Article publié le 16 avril dans le Winnipeg Free Press English follows the translation. 

 

Les Artistes pour la Paix remercient Claude Saint-Jarre pour sa première traduction, revue par Gordon Edwards appelé à la rescousse par l’autrice. Elle remercie les APLP pour l’honneur de lui ouvrir les pages de notre site. Mais l’honneur est plutôt pour nous de vous accueillir tous deux, chère Anne et cher Gordon. 

Un plan énergétique corporatif sans pensée pour le climat 

Les idées du Chef Libéral Mark Carney méritent d’être méticuleusement examinées en cette période critique pendant laquelle le gouvernement des États-Unis menace à la fois notre souveraineté et notre bien-être économique et écologique. Nous surveillons son plan du 9 avril à Calgary de « faire du Canada le leader mondial superpuissant de l’énergie ».  

Si on se fie aux apparences, on pourrait y voir l’autonomie en énergie renouvelable pour bâtir un Canada fort et une stratégie de développement industriel sensée exploiter nos ressources minérales naturelles, créer des emplois et des infrastructures nécessaires en accompagnement. 

Mais quelle sorte d’énergie et d’infrastructure? Si le plan comprend plusieurs engagements heureux pour réduire les émissions, tels l’investissement dans des autos « zéro-émissions » (fictives, selon le premier traducteur – mais Anne maintient son affirmation), dans le développement des batteries ainsi que des technologies de réseaux intelligents de transport d’électricité, dans la réduction du méthane et les références dans notre « avantage en énergies propres », on y trouve hélas aussi la notion suspicieuse de la « domination du marché de l’énergie conventionnelle » et la construction des oléoducs… ce qui ne concorde pas du tout avec l’urgence climatique proche et celle exacerbée par les pressions externes en provenance du Sud. Cet « avantage d’énergies propres » n’est pas bien défini. Si on se fie à la sagesse conventionnelle, on peut déduire qu’il s’agit d’hydroélectricité, d’énergies renouvelables comme l’énergie solaire, l’éolienne et la géothermie accompagnées d’efficacité énergétique. Cependant, bien que Carney a verbalement mentionné dans son annonce de Calgary « plus de grosses centrales nucléaires et de petits réacteurs modulaires », le mot « nucléaire » ne figure plus dans le plan écrit.  

Pourquoi ça? Pour de bonnes raisons, la technologie nucléaire est controversée. S’il leur semble inévitable que le futur énergétique du Canada soit fortement teinté du pouvoir nucléaire, personne du parti Libéral ne veut mettre cela en exergue. On dirait que les promoteurs du nucléaire semblent gagner la bataille sémantique faisant croire que cette énergie est propre, nonobstant que les opérations routinières libèrent un cocktail de substances radioactives et bien des déchets qui contiennent quelques ingrédients les plus dangereux de la planète, avec un lien inextricable dans la fabrication et la prolifération d’armes nucléaires. 

Autant Libéraux que Conservateurs ont toujours été pro-nucléaires, autant il y a eu absence de fabrication d’usines nucléaires au Canada depuis des décennies. Les dépenses annuelles de l’Énergie Atomique du Canada Limitée (ÉACL) dépassent le milliard de dollars, pour une grosse part dans la gestion des déchets nucléaires. Il y a beaucoup de crédit de taxes pour les compagnies nucléaires émergentes. En mars dernier, l’actuel gouvernement Libéral a dépensé presque un demi-milliard de dollars supplémentaires pour quelques projets nucléaires proposés partout dans le pays. Le plan ne le dit pas, mais c’est l’argent qui parle, néanmoins. L’ancien fonctionnaire des Nations Unies en matière de changements climatiques et finances qu’est Mark Carney, prétend qu’il « n’y a pas de net zéro sans nucléaire ». En 2022, il s’est associé au groupe Brookfield Asset Management, une compagnie qui détient des portefolios, avec Cameco, un géant de l’uranium. Ensemble, elles ont racheté la société américaine de réacteurs nucléaires Westinghouse, alors en faillite. Cela sous la supervision de Carney. Cela révèle son fort penchant évident en faveur du nucléaire. 

Augmenter l’énergie nucléaire, voilà une action inappropriée comme réponse au problème climatique, pour au moins deux raisons.  

Premièrement, les nouveaux réacteurs prennent des décennies à être permis légalement, construits et connectés au réseau électrique. C’est un luxe de temps que nous ne pouvons permettre de nous accorder. Continuer à perdre du temps en attendant que le pouvoir nucléaire soit effectif dépassera dans le temps le point de bascule du réchauffement global, le scénario à éviter. 

Deuxièmement, le nucléaire est le moyen le plus coûteux de générer de l’électricité. La Clean Air Alliance de l’Ontario et la société Lazard de Wall Street ont fait des études qui montrent que le nucléaire ne compétitionne pas avec les alternatives en énergies renouvelables, sans cesse moins chères. Le fait que le gouvernement finance le nucléaire a pour conséquence un grand coût d’opportunité perdu nous empêchant de déployer les énergies renouvelables déjà disponibles (éolien, solaire). 

Le nucléaire est trop lent et trop onéreux pour bien s’attaquer aux changements climatiques. Le GIEC ou Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat créé en 1988 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OIM) qui rassemble 195 États membres, montre que le nucléaire est moins efficace que les énergies renouvelables dans la réduction des émissions. Il ne s’agit pas ici d’une perspective idéologique. C’est plutôt un fait scientifique. 

Par ailleurs, la nouvelle génération de réacteurs que vante le Canada, tels les BWRX-300 de GE Hitachi, pèsent lourd en responsabilité politique, sachant que la plupart sont fabriqués par les États-Unis et requièrent un combustible enrichi d’uranium provenant de l’extérieur du Canada. C’est loin d’être une prescription d’auto-suffisance. 

Il est pour le moins mystérieux que le mot « nucléaire » n’apparaisse pas dans les projets électoraux des libéraux alors qu’il reçoit tant d’attention et d’argent de la part des gouvernements tant libéraux que conservateurs – à moins qu’ils reconnaissent un rôle essentiel de l’infrastructure nucléaire civile (l’italique est de Claude) dans le maintien des armes de destruction massive. Le Canada a joué un rôle déterminant dans la fabrication des premières bombes atomiques et reste aujourd’hui au cœur des chaînes d’approvisionnement des États-Unis en matière de défense et d’armement pour les minerais essentiels, dont l’uranium. Gardons cela à l’esprit au moment où les dirigeants seront appelés à négocier les échanges commerciaux et les droits de douane ! 

Le Canada devrait se définir, non pas comme une « superpuissance énergétique » dans le sens conventionnel et nucléaire, mais devrait plutôt se dégager du complexe militaro-industriel de la défense. Nous devrions utiliser nos minéraux critiques, notre savoir-faire et notre force de travail en vue de construire une infrastructure d’énergies renouvelables décentralisée, peu chère, axée sur l’efficacité dans le transport et le logement. Nous avons besoin de travailler ensemble, avec les Autochtones et les communautés éloignées des centres, besoin d’une compréhension profonde des impacts sociaux du développement, besoin de créer des réseaux intelligents interconnectés qui permettent un maximum de flexibilité dans le partage de l’énergie partout au Canada. 

Anne Lindsey, félicitée par Gordon Edwards, est bénévole depuis les années 1980 dans la surveillance des déchets nucléaires pour la campagne No Nuke MB de la Manitoba Energy Justice Coalition. Traduction par Claude Saint-Jarre, travailleur social retraité et artiste pour la paix. 

The Liberal energy plan: more corporate, less climate?  

ANNE LINDSEY 

IN this “flag-waving” moment, where the U.S. government is threatening our sovereignty and economic well-being, it now appears the federal election is the Liberals’ to lose. 

Amid the hype and adulation for Liberal Leader Mark Carney, however, the Liberals are promoting ideas that merit a closer look. Not least their plan to “make Canada the world’s leading energy superpower” announced in Calgary on April 9. 

On the surface, it looks like the perfect recipe for self-reliance in energy and building a stronger Canada. It’s an industrial development strategy meant to exploit our natural mineral resources, build needed infrastructure and create jobs. 

But what kind of energy and infrastructure? The plan includes many welcome and essential commitments to reducing emissions: investment in zero-emission vehicles, developing battery and smart grid technologies, reducing methane, and references to our “clean energy advantage.” 

But there is also this nagging notion of “dominating the market in conventional energy” and building out pipelines… neither of which square with the looming climate emergency, regardless of (and exacerbated by) the external pressures from the south. 

The “clean energy advantage” is not well defined. Conventional wisdom suggests it includes hydropower, renewables like solar, wind, and geothermal energy, along with energy efficiency. However, although Carney mentioned “more nuclear, both large scale and small modular” in his Calgary announcement, the word “nuclear” is absent from the written plan. 

Why? Nuclear is a controversial energy technology, for good reason. It seems inevitable that nuclear power will play a starring role in Canada’s energy future but not one the Liberals want to highlight. 

Nuclear’s proponents might be winning the semantic battle branding it as “clean,” despite its routine operations releasing a cocktail of radioactive substances, its waste products containing among the most dangerous elements on the planet, and its inextricable link to the manufacture and proliferation of nuclear weapons. 

Federal Liberals (and for that matter, Conservatives) have always been pro-nuclear, even though no nuclear plants have been built in Canada for decades. The annual federal expenditure on Crown corporation Atomic Energy of Canada Limited is more than $1 billion, due in no small part to the massive liabilities of managing nuclear waste. Tax credits for nuclear companies already abound. 

Just this year, in the month of March alone, the current Liberal government committed another nearly half a billion dollars to a variety of nuclear projects across the country. The plan may not talk, but money does. 

Mark Carney himself, a former UN special envoy on climate change and finance, has said there is “no path to net zero without nuclear.” In 2022, he joined Brookfield Asset Management, a firm holding both renewable energy and nuclear portfolios that, together with uranium giant Cameco, purchased bankrupt reactor company Westinghouse, under his watch. No question that Carney has a strong pro-nuclear bent. 

More nuclear energy is an inappropriate climate action response, for at least two reasons. First, reactors take decades to be licensed, constructed and connected to the grid. And that’s a luxury we can’t afford. 

Business as usual while waiting for nuclear power to get online means we surpass the tipping points of global warming, a scenario we must avoid. 

Second, nuclear is the costliest way to generate electricity. Studies by organizations from the Ontario Clean Air Alliance to Lazard show that nuclear is not competitive with renewable alternatives which continue to drop in price. As governments fund nuclear, there is a massive lost opportunity cost for developing cheaper and readily available renewable energy. 

Nuclear is too slow and too expensive to address climate change. The IPCC shows nuclear to be inefficient in reducing emissions. This is not an ideological perspective. It is fact. 

Besides, “new generation” reactors being touted in Canada (such as GE Hitachi’s BWRX-300) carry a massive political liability, given current world events: most are American designs and all require enriched uranium fuel fabricated outside Canada. 

Hardly a prescription for self-sufficiency. It’s a bit mysterious why “nuclear” does not appear in Liberal election plans while getting so much government (Liberal and Conservative) attention and money — unless we recognize the essential role of civilian nuclear infrastructure in maintaining weapons of mass destruction. Canada was instrumental in building the first atomic bombs and remains central to today’s U.S. defence/weapons supply chains for critical minerals, including uranium. Let’s keep that in mind as leaders negotiate trade and tariffs. 

Canada should define itself not by becoming an “energy superpower” in the conventional and nuclear sense, but by disengaging from the defence industrial complex. We should use our critical minerals, ingenuity and workforce to pursue a decentralized, affordable, locally based renewable energy infrastructure leaning heavily into building and transportation efficiencies. We need to work together with Indigenous and remote communities, fully understand environmental and social impacts of developments and create smart grid interconnections that allow for maximum flexibility in energy sharing within Canada. 

Anne Lindsey volunteers with the No Nukes MB campaign of the Manitoba Energy Justice Coalition and has been monitoring nuclear waste since the 1980s.