Elizabeth May, cheffe du Parti Vert, répond à Donald Trump
Par Pierre Jasmin, secrétaire des Artistes pour la Paix
Trop occupés à relayer les voyages à Mar-a-Lago par des politiciens canadiens paniqués (la dernière en date étant la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith), nos médias semblent peu faire de cas de la digne réponse par madame May (que je connais depuis 2007, lors d’une réunion internationale Pugwash où j’avais été invité en Nouvelle-Écosse). Celle qui a été la directrice exécutive de Sierra Club Canada de 1989 à 2006 m’a aimablement envoyé les coordonnées de sa remarquable allocution.
https://www.youtube.com/watch?v=dRZ54VTYN2A plus audible
ou encore plus punchy mais unilingue, relayée par le réseau de gauche Occupy democrats https://www.youtube.com/watch?v=mpCLbdWVCEQ
Il s’agit de sa conférence de presse du 3 janvier au Parlement, qui a en une semaine atteint un statut incontournable chez nos amis américains, anglais et mexicains (+ de 7.5 millions de lectures), plus des millions de spectateurs sur CNN et Fox News. Est-ce que cela lui enfle la tête? C’est mal connaître la cheffe du Parti Vert qui réagit ainsi à ces nouvelles :
« En regardant les maisons et les quartiers de la région de Los Angeles prendre feu, mon cœur se brise pour eux. Pourtant, ma réponse aux affirmations farfelues et scandaleuses de M. Trump selon lesquelles il peut « effacer » la ligne sur la carte qui fait de nous une nation souveraine ne doit pas faire l’actualité pressante au Canada, car c’est la Californie qui a besoin de notre aide maintenant. N’oubliez jamais le témoignage de l’auteur canadien à succès de Fire Weather, John Vaillant, devant le Comité des ressources naturelles l’année dernière : « l’industrie pétrolière est une industrie du feu.» Pour protéger notre économie, nos populations et nos écosystèmes des effets dévastateurs de la crise climatique, nous devons unir économies et nations pour sauver des vies en nous éloignant rapidement des combustibles fossiles (le parti Vert n’a jamais appuyé les budgets libéraux depuis qu’ils ont inclus les milliards de $ pour la construction de pipelines de pétrole de sable bitumineux). L’alignement des tyrans et des pétro-États est alarmant. Les démocraties saines ne reculent pas lorsqu’elles sont menacées. Nous devons rester fermes, avec un engagement commun envers nos voisins et amis. Peu importe ce que le président élu publie sur ses pages de médias sociaux, le Canada sera toujours l’un des meilleurs amis et voisins que les États-Unis et leurs citoyens n’aient jamais connu. Parfois, nous devons leur rappeler ce fait. »
Voici ma traduction des points importants de ce discours, la plus digne et juste réponse à Trump, à ma connaissance encore non reproduite par nos journaux francophones.
1- Elle y défend le Mexique, notre allié premier, dans l’ACEUM, qui a succédé à l’ALENA, créant la plus vaste région de libre-échange au monde. Le Canada devrait s’allier avec sa présidente, Claudia Scheinbaum, pour présenter un front uni, plutôt qu’aller quémander de l’attention en allant en piteuses processions à Mar-a-Lago. Il y a un front uni pour le Canada, même de la part du Bloc Québécois, qui risque fort d’y devenir l’Opposition officielle.
2- Elle démolit la vision erronée économique de Trump en lui faisant valoir que « le déficit » qu’il déplore est en réalité un profit américain sur nos denrées de qualité accessibles grâce au dollar canadien affaibli. Une politique isolationniste de sa part le priverait par exemple de la potasse que les agriculteurs américains importent chez nous comme engrais agricole. Son intégrité « verte » lui interdit de mentionner le pétrole, le gaz naturel et le bois d’œuvre…
3- « Avant de proposer Wayne Gretzky comme chef d’état canadien pour qu’il devienne le 51ᵉ état américain, renseignez-vous dans un livre d’école de vos petits-fils que nous vivons dans une démocratie parlementaire avec des élections disputées entre partis pour qu’un éventuel gouvernement émerge, formé de ministres élus, qui ne sont pas les amis milliardaires du Premier ministre, même si Trudeau a érodé au cours de ses mandats quelques-uns de nos principes démocratiques.
4- Si vous persistez à jouer votre petit jeu, sachez qu’il peut se jouer à votre désavantage : la Californie, l’Oregon et l’état de Washington seraient peut-être intéressés à devenir des provinces du Canada? La Californie, 5ᵉ économie mondiale, échange déjà une politique environnementale sur les émissions de carbone avec le Québec ! Et les trois états seraient sans doute intéressés à jouir d’un système de santé universel gratuit qui empêcherait une enfant malade de voir sa famille recourir à un Go Fund Me pour éviter la faillite. Sans compter les femmes qui auraient accès à la protection d’une interruption de grossesse gratuite. Les trois états, auxquels se joindraient peut-être le New Hampshire, le Maine et le Vermont, devenant trois nouvelles provinces Maritimes, seraient sans doute intéressés à jouir de la protection de notre loi contre les armes à feu que votre Congrès a trop peur d’instaurer, à cause du lobby NRA : comparons vos 5.9 morts annuelles par armes à feu (sur 100 000 habitants) avec nos 0,88.
5- Mais trêve de plaisanterie, la vôtre a assez duré : déjà en début d’année, l’ex-ministre de l’Environnement québécois Clifford Lincoln l’affirmait vigoureusement dans The Gazette.
6– Le Canada est vu par l’ensemble du monde, année après année, comme un des cinq pays où les étrangers aimeraient le plus vivre, contrairement aux États-Unis, car c’est un pays souverain, avec des rues sûres et des droits humains protégés : « nous sommes une nation fière, sûre, membre de la francophonie, membre de l’Organisation mondiale du commerce et membre du G7 », a-t-elle ajouté en un français plus articulé qu’on ne lui ait jamais connu.
Danielle Smith a fait publier aujourd’hui sa photo prise où? À Mar-a-Lago, bien sûr…
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