La date originale de parution de cet article était le 30 avril, donc après la mort de notre webmestre Christian Morin (dont l’illustre père vient aussi de mourir – toutes nos condoléances); plusieurs de nos articles de mai et juin ont ainsi disparu du site, dont celui sur l’incendie du Bon-Pasteur de Montréal.
Le Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire en 2015 avec au premier plan le fondateur de Project Ploughshares, Ernie Regehr, le sénateur Doug Roche et Pierre Jasmin.
Par Douglas Roche et Pierre Jasmin (English follows)
Vous souvenez-vous de l’article de novembre dernier[i] où j’écrivais en exergue « Pourquoi les derniers politiciens fédéraux à prendre au sérieux la menace nucléaire russe furent le libéral Pierre Elliott Trudeau et le progressiste conservateur Douglas Roche? Aucun écho par le gouvernement, qu’on a vivement interpellé le 3 avril dernier[ii] sur les négociations indispensables, un sujet inévitable (et pourtant évité par nos médias, y compris Stephan Bureau). Vendredi dernier, après avoir assisté à l’entrevue de la ministre Mélanie Joly menée par le brillant Stephan Bureau au Monde à l’envers (TVA), j’ai réagi à chaud :
« Samedi 22 avril – JOUR DE LA TERRE – 11 heures
Vous trouverez, madame la ministre, un texte en annexe signé hier par le vétéran de la politique internationale du Canada, mon ami Douglas Roche d’Edmonton. La significative déclaration d’hier par l’Honorable D. Roche, que j’ai eu l’honneur de traduire, est appuyée par l’ensemble du mouvement Pugwash Canada.
Nous espérons que lorsque vous avez déclaré à TVA votre appui total au Très Honorable Justin Trudeau en réponse à une question de l’animateur Stephan Bureau dans l’émission de télévision hier soir, votre réponse était sincère et qu’elle sera renouvelée à la lecture de l’opinion de M. Roche qui divise avec raison le cabinet libéral, en réservant, avec raison aussi, sa pire mention à la fin à la vice-première ministre Chrystia Freeland.
Un moment-clé de l’entrevue donnée par la ministre des Affaires étrangères à l’émission d’hier soir est survenu quand l’animateur lui a remis dans la figure sa gaffe diplomatique, lorsqu’ « elle a souhaité un changement de régime à Moscou » en réservant ses pires épithètes à Vladimir Poutine. Ce n’était évidemment pas diplomatique d’insulter l’un des deux chefs d’états en guerre qui se retrouveront inévitablement (selon nous pacifistes observateurs des conflits mondiaux depuis plusieurs décennies) face à face pour des négociations de paix souhaitées par le Secrétaire général des Nations-Unies, le pape et les présidents de la Chine et du Brésil plus ou moins appuyés par Emmanuel Macron, contre l’OTAN va-t-en-guerre jusqu’auboutiste.
Pacifiquement vôtre en cette journée qui souhaite l’entente mondiale sur la terre, si difficile soit-elle, Pierre Jasmin, secrétaire des Artistes pour la Paix, qui espère une réponse qui contiendra autre chose que la négation attendue des conflits intralibéraux à la Chambre des Communes.
Après la Chine et sa proposition de paix en 12 points, voici le président du Brésil, Lula qui vous parle de négociations de paix, madame Joly. C’est aussi le professeur Riccardo Petrella et l’Agora des Habitants de la Terre depuis l’Amérique du Sud, l’Afrique, jusqu’au Moyen-Orient et le Liban, et surtout la France, l’Italie et la Belgique où le professeur a fondé des universités du Bien Commun.
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Voici maintenant l’opinion de Douglas Roche précédant de trois jours l’annonce que les dépenses mondiales seraient à un sommet jamais atteint : 2240 milliards de dollars.
Trudeau a raison de résister au lobby de la défense qui exige plus de dépenses militaires. L’OTAN ne fait pas de paix holistique. Avec ses exigences perpétuelles de plus d’argent pour des armes, elle intimide ses propres membres.
Par Douglas Roche ex-député conservateur d’Alberta, ex-sénateur indépendant et ex-ambassadeur du Canada pour le désarmement.
EDMONTON (publication dans le Hill Times — 21 avril 2023)
MONTRÉAL (publication dans l’Aut’Journal – L’aut’hebdo – 26 avril 2023)
Pour lire l’article, cliquez sur le titre.
MOUVEMENT PACIFISTE :
Dépenses militaires : Trudeau a raison de s’opposer à l’OTAN
Trudeau aurait déclaré en privé aux officiels de l’OTAN que le Canada n’atteindra jamais l’objectif de dépenses militaires de 2% du PIB
Par Douglas Roche
Résistance menée par M. Trudeau
Donnons crédit au premier ministre Justin Trudeau, un politicien, de dire la vérité. Un document du Pentagone, portant le sceau des Chefs d’État-major interarmées des États-Unis, divulgue que Trudeau aurait déclaré en privé aux officiels de l’OTAN que le Canada n’atteindra jamais l’objectif de dépenses militaires de 2% du PIB convenu par les membres de l’alliance. Interrogé à ce sujet, Trudeau a de manière significative refusé de nier l’avoir dit. Ce que le Premier ministre a déclaré : « Je persiste à dire, et dirai toujours, que le Canada est un partenaire fiable de l’OTAN, [un] partenaire fiable dans le monde entier. »
Le Canada consacre actuellement 1,29 % de son PIB à l’OTAN, ce qui s’est traduit cette année par 29 milliards de dollars. Cela fait du Canada le 13e plus grand dépensier militaire au monde et le sixième de l’OTAN. Le gouvernement prévoit dépenser 553 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années pour acheter de nouveaux systèmes d’armes comme des avions de chasse, des drones armés et des navires de guerre.
Pour passer à 2%, il faudrait que le gouvernement affame les besoins de santé et de logement déjà sous-financés. Le public n’appuierait jamais cela.
L’objectif de deux pour cent est l’une des plus grandes fraudes jamais perpétrées sur un public crédule par le complexe militaro-industriel, qui dirige la politique américaine, qui, à son tour, dirige l’OTAN. Trudeau a le mérite de l’avoir contestée.
Ce n’est pas facile pour Trudeau de le faire, car il est entouré de faucons militaires pour qui aucune dépense militaire n’est jamais suffisante.
Fraude majeure du complexe militaro-industriel
L’Institut de la Conférence des Associations de la Défense vient de publier une lettre ouverte, signée par des dizaines de célébrités politiques et militaires, appelant Ottawa à cesser de reculer en matière de défense nationale. L’Institut exige « une réévaluation majeure de notre posture de défense » et plus d’argent pour l’OTAN. C’est le lobby de la défense qui parle, et ils ont de grosses voix (Richard Fadden, Andrew Leslie et Rick Hillier sont parmi les signataires) qui noient un autre groupe de Canadiens tout aussi distingués (dont Margaret MacMillan, John Polanyi et Veronica Tennant) qui ont supplié le gouvernement de comprendre que la paix ne vient pas du canon d’un fusil.
La guerre d’Ukraine donne le prétexte pour les militaristes de battre aujourd’hui très fort leur tambour. L’invasion impitoyable de l’Ukraine par la Russie a déclenché une demande pour plus d’armes, et les dépenses militaires mondiales grimperont cette année bien au-delà de 2 000 milliards de dollars.
L’attention du public en Occident se fixe sur une défaite de la Russie à tout prix. Il est par conséquent facile pour les planificateurs de guerre (qui mobilisent la une des journaux) de proclamer que le gouvernement doit « mettre à disposition des fonds supplémentaires signifiants pour combler les lacunes de longue date en matière de capacités et de préparatifs militaires ».
L’OTAN est à l’origine de la nouvelle clameur au Canada pour plus de dépenses militaires. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ne cache pas son mécontentement envers nous de ne pas atteindre l’objectif de 2 %. Ce que Stoltenberg ne dit pas à voix haute, c’est que la politique de l’OTAN est dirigée par les États-Unis, qui entreprennent des dépenses militaires incroyablement excessives. Le budget militaire américain prévu de 842 milliards de dollars pour 2024 est supérieur aux prochains 10 plus gros dépensiers militaires combinés.
Tout cela est commandé par le complexe militaro-industriel, dirigé par cinq puissants sous-traitants de défense aux États-Unis qui contrôlent virtuellement les travaux des commissions des services armés au Congrès. Le complexe militaro-industriel (les avertissements à ce sujet remontent à l’administration Eisenhower) fonctionne sur l’hypothèse présumée que la future « concurrence stratégique » avec la Russie et la Chine est inévitable. Il n’y a pas de plafond pour la recherche sur les armes d’intelligence artificielle.
La peur l’emporte sur le bon jugement.
Le Canada est pris dans cette course effrénée au réarmement. L’OTAN est maintenant un train express rugissant dans un tunnel sombre. Personne ne sait ce qu’il y a de l’autre côté du tunnel, mais les semeurs de peur nous disent que ça doit être méchant. Encore une fois, la peur l’emporte sur le bon jugement. Merci à Trudeau pour avoir – enfin – dressé un drapeau rouge face à l’OTAN.
Pierre Trudeau, le père de l’actuel premier ministre, m’a dit en 1984, lorsque j’ai été nommé ambassadeur du Canada pour le Désarmement, que les politiques obsolètes de l’OTAN avaient été l’une des plus grosses épines qu’il avait dû endurer en tant que premier ministre [il me l’a répété privément la même année]. George Kennan, le célèbre diplomate américain qui a été le premier à proposer la politique d’endiguement de l’Union soviétique, a qualifié l’expansion de l’OTAN « d’erreur la plus fatale de la politique américaine de toute l’ère post-Guerre Froide ». Pourtant, l’expansion continue (la Finlande est la dernière capture) et la fausse croyance selon laquelle des armes plus grosses et plus efficaces apporteront la paix continue d’embrouiller le public.
Les retombées de la réticence de Justin Trudeau à continuer de rendre hommage à l’OTAN vont débuter. Le mouvement pacifiste au Canada, jusqu’ici intimidé par les accusations fallacieuses qui jugent qu’appeler à des négociations pour mettre fin à la guerre d’Ukraine équivaut à l’apaisement avec la Russie, se réveille. Le Groupe Canadien de Pugwash mobilise maintenant ses membres pour demander aux dirigeants internationaux d’amener la Russie et l’Ukraine à la table des négociations [ce que font les Artistes pour la Paix depuis février 2022].
Trudeau a ouvert la question de savoir combien d’argent est nécessaire pour une défense adéquate du Canada. Il suffit de regarder les visages de son cabinet qui l’entourent pendant la période des questions : un groupe divisé entre ceux qui subissent l’influence par la machine de l’OTAN ; les autres craignant que l’OTAN ne les entraîne dans un militarisme perpétuel. L’opinion publique sur l’efficacité de l’OTAN sera un facteur important dans la façon dont Trudeau répondra aux insultes qu’il subit actuellement de la part de ses « alliés de l’alliance » militaire.
La paix holistique de l’ONU
La question de la paix dans le monde est bien plus vaste que les différends russo-ukrainiens. La paix est un problème mondial. Ainsi, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, prépare actuellement « Un nouvel agenda pour la paix », qui abordera une myriade de défis auxquels la communauté internationale est confrontée aujourd’hui. Guterres dit que pour protéger et gérer le bien public mondial de la paix, nous avons besoin d’un continuum de paix basé sur une meilleure compréhension des moteurs sous-jacents du conflit, un effort renouvelé pour convenir de réponses de sécurité collective plus efficaces et un ensemble significatif d’étapes pour gérer les risques émergents. C’est une approche holistique de la paix.
L’OTAN ne fait pas de paix holistique. Réclamant toujours plus d’argent pour les armes, elle intimide ses propres membres. Sinon, comment expliquer la réduction de 1,3 milliard de dollars par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, dans le récent budget, du programme d’aide internationale déjà trop maigre du Canada ? L’OTAN souffre de ballonnement ; les pauvres souffrent – point.
Traduction et sous-titres par Pierre Jasmin
The Hill Times
April 21, 2023
Trudeau is right to resist defence lobby’s call for more military spending.
NATO doesn’t do holistic peace. Always demanding more money for arms,
it intimidates its own members.
OPINION
By Douglas Roche (qui a vivement remercié Pierre en l’assurant de son amitié)
EDMONTON—Credit Prime Minister Justin Trudeau, who is a politician, with telling the truth. A leaked Pentagon document, bearing the seal of the U.S. Joint Chiefs of Staff, said Trudeau told NATO officials privately that Canada will never reach the military spending target of two per cent of GDP agreed to by members of the alliance. Asked about this, Trudeau pointedly did not deny saying it.
The prime minister did say: “I continue to say, and will always say, that Canada is a reliable partner to NATO, [a] reliable partner around the world.”
Canada currently spends 1.29 per cent of its GDP on NATO, which this year, translated to $29-billion. This makes Canada the 13th largest military spender in the world, and the sixth largest in NATO. The government plans to spend $553-billion over the next 20 years to buy new weapons systems like fighter jets, armed drones, and warships.
To move to a full two per cent would require the government to starve already under-funded health and housing needs. The public would never stand for it.
The two-percent target is one of the greatest frauds ever perpetrated on a gullible public by the military-industrial complex, which drives American policy, which, in turn, drives NATO. Trudeau deserves credit for challenging it.
It’s not easy for Trudeau to do this, for he is surrounded by military hawks for whom no amount of military spending is ever enough. The Conference of Defence Associations Institute released an open letter, signed by dozens of political and military luminaries, calling on Ottawa to stop backsliding on national defence.
The institute wants “a major reassessment of our defence posture” and more money for NATO. This is the defence lobby speaking, and they have big voices (Richard Fadden, Andrew Leslie, and Rick Hillier are among the signatories). They drown out another set of equally distinguished Canadians (including Margaret MacMillan, John Polanyi, and Veronica Tennant) who have pleaded with the government to understand that peace doesn’t come from the barrel of a gun.
Thanks to the Ukraine war, the militarists today are beating a very loud drum. Russia’s ruthless invasion of Ukraine has unleashed a demand for more arms, and world military expenditures this year will climb well over $2-trillion.
Public attention in the West is fixated on defeating Russia at all costs. So it is easy for the war planners (who command the headlines) to proclaim that the government must “make significant additional funding available to address the long-standing deficiencies in military capabilities and readiness.”
NATO is driving the new clamour in Canada for more military spending. NATO Secretary-General Jens Stoltenberg doesn’t hide his displeasure with us for not meeting the two per cent target. What Stoltenberg doesn’t say out loud is that NATO policy is driven by the United States, which undertakes excessive military spending beyond belief. America’s planned $842-billion military budget for 2024 is greater than the next 10 greatest military spenders combined.
All this is commanded by the military-industrial complex, led by five powerful defence contractors in the U.S., who virtually control the proceedings of the armed services committees in Congress. The military-industrial complex (warnings about it go back as far as the Eisenhower administration) operates on the assumption that future “strategic competition” with Russia and China is inevitable. There’s no cap for research on artificial intelligence weaponry.
Canada is caught up in this headlong dash for rearmament. NATO is now an express train roaring through a dark tunnel. No one knows what’s on the other side of the tunnel, but the fear-mongers tell us it must be bad. Once again, fear overcomes good judgement. Thankfully, Trudeau hasz—at last—issued a red flag to NATO.
Pierre Trudeau, the father of the present prime minister, told me in 1984, when I was named Canada’s ambassador for Disarmament, that NATO’s obsolete policies were one of the biggest thorns he had had to endure as prime minister. George Kennan, the famous U.S. diplomat who first proposed the policy of containment of the Soviet Union, called NATO expansion “the most fateful error of American policy in the entire post-Cold War era.” Still, the expansion goes on (Finland has just been taken in) and the false belief that bigger and better weaponry will bring peace continues to bamboozle the public.
The fallout from Justin Trudeau’s reluctance to keep paying obeisance to NATO is just getting started. The peace movement in Canada, hitherto cowed by the spurious charges that calls for negotiations to end the Ukraine war amount to appeasement of Russia is awakening. The Canadian Pugwash Group is now mobilizing its members to advocate for international leaders to bring Russia and Ukraine to the negotiating table.
Trudeau has opened up the issue of just how much money is required for adequate Canadian defence. Just look at the faces of his cabinet as they surround him in Question Period: a group split group between those who’ve been swayed by the NATO machine; the others fearful that NATO will lead them into perpetual militarism. Public opinion on NATO’s efficacy will be an important factor in how Trudeau responds to the brow-beating he is now taking from his military alliance “allies.”
The issue of peace in the world is far larger than the Russia-Ukraine disputes. Peace is a global issue. Thus, UN Secretary-General Antonio Guterres is now preparing “A New Agenda for Peace,” which will address a myriad of challenges the international community faces today. Guterres says that in order to protect and manage the global public good of peace, we need a peace continuum based on a better understanding of the underlying drivers of conflict, a renewed effort to agree on more effective collective security responses, and a meaningful set of steps to manage emerging risks. This is a holistic approach to peace.
NATO doesn’t do holistic peace. Always demanding more money for arms, it intimidates its own members. How else can you explain Finance Minister Chrystia Freeland’s cut, in the recent budget, of $1.3-billion from Canada’s already meagre international assistance program? NATO bloats; the poor suffer.
Douglas Roche is a former Canadian senator and author. His new book, Keep Hope Alive: Essays for a War-free World, will be published in the fall. Comme l’écrit mon amie Margaret Atwood, le mot essais doit être compris dans les deux sens. Pierre J.
[i] http://www.artistespourlapaix.org/negociations-de-paix-pour-lukraine/
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