
Photo tirée du programme remis par le théâtre Duceppe
De Rébecca Deraspe, nous avions adoré la pièce Fanny au Théâtre du Bic, au rôle principal assuré par la grande Marie-Thérèse Fortin (i). La pièce reprise à Sherbrooke fut saluée par le journal bienséant La Tribune, comme « une pièce qui ébranle les convictions » par ses nombreux rebondissements explorant les diverses avenues d’un féminisme décomplexé.
Quelle fierté québécoise de voir l’autrice de Rivière-du-Loup revisiter maintenant la vie de notre Janette, défi redoutable brillamment relevé au théâtre Duceppe, avec l’aide de Guylaine Tremblay : n’a-t-elle pas le même don d’authenticité que Janette de savoir « créer un lien immédiat avec le public »? Toutes les représentations sont complètes, hélas, et c’est une véritable fête animée par un public participatif qui ponctue certaines répliques de salves d’applaudissements.
Arrivez une demi-heure plus tôt pour regarder l’installation vidéo documentaire si intelligente, conçue par Martin Bundock et réalisée par Léa Clermont-Dion. Gratuite toute la journée à la Place des Arts, elle situe les cent ans de Janette dans l’actualité politique, depuis sa naissance dans une province religieuse rétrograde confinant les femmes à la maison au service d’hommes ensuite manipulés par le retors Duplessis, jusqu’aux avancées arrachées de haute lutte par Janette, certes, mais aussi notamment par les syndicalistes Madeleine Parent et Simonne Monet-Chartrand, APLP 1992.
Fabuleux d’observer dans la salle pactée du théâtre Duceppe la diversité de l’assistance, tous âges et toutes classes sociales représentées. Quant à la diversité raciale, elle est assurée surtout dans la distribution de la pièce avec les brillantes (à droite sur la photo) Cynthia Wu-Maheux (qui bouscule nos préjugés en la série télévisée marquante Mea culpa) et Phara Thibault qui assure le service aux tables sur la scène comme les autres comédiens, mais livre en plus son talent de percussionniste et sa prestation d’actrice à la diction irréprochable, qualité rare chez nos plus jeunes acteurs. Quel bon coup aussi d’avoir inclus Normand Chouinard assumant sa vulnérabilité de comédien vieillissant et en contraste saisissant, la petite-fille elle-même de la vraie Janette, Zoé Lajeunesse-Guy (qu’on voit sur la photo à la droite immédiate de Guylaine).
C’est le choc administré par trois émissions de télévision revues deux fois chacune, Ma vie en trois actes, qui a fait comprendre comment Janette a été témoin et surtout actrice des grandes mutations de notre société, par l’influence de la radio d’abord, puis de la télévision, sans oublier les journaux grâce à Pierre Péladeau, cet autre bienfaiteur né à moins de trois semaines d’intervalle en 1925 !
La chanson de Charlebois, Madame Bertrand, résume sur un mode moqueur l’immense travail de courriériste du cœur de celle qui sut écouter, avant la naissance des réseaux sociaux, les tourments menstruels, contraceptionnels et autres de la femme longtemps méprisée et opprimée, aussi bien que les rejets familiaux de jeunes homosexuels désemparés, à qui elle répondait avec empathie et complicité, avant de les représenter dans ses séries l’Amour avec un grand A et Parler pour parler, et sur un mode moins dramatique Quelle famille!, bien accueillie par la France découvrant nos enfants libres.
Grâce à un habile dosage entre émotions et humour (les deux coexistant dans la narration des débuts du grand amour de Janette avec le menuisier Donald, de 19 ans son cadet), Rébecca Deraspe a su ne pas sombrer sur l’écueil inévitable du prêchi-prêcha, grâce à ses échanges avec son héroïne; car Janette a eu l’humilité de lui révéler sa douleur de se voir ostracisée quelques années à la suite du dérapage raciste de la charte des valeurs québécoises, erreur qui a coûté les élections à son amie Pauline Marois qu’elle appuyait de tout son cœur. Ce fut le moment stratégique choisi par les Artistes pour la Paix pour lui offrir notre hommage sincère de l’année (ii) en la fêtant à la Mairie de Montréal pour montrer qu’une erreur de quelques réflexions jugées islamophobes n’aurait jamais dû effacer aux yeux du public son parcours inspirant, progressiste et éminemment positif.
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1 https://www.artistespourlapaix.org/fanny-trois-visions-feministes/
2 https://www.artistespourlapaix.org/les-aplp-rendent-hommage-a-janette-bertrand/
Dans ce dernier article, on trouvait plusieurs exemples de notre lutte commune
– contre la haine et le racisme,
– contre l’islamophobie au côté de Mohamed Lotfi,
– contre la guerre d’Irak et contre les bombardements canadiens en Libye,
– pour la lutte avec Gérald Larose, présent lors de l’hommage à la Mairie de
Montréal
auprès de Denis Coderre, en faveur de mère Agnès-Mariam-de-la-Croix et sa lutte pour
la paix en Syrie, à distance de Bachar al-Assad et de l’Armée islamique financée par la
CIA,
– enfin pour la paix en 1990 à Kanasetakeh au côté des APLP Janine Sutto, Myra
Cree
et Alanis Obomsawin
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L’article se conclut par un éloge adressé à Janette par Fabienne Larouche qui avait reçu
le même hommage quelques années plus tôt.

Janette Bertrand accepte le Prix hommage pour l’ensemble de son implication, entourée de domlebo et du maire Denis Coderre.
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