12 avril 2025, Sainte-Mélanie, 11 heures. 

Par Pierre Dubuc édité par Pierre Jasmin

 

Quelles funérailles attendrissantes dans la petite église 

 charmante de Sainte-Mélanie, au nord de Joliette le 12 avril, 

 devant une trentaine de personnes! Nous y avons entendu les 

 quatre chansons favorites de Ginette, dont bien sûr  

Une chance qu’on s’a, avec Jean-Pierre Ferland et Céline.  

 

L’enseignement aux immigrantEs 

Ginette Leroux enseignait à l’Éducation aux adultes à l’École Saint-Pascal Baylon. D’une voix posée, accompagnée de gestes gracieux des mains, elle invitait ses étudiants immigrants à s’exprimer en français. Avec doigté et humour, elle atteignait son but. Dans une longue série d’articles dans le magazine l’Alliance et dans celui de la Centrale Syndicale du Québec, elle présentait ses élèves, leurs pays d’origine, leurs difficultés d’adaptation et leurs succès.  

Faire connaître la réalité de ses étudiants étrangers était le côté face; le côté pile, leur faire connaître la culture québécoise. Au centre Gédéon-Ouimet dans Hochelaga, elle invitait dans sa classe Jean-Claude Germain, la romancière Marie-Sissi Labrèche (originaire du quartier), le conteur Jocelyn Bérubé… et a même bâti une série de cours à partir des onze épisodes de la série Blanche (la suite des Filles de Caleb), en emmenant ses étudiants au musée de l’Hôtel-Dieu, où se déroulait une partie de l’action. Ils furent encore plus ravis, lorsque la comédienne Pascale Buissières est venue les rencontrer dans leur classe : inimaginable dans certains de leurs pays d’origine qu’une vedette de cinéma se présente ainsi dans une humble classe d’école.        

Pour Ginette, c’est par l’apprentissage de la langue qu’on intègre les immigrants, mais encore plus par la culture. Pas besoin de commissions d’enquête ou de volumineux rapports pour faire ce constat.  

Ses amitiés cinématographiques et littéraires 

Elle était passionnée de cinéma : le démontrent plus d’une soixantaine d’articles pour L’aut’journal : entrevues avec Léa Pool, Jean-Claude Labrecque, Marie Sissi Labrèche, André Forcier, Anaïs Barbeau-Lavalette et Camilo Guevara March, le fils du Che, à l’occasion de la présentation de son film à Montréal. Le cinéaste Félix Rose a livré ce témoignage à sa mort : « Sa voix unique et son regard éclairé sur le cinéma resteront gravés dans ma mémoire. »  

Dans l’intimité de Gaston Miron, Michel Chartrand, Victor Lévy-Beaulieu et bien d’autres, Ginette livra pour le magazine Châtelaine une entrevue exclusive faite à Paris d’Anna Gavalda qui a réagi en lui disant qu’elle connaissait mieux son livre qu’elle-même ! Mais son article modeste commençait par : « En ces temps mornes d’individualisme, cette écrivaine a su imaginer une histoire qui parle d’amitié, de solidarité et de bonheur ».  

Ginette aimait aussi les romans historiques de Micheline Lachance qui lui avait confié : « En revenant du Salon du livre de Trois-Rivières, j’ai trouvé ton bel article dans L’aut’journal. Je veux te dire comme il m’a émue. Personne avant toi n’avait encore aussi bien saisi – aussi bien traduit – le défi que représentait pour moi la reconstitution de la chute de la Nouvelle-France, en y intégrant les états d’âme de nos ancêtres. Quelle triste histoire que la nôtre! » 

Encouragée à l’écriture par Micheline, son livre « Juliette et les chambreurs » fut magnifiquement illustré par son fils Jean-François. Elle y révèle le drame d’avoir perdu sa mère à trois ans et vécu comme un abandon d’avoir été placée par son père chez sa tante, qui tenait une maison de chambre.  

En conclusion 

Ce sentiment d’abandon, elle l’a comblé toute sa vie par sa passion des voyages, comme celui accompli sur la Basse-Côte-Nord à bord du Nordic Express, le bateau qui alimente les petits villages côtiers de Natashquan à Blanc-Sablon que nous avons découverts ensemble. Compensant l’abandon du Québec par la France, elle y était accueillie par bien des amis – l’amitié, valeur chérie par Ginette, jusqu’à son Alzheimer : ses amitiés de plus d’une cinquantaine d’années avec l’Alsacienne Marie-Odile et son cher Bernard de Brassac, dans le sud de la France, étaient saluées à son arrivée par un drapeau du Québec à sa fenêtre pour que tout le village sache que la Québécoise était là. Et c’était la fête! 

Telle était ma Ginette, notre Ginette, belle, droite, honnête, éprise de justice, fière, battante. Je l’aimais. Elle m’aimait. Nous nous aimions et les dernières épreuves nous ont encore rapprochés, nous ont soudés. Elle disait : une chance que j’t’ai. Je lui répondais : une chance qu’on s’a. Elle posait tendrement sa main sur mon bras et me souriait.