Par Pierre Jasmin, avec la reproduction de l’article – La Presse 2018 – par Jocelyn Coulon
Deux ministres visiblement embarrassés par les accusations à l’emporte-pièce de leur chef, Mélanie Joly et Dominic Leblanc – Photo Justin Tang La Presse canadienne 18 septembre 2023
TRUDEAU DE PLUS EN PLUS CONFUS
Comme il l’a fait avec la Russie et la Chine, le Premier ministre canadien détériore maintenant les relations avec l’Inde. Nos médias continuent (heureusement avec de moins en moins de zèle) de rapporter fidèlement ses discours de haines russophobes, anti-Inde et anti-Chine. Pour nous qui avons publié coup sur coup les articles 1 an et demi de souffrances ukrainiennes, puis le groupe des 77 et le secrétaire général de l’ONU, et enfin les BRICS donnent vie et continuité, la confusion du Premier ministre qui perd de vue le bien commun mondial est entretenue par la propagande guerrière de l’OTAN et des États-Unis, menés par le Pentagone, la CIA et le complexe militaro-industriel. Le chef libéral axe donc sa préoccupation de survie politique sur des gains à faire sur les extrêmes-droites aux racines populistes racistes (Pierre Poilièvre, Éric Duhaime, Maxime Bernier, …Chrystia Freeland, favorisés par les GAFAM aux préoccupations exclusivement matérialistes et riches de 14 millions de $ de publicités du gouvernement du Québec.
Même si de hauts responsables du renseignement canadien ont questionné en Inde leurs homologues de ce pays, selon le ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc cité par Boris Proulx (Le Devoir), l’enquête active pour homicide menée par la GRC de Colombie-Britannique n’a pu recueillir aucune preuve tangible. Ce qui n’a pas empêché la logique ébranlée de notre Premier ministre de sortir en Chambre des Communes ses hâtives allégations mal fondées sur des desseins criminels du Premier ministre Modi – dont on connaît les exactions multiples envers Sikhs et musulmans dans son propre pays.
Les circonstances d’un autre meurtre de Sikh pro-Khalistan à Winnipeg hier par un rival exportateur de drogue au Pendjab nous forcent à accepter la défense du Premier ministre indien qui réfute l’« accusation absurde » du meurtre du Canadien Hardeep Singh Nijjar dans son camion solitaire. La contre-attaque de M. Modi accuse en outre M. Trudeau de « motivations politiques » très plausibles, compte tenu des nombreux ministres Sikhs de son gouvernement (tel l’ancien ministre de la Défense Harjit Sajjan) et vu que Jagmeet Singh, sikh et chef du NPD, tient le gouvernement libéral minoritaire en otage.
RACISME ANTI-ASIATIQUE RÉPANDU EN AMÉRIQUE ENTIÈRE
L’organisme pacifiste américain CODEPINK nous informe qu’aux États-Unis, selon une étude de l’Université Columbia, presque les trois-quarts (74%) des sino-Américains ont fait face à de la haine et de la violence DANS LES DERNIERS DOUZE MOIS! Et il n’y a pas de raison pour qu’au Canada, le racisme anti-Asiatique n’ait pas atteint une proportion semblable, surtout en voyant nos médias déchirer injustement Alexandre Trudeau et l’ex-gouverneur général David Johnston en parlant constamment d’ingérence étrangère chinoise, en oubliant l’exemple flagrant de la vice-première ministre Chrystia Freeland qui avait OBÉI au président américain Donald J. Trump en emprisonnant la femme d’affaires chinoise Meng Wanzhou : nous avions écrit plusieurs articles pour condamner les fausses accusations à l’endroit de cette femme, accusations d’ailleurs anéanties par le président Biden en décembre dernier sans que les médias ne l’ébruitent! Cette tactique de s’attaquer à la minorité chinoise rappelle un chapitre horrible de l’histoire canadienne[i]. Nous aimerions bien être invités par la juge de la Cour d’appel du Québec, Marie-Josée Hogue, dont nous apprécions la nomination comme responsable de l’enquête sur l’ingérence étrangère, pour lui rappeler que son travail serait partial et incomplet si elle ne se penchait pas sur les ingérences militaristes et racistes (trumpiennes) américaines.
LAÏCITÉ VS RELIGIOSITÉ PACIFISME VS ARMES
Trudeau s’apprêterait à dénoncer les lois 21 et 96 vantant la laïcité au Québec, qui lui seraient utiles pour guérir son attachement démesuré à la population sikhe du Canada (+ de trois quarts de millions d’individus). Démesuré, car plusieurs appuient la cause séparatiste Pendjab – Khalistan, certains soupçonnés même d’actes terroristes tel celui qui avait coûté la vie à trois cent vingt-neuf passagers d’Air India en partance de Montréal en 1985. Aidan Jonah pour Canada Files vient de publier un résumé rocambolesque des erreurs de la GRC qui malgré les informations reçues, n’avait pu empêcher ce drame. Peut-on entièrement blâmer le gouvernement indien d’avoir développé une paranoïa anti-canadienne, ce qu’il démontre par ses nouvelles restrictions imposées de visas indiens?
On sait vers quelles dépenses (24 milliards de $!) d’armes vers l’Ukraine martyre le million d’Ukrainiens de droite a conduit le Canada qui refuse toujours des négociations, seules en mesure de sauver le Donbass des bombes russes et fascistes ukrainiennes. Les réclame Glenn Michalchuk, président de l’Association Canado-Ukrainienne qui hier soir encore (20 septembre) répondait par sa présence en un webinaire avec Lascaris contre les munitions à uranium appauvri fournies à Zelensky par les États-Unis et la Grande-Bretagne à un ultime appel pour la paix lancé par le Canada Wide Peace & Justice Network.
Avec en gras mes courtes réflexions, voici pour mémoire l’article dans La Presse 2018 de Jocelyn Coulon, coiffé de la photo malaisante suivante, qui avait ridiculisé la religiosité de Trudeau, en concluant sobrement : « Il y a une leçon à tirer de toute cette affaire. La politique étrangère n’a pas pour vocation de promouvoir des particularismes, même s’il est tentant pour les partis politiques de courtiser le vote des communautés. Il est grand temps que nos élites politiques rompent avec une pratique qui sert mal nos intérêts nationaux. »
Février 2018 : PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
« La visite [de Trudeau] se transforme en scandale lorsqu’un Indo-Canadien de confession sikhe, Jaspal Atwal, condamné pour tentative de meurtre contre un ministre indien en visite au Canada, se fait inviter à une réception à New Delhi en présence du premier ministre. L’affaire ternit le voyage de Trudeau, mais le gouvernement n’est pas au bout de ses peines.
À Ottawa, la controverse prend une allure « james bondesque » lorsque le conseiller à la sécurité nationale de l’époque, Daniel Jean, laisse entendre à certains journalistes que le Canada est victime de manœuvres d’une faction extrémiste au sein des services de renseignement indiens visant à embarrasser Justin Trudeau [comme si ce dernier ne réussissait pas tout seul à s’autopeluredebananiser]. Le gouvernement indien proteste, et Daniel Jean déclare devant un comité des Communes n’avoir jamais accusé New Delhi. L’affaire est close. C’est du moins ce que l’on croyait.
Butts en rajoute
Elle vient de rebondir. Et qui lui donne une nouvelle vie ? Nul autre que l’ex-secrétaire particulier du premier ministre, Gerald Butts, celui-là même qui a démissionné dans le sillage du scandale SNC-Lavalin [devenue AtkinsRéalis pour tenter de s’inscrire comme partenaire de l’industrie nucléaire suspecte] après avoir été accusé d’exercer des pressions inappropriées sur l’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould pour qu’elle empêche des poursuites criminelles contre la multinationale québécoise.
Butts confirme essentiellement ce que Daniel Jean a suggéré aux journalistes, mais il en rajoute une couche. Selon l’ancienne éminence grise du premier ministre, l’équipe Trudeau a mis « le pied dans un bourbier » : « Modi et son administration étaient déterminés à nous baiser et nous mettaient des bâtons dans les roues pour aider les conservateurs canadiens, qui ont pris plaisir à nous mettre dans l’embarras. »
Le propos obscène en dit long sur la colère de l’équipe Trudeau, équipe comprenant Sophie Grégoire, la femme du premier ministre, qui a pourtant planifié et organisé ce voyage, en passant outre aux conseils du ministère des Affaires étrangères. En admettant que Butts ait raison, pourquoi au juste Modi aurait-il fait cela ? Certainement pas pour aider les conservateurs.
En fait, le gouvernement indien est exaspéré par les activités du mouvement indépendantiste sikh au Canada. Une partie de la population sikhe de la province du Pendjab revendique la création d’un État indépendant, le Khalistan. Le mouvement a souvent utilisé la violence contre l’État indien. Au Canada, il jouit d’une grande popularité auprès de la communauté sikhe et plusieurs de ses membres se sont infiltrés dans les partis politiques, dont le Parti libéral. Jaspal Atwal était bien en vue chez les libéraux.
Le gouvernement indien a averti à de nombreuses reprises l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper et le gouvernement Trudeau de cesser de flirter avec ces extrémistes. Et la présence de quatre ministres canadiens de confession sikhe dans la délégation qui accompagnait Trudeau en Inde n’a rien fait pour arranger les choses.
D’ailleurs, début juillet, le Hindustan Times révélait que le gouvernement indien a informé Ottawa que les relations entre les deux pays n’ont aucune chance de s’améliorer, aussi longtemps que le Canada ne sévira pas contre les extrémistes sikhs sur son territoire.
La proximité des politiciens canadiens avec l’électorat sikh n’est pas anodine. Elle répond plus à des considérations de politiques électoralistes qu’à la défense et à la préservation des intérêts nationaux du pays. Éric Grenier, spécialiste du comportement électoral pour la CBC, a évalué à 25 le nombre de circonscriptions électorales où « au moins un cinquième de la population se déclare d’origine sud-asiatique (Indiens, Pakistanais, Sri-Lankais). Aux élections de 2015, les libéraux l’ont emporté dans 24 de ces circonscriptions », écrit-il. Et comme les résultats des prochaines élections risquent d’être très serrés, toutes les circonscriptions comptent. [C’était vrai en 2019, en 2021 et ce sera toujours vrai aux prochaines élections].
[i]https://sencanada.ca/en/sencaplus/opinion/the-chinese-exclusion-acts-dark-centennial-holds-lessons-for-today-senator-simons/?utm_source=senate-enewsletter&utm_campaign=Issue-86&cmp=1&utm_medium=email
Nos alliés de Peace Quest écrivent ceci:
The rift between Canada and India is deepening following Monday’s accusation by Prime Minister Trudeau that the murder of a Canadian Sikh activist was linked to India’s Hindu-nationalist government. But rather than scandalizing India’s political establishment, Prime Minister Trudeau’s accusation may be playing into the political hands of India’s Prime Minister Narendra Modi.
Hardeep Singh Nijjar, whom Indian authorities designated a terrorist and has been a wanted man in India for years, was working to organize an unofficial referendum on independence among the Sikh diaspora, when he was gunned down by two masked men outside a Sikh temple in Surrey, B.C., on June 18.
India has flatly rejected the allegations of involvement, calling them absurd and politically motivated. In fact, the condemnation of Trudeau in India has been near-universal, as has been the criticism of Canada for coming out publicly with what some newspapers have called “a sketchy allegation” without providing further evidence or information, reports CBC.
Prime Minister Modi has projected this image of a strongman protector of the country. And to do that, you usually need a threat that you’re protecting the country against. And that’s been very beneficial to him.
What’s worse is surprisingly few of Canada’s allies have joined calls for India’s cooperation in the investigation of Nijjar’s murder. This may be the result of geopolitics in a world where a new Cold War is emerging, and India plays a pivotal role in the region.
As the New York Times’ The Daily podcast (one of our favourites) points out, “A large part of that reason is from the US, to the UK, to France and Germany, everybody is trying to court India. In this moment of huge tensions with China, the West has been looking to India as sort of a counterbalance. And that need is so massive that a lot of these Western powers have been looking away from some of the things that India has been doing.”
Le montant de 24 milliards de $ en transferts d’armes canadiennes à l’Ukraine inscrit dans cet article était une erreur qui nous a échappé: nous nous en excusons. On peut spéculer que les envois d’armes et d’aide militaire canadiens à la Pologne et à la Lettonie dépassent le total de 10 milliards qui aurait dû être inscrit, sans compter les aberrants 220 milliards de $ d’achats de F-35 et de bateaux de guerre Irving/Lockheed Martin exigés par l’OTAN ! Nous félicitons la ministre Anita Anand, présidente du Conseil du Trésor canadien d’avoir demandé le 29 septembre une coupure d’un milliard de $ au Ministère de la Défense, malgré les protestations des extrêmes-droites du pays (il y en a plusieurs chez les journalistes) : ayant tenté pendant deux ans avec l’aide de Louise Arbour de réformer une armée machiste dont un sondage révèle 26% d’opinions d’extrême-droite, madame Anand a notre soutien.