis de lances à eau, des projectiles de plastique, des grenades lacrymogènes ou assourdissantes souvent projetées avec inconscience sur la tête des manifestants. De tels instruments répressifs n’ont hélas pour effets que de durcir la perception des manifestants et d’accroître leur agressivité, comme on le constate dans les manifs étudiantes au Chili.
Parmi les 3387 arrestations effectuées du 16 février au 3 septembre 2012 (statistiques compilées par mon collègue uqamien Francis Dupuis-Déri), combien y a-t-il eu de réels coupables ? Quelle proportion à déterminer de ces manifestants qui encombre nos tribunaux à grands frais publics était pacifique, à la manière d’Anarchopanda qui donnait des câlins à la police, mais accusée à cause du recours à des tactiques d’encerclement de masse? Si l’irritation policière est certes compréhensible au su de leur surcharge de travail pendant ces trois mois et demi (par ailleurs rémunérée en heures supplémentaires), combien peu d’entre eux ont été accusés pour les violences inacceptables diffusées à la TV, par exemple sur le document « les années contestation » que je vous prête volontiers, enregistré par MusiMax-télé : j’y ai participé par certains choix de chansons, notre présidente Guylaine Maroist y a choisi les extraits d’actualités et nous avons livré des entrevues, tout comme Bizz de Loco Locass, François Parenteau, Gilles Duceppe, Louise Harel et autres dangereux contestataires.
Ai-je le temps de vous relater une anecdote ? En 1969, devenu chef d’un groupe de scouts aînés, j’oriente leurs activités vers le travail social, par exemple repeindre des logements pauvres de Pointe St-Charles. Au retour d’un samedi à exercer cette activité dans un appartement où les fenêtres sont clouées pour épargner du chauffage, mes ouailles, excitées par l’effet de la peinture bon marché « généreusement » donnée par des détaillants, descendent alors un escalier automatique vide qui monte dans le métro, sans gêner personne. Ils seront brutalement interceptés par des policiers, sous le choc d’avoir assisté à un suicide dans le métro le matin-même (ce que nous n’apprendrons que plus tard). Comme je viens gentiment protester verbalement, ils décident de m’embarquer, surtout parce que comme mes scouts, je me moque un peu de leur zèle complètement déplacé, fouilles abusives, incarcération dans un placard à billets… Mais seul majeur du groupe, je serai accusé une semaine plus tard d’avoir troublé la paix sociale dans le métro, d’avoir résisté à mon arrestation et d’avoir voulu incendier le métro (un de mes jeunes fumait lors de l’incarcération). Le témoignage de la fille du premier ministre Daniel Johnson, faisant partie de notre groupe, sera plus que suffisant pour que le juge mette les policiers devant la possibilité d’un procès pour parjure s’ils ne retiraient pas immédiatement leur accusation cousue de fil blanc, ce qu’ils se sont empressés de faire pour ne pas perdre leur job. Mais si j’avais été fils prolétaire d’une des familles de Pointe St-Charles, que me serait-il arrivé, croyez-vous ???
Les Artistes pour la Paix ont donc endossé la demande d’enquête sur la police faite par le syndicat des professeurs de l’UQAM, qui a refusé de venir témoigner devant votre commission, la jugeant biaisée par son mandat trop étroit. Admirant le passé de deux d’entre vous (je ne connais pas le troisième), j’ai décidé qu’il valait la peine d’exposer notre point de vue, conscient que des éléments en débordent parfois de votre mandat.
Nous venons d’écrire un article sur notre site, en appui à l’exposition et au concert organisés ce mois-ci par l’Amicale de la Culture indépendante au Gésu. Contrairement à certains membres du Collectif contre la brutalité policière dont les marches annuelles finissent en violences déplorables de part et d’autre, pour le guitariste-organisateur Serge Lavoie dont le père a fait une carrière de trente ans dans la police, les policiers sont tout sauf « des chiens sales ». Aussi évoque-t-il sa surprise et la blessure à son amour de l’art, quand il y a un an, il a été victime d’une bousculade policière immortalisée sur you tube : le cinéaste Pierre Letarte m’explique que cette vidéo ne s’y serait même pas retrouvée, sans l’insistance d’un journaliste, une semaine après l’incident! D’ailleurs, Serge Lavoie a composé, depuis, une musique qu’il rêve d’interpréter avec le directeur du Service de Police de la Ville de Montréal, Marc Parent, qui joue avec talent, paraît-il, du saxophone jazz. Son invitation à la chorale de la Fraternité des policiers est hélas restée sans réponse pour le moment. Il trouve malheureux que chez les policiers, existent environ 2% d’intolérants aux carrés rouges et à l’art, démontrant ainsi « une incompréhension du rôle de l’artiste dans la société ». Son spectacle du 8 octobre avait donc « simplement pour but de glorifier la musique, un art à respecter, même à la guitare »! D’où le choix assumé d’instrumentistes tels Forestare, Ben Charest, Adamus, Urbain Desbois, Yves Desrosiers, François Gourd et Emrical. De plus, une lumineuse exposition intitulée Résilience a rassemblé au Gésu grâce à Rudi Ochietti 27 œuvres dont une photo par la plus jeune membre de notre conseil d’administration, la photographe Valéry Latulippe, mais aussi une œuvre d’Armand Vaillancourt, APLP 1993, sans compter la caricature hilarante de Serge Chapleau immortalisant l’incident, dont l’impression en couleur fut offerte par le caricaturiste qui est, à nos yeux d’artiste, le plus juste éditorialiste de La Presse.
Comme nous l’écrivions le 13 février dernier au ministre de la Sécurité Bergeron – nous vous avons transmis cette lettre –, le triste comportement policier, non dénoncé par les autres policiers avant qu’il ne se trouve diffusé sur you tube une semaine plus tard, prouve hélas l’existence de préjugés de type sociétal au sein de la police; rappelons les mots de la policière: « toutes des rats, des gratteux de guitares, toutes des osties de carrés rouges, des artistes, astie, en tous cas des mangeux de marde » (désolé, je ne fais que citer). Sans, à titre d’artistes, « le prendre personnel », car les artistes sont habitués depuis Clément Marot de voir leur pauvreté ainsi ciblée, nous y voyons des preuves éloquentes (le mot est sans doute mal choisi) de dérapages, que «l’esprit de corps policier » tolère ; mais le rôle de la police ne consiste-t-il pas à respecter et à faire respecter la justice et la décence les plus élémentaires, loin de tout préjugé ? Il est certain qu’ayant manifesté à Londres en 71, à Los Angeles en 73, à Moscou en 78, au Tibet en 1993, en ex-Yougoslavie en 1994, j’y ai connu comportements policiers autrement plus brutaux, ce qui n’excuse pas les blessures consternantes causées par la violence policière québécoise.
L’excellente série télévisée 19-2 montre la difficulté inouïe pour les policiers qui ont toute notre sympathie d’exercer de nos jours leur dur métier. L’esprit de corps, chez eux comme dans des professions tels les urgentologues ou les Casques Bleus, répond en partie au stress constant et inhumain exercé sur leur profession. Mais ne serait-il pas intéressant d’appliquer l’idée de notre première ministre d’instituer une protection judiciaire pour les «dénonciateurs», expression négative à laquelle il faudrait trouver l’équivalent français de whistleblowers, qui leur donne meilleure image? Nos gouvernements sont intolérants face aux rôles essentiels de délation des dérapages militaristes funestes par les Bradley Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden, or il faudra bien que nos sociétés acquièrent la maturité de respecter leurs whistleblowers, qui empêchent la marmite d’exploser. Peut-on imaginer un mécanisme plus humain qu’une dénonciation formelle (qui entraîne criminalisation avec contre-expertise et avocats), par exemple un témoignage de surmenage par des collègues qui aurait averti le chef de police Marc Parent du dérapage de la matricule 728 et lui aurait permis d’offrir des excuses aux victimes, AVANT que la vidéo n’atterrisse sur youtube, entachant ainsi la réputation du SPVM en entier et ruinant à jamais la carrière de la policière en question? C’est probablement idéaliste de parler de carrière d’une personne sans doute trop perturbée pour exercer ce métier qui requiert davantage d’objectivité…
En somme, nous comptons sur vous, commissaires Carbonneau, Grenier et Ménard pour tenter de trouver une façon qui sans exposer le dénonciateur à la réprobation muette et même souvent aux représailles de son milieu, permettrait de recueillir constats et délations pour agir en fin de compte, je le répète, en vue du simple bien commun. Car il me semble essentiel de conclure ce chapitre sur les brutalités policières en affirmant que nos policiers ne méritaient certes pas de se trouver ainsi pris en tenaille par un bras de fer entre une fin de régime voulant imposer son agenda aux sombres motivations et les jeunes défenseurs de l’éducation et du bien commun…
En guise de conclusion
N’en déplaise aux Gilbert Rozon, Marcel Côté, Jacques Villeneuve et autres entrepreneurs ayant blâmé sans nuances les carrés rouges et ainsi implicitement accepté le fait qu’on batte nos enfants, ma conclusion tient en deux mots: si ces gens d’influence avaient pris la peine de l’exercer envers le gouvernement pour qu’il soit attentif au bien commun et vraiment démocratique, le Québec se serait épargné cette crise majeure et déchirante.
Les Artistes pour la Paix ne comptent pas intervenir dans une prochaine campagne électorale québécoise : la députation libérale a été purgée des Bachand, Beauchamp, Charest, Courchesne, Normandeau et Tomassi tandis que sont entrés à l’Assemblée Nationale les Breton, Bureau-Blouin, Drainville, Duchesne, docteur Hébert, sans oublier Françoise David. L’UQAM a un nouveau recteur plus démocratique, Robert Proulx, et son conseil d’administration est maintenant présidé par Lise Bissonnette, à la stature intellectuelle et morale autrement plus élevée que sa prédécesseure.
Quant à l’Association Facultaire des Étudiants en Art, ils ont décliné mon offre d’organiser avec eux un concert en septembre 2012 pour fêter notre « victoire ». Si mon pragmatisme, issu d’une longue expérience, constate que la politique, avec ses partis démocrates pauvres fractionnés en face des partis conservateurs riches, risque de leur rappeler brutalement que le mieux est parfois l’ennemi du bien, eux, plus idéalistes, estiment que n’ayant pas réussi à convaincre la population des vertus de la gratuité scolaire vantée par le Rapport Parent et l’UNESCO, il leur faut poursuivre leur résistance contre la vénalité croissante de notre société. Celle-ci aura-t-elle la patience d’écouter leurs arguments sans les condamner à l’avance?
Pierre Jasmin, pianiste, vice-président des Artistes pour la paix et professeur titulaire à l’Université du Québec à Montréal. Commission du printemps 2012, mardi 22 octobre 2013.
Plus d’une semaine après mon témoignage, j’ai fait parvenir ce courriel aux commissaires
Vendredi le 1er novembre 2013
Chers commissaires,
d’entrée de jeu, je voudrais vous dire merci pour votre écoute, même si ce que j’avais à vous dire débordait le mandat restreint que vous ont confié les autorités. Cette écoute, je l’ai ressentie pendant mon témoignage et pendant notre rencontre de deux heures, deux semaines avant. Comme je suis incorrigible, vous me permettrez une dernière et cruciale observation. La lourde institution gouvernementale risque d’amener inconsciemment votre travail sur la piste de vouloir corriger la rue et les manifestants. Vous commettriez ainsi une grave erreur en empruntant le chemin foulé par les Nixon et Cheney pour qui les plus gros problèmes des guerres au Vietnam et d’Irak furent les contestations pacifistes et démocratiques qu’il fallait enrayer et combattre par une répression accrue.
Mon témoignage faisait référence au poète Paul Chamberland dont je vous communique aujourd’hui le poème, écrit en 1964, lors des manifestations contre la guerre au Vietnam; car il s’applique aussi à notre décision de contester dans la rue les sept exactions libérales anti-écologiques énumérées et j’avais d’ailleurs utilisé les mots de Paul «Vous nous voulez civilisés, nous vous savons barbares » pour titrer un article (celui du 12 mai 2012, qui est sur notre site, dans la section nos engagements) :
« Mais peut-être n’est-il pas trop tard.
Désormais d’un peu partout sur Terre, des citoyens de plus en plus nombreux ont commencé à opérer leur jonction en vue d’opposer à l’assaut des destructeurs un front de résistance étonnamment ingénieux et tenace dans son avancée planétaire.
Notre combat est québécois, mais l’enjeu est mondial.
Je rêve, oui. Je rêve à une insurrection de la conscience citoyenne à la grandeur du Québec. Une insurrection qui rallie tous ceux qui veulent pour tous et pour chacun une démocratie où vivre libre et vivre ensemble soient d’un seul tenant l’alpha et l’oméga de tout agir politique.
Je rêve d’une insurrection de la beauté, où l’imagination partagée fait surgir l’invention d’une communauté de citoyens solidaires et adonnés à l’œuvre de justice qui rende à chacun l’initiative de faire don aux autres de son irremplaçable singularité. Comme un diamant multiplie son éclat par toutes ses facettes.
Je rêve, oui, mais je sais que je ne suis pas le seul à rêver.
Nous rêvons, et nous savons qu’en nous c’est le peuple de la Terre qui est en train de naître. »
Le professeur Hervé Fischer, nouveau membre de notre C.A., s’est-il inspiré des mots d’avancée planétaire pour ses propres mots magnifiques que je cite aussi dans mon témoignage? Or il se pourrait bien que nous (le professeur à la retraite de McGill Yvon Rivard m’a aussi écrit son soutien) ayons tous puisé aux sources de nos sensibilités!
Puissent-ils trouver écho en vos propres sensibilités…
Bien à vous,
P. J.
Relisant ce long historique, je regrette l’oubli majeur des interventions courageuses et opportunes d’un des membres de la Commission Parent fréquemment invité par la présidente du SPUQ, Michèle Nevert, que plusieurs d’entre nous auraient voulu nommer recteur honoris causa de l’UQAM (même s’il est à la retraite de l’Université de Montréal), j’ai nommé Guy Rocher dont les positions actuelles sur la laïcité ont changé la plupart de mes réticences face à la loi 21. « J’ai le droit, à mon âge, de m’inquiéter pour l’avenir et je le fais volontiers », a affirmé M. Rocher, 97 ans, lors d’un solide témoignage en personne en commission parlementaire à Québec.