Mort à Pâques du bon pape François (1936-2025)

UN Photo/Rein Skullerud Le Secrétaire général António Guterres (à droite) lors de son audience avec le Pape François au Vatican à Rome en 2019.
Le chef de l’ONU salue, à l’occasion de son décès, un « messager d’espoir, d’humilité et d’humanité. Le Pape François était une voix transcendante pour la paix, la dignité humaine et la justice sociale. Il laisse derrière lui un héritage de foi, de service et de compassion pour tous, en particulier pour ceux qui sont laissés en marge de la vie ou pris au piège des horreurs des conflits ».
Nous gardons le tendre souvenir de son séjour au Canada en 2022, non pas à la demande de notre gouvernement, mais à l’invitation des autochtones (y compris des Innus, tel le chef d’orchestre et de chœurs Pascal Côté, sujet de la suite de notre article) à qui il avait demandé pardon pour les erreurs de l’Église catholique avec ses pensionnats, turpitudes de prêtres libidineux et son attitude conquérante, au lieu de celle que lui-même prônait depuis son accession à la papauté il y a douze ans :
– humilité de celui qui s’est trouvé un appartement modeste, qui refusa la Mercédes ostentatoire et dicta ses funérailles en un seul cercueil en pin;
– pauvreté affichée et solidarité avec les pauvres, les immigrants, les prisonniers et les Gazaouis en déclarations souvent censurées par nos médias contrôlés;
– pacifisme opposé aux usines d’armement et à toutes les guerres, comme nous;
– environnementalisme militant par son encyclique Laudato Si’ de 2015;
– ouverture modérée à la femme : malgré l’opposition maintenue à l’interruption assistée de grossesses et à l’ordination des femmes;
– bonté face aux LGBTQ : « qui suis-je pour juger? » avait-il déclaré au grand dam des conservateurs catholiques qu’on verra grenouiller à sa succession : c’est le temps pour nos cinémas de reprogrammer le chef d’œuvre « Conclave » en espérant qu’un Ralph Fiennes se dressera contre eux.

Célébration paradoxale de la vie du Vendredi-Saint
En dépit de sévères coupures budgétaires assénées aux universités par Québec, le chef Pascal Côté poursuivait la tradition de l’Orchestre de la Société Philharmonique de Montréal et des Chœurs UQAM et de l’école Joseph-François Perrault (Montréal-Nord) à l’Église Saint-Jean-Baptiste, à l’acoustique favorable à l’accueil d’un millier d’auditeurs enthousiastes. Ayant eu le bonheur d’interpréter avec lui la Fantaisie Chorale de Beethoven, j’admire l’optimisme et la maîtrise de ce chef, qui puise dans son origine innue une inébranlable joie de vivre qui l’a amené à choisir deux œuvres foncièrement joyeuses pour une année foncièrement malheureuse, surtout avec la mort du bon pape. Le 18 avril, plus de trois cents interprètes occupaient la nef pour relever le défi du chef, celui de livrer la première montréalaise de l’Oratorio pour le troisième millénaire du Christianisme, L’amour de Joseph et Marie opus 23, d’Antoine Ouellette. L’œuvre contemporaine à la thématique ancienne qui aurait pu tomber à plat, fut plutôt accueillie par une grande ovation à laquelle participait Pierre Bruneau, un fidèle de ces concerts des Vendredis Saints qui avaient créé le flamboyant Te Deum du compositeur montréalais Éric Champagne il y a quelques années.
Ouellette est un oiseau rare, à l’autisme plus qu’attachant, curieux de tout, comme son étudiant à l’UQAM Pascal l’avait découvert, avant que je me joigne à lui pour donner le cours Musiques et société, aux sujets voulus très contemporains. Lui poursuit sans dérougir une riche tradition internationale spirituelle, interrompue en Europe par la mort des compositeurs Messiaen et Penderecki, mais qui survit avec de courtes œuvres inspirées par l’estonien Arvo Pärt. Son chef d’œuvre de 70 minutes partage de longs moments de recueillement méditatif avec une énergie environnementaliste de bruissements d’oiseaux et des rapprochements d’avec la Palestine de Joseph et Marie, grâce à ses cloches et percussions rythmées et les mélismes arabisants de ses voix et même trompettes : trois solistes, dont le brillant baryton Christopher Dunham présent dans les deux œuvres, et une petite fille à la fin qui murmure l’espérance et la curiosité du Dis, c’est comment le ciel, offraient un message auquel nos temps difficiles voient plus de gens désespérés aspirer.
Professeur émérite de l’UQAM, le musicologue Claude Dauphin, non seulement ouvrait le concert par un discours généreux comme on est habitué à l’entendre depuis presque quatre décennies, mais aussi par ses notes musicologiques impeccables, toujours passionnantes à lire dans un livret méticuleusement rédigé de vingt pages bien fournies, tel que nos grands orchestres et théâtres, pourtant fort subventionnés, ne se donnent plus la peine d’offrir à leurs publics : c’est l’exemple donné de bénévolats admirables et pourtant cachés.
La ferveur de la foule communia à celle des presque deux cents choristes de l’École Joseph-François Perrault à l’admirable discipline tout au long des deux heures du concert, qui présentait aussi la cantate Te deum opus 103 d’Antonin Dvořák. Cette musique tchèque a dû rappeler à mes anciens étudiants aimés Émilie Guertin et Graeme Wilkinson, devenus administrateurs de la Philharmontréal tout en participant au chœur de l’UQAM, leur audace d’il y a vingt ans à venir suivre mes master classes à Ceské Budejovice (lieu où nos hockeyeuses ont obtenu le même 20 avril la médaille d’argent du tournoi mondial). Épaulez Émilie et Graeme pour qu’une prolongation de l’aventure de la Philharmontréal.com se maintienne par vos dons pour une tradition qui nous redonne tant de joie de vivre.
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