Dernièrement, lors d’une interview télévisée, une journaliste québécoise m’interrogeait sur mon cheminement pour essayer de cerner le sens qu’avait pris pour moi le mot liberté alors que je venais de quitter l’Algérie pour la France en août 1994 puis pour le Québec, trois ans plus tard. Alors, la liberté, comment se décline-t-elle? « Marcher librement dans la rue« , ai-je répondu spontanément. « Mais encore?« , me demandait la jeune et ravissante blonde tout en me scrutant de ses petits yeux verts. Face à la banalité de mon propos, je sentais le désarroi gagner la voix de mon interlocutrice. « Quelle broutille!« , devait-elle marmonner en son for intérieur! À vingt ans, bien que j’aie étudié la physique quantique à l’université d’Oran et que j’aie jonglé avec les équations différentielles, je ne rêvais ni de danser entre les étoiles ni même de valser dans la soupe atmosphérique. Rien ne m’aurait rendu aussi heureuse que la possibilité d’humer une bouffée d’air sur une terrasse, seule. Seule, sans tutelle, sans un homme. Ce bouclier que j’avais taillé sur mesure pour repousser les regards inquisiteurs des autres hommes qui me ramenaient constamment à ma condition de boule glandulaire. C’est d’ailleurs sous les regards enflammés de libidos débordantes, alors que la volupté de la mer sculptait mon corps juvénile, que j’ai vu poindre deux cerises rebelles dont je me fichais complètement. Ce n’est pas pour autant que j’avais renoncé au doux plaisir du prélassement sous les palmiers. Oran avec ses boulevards, son théâtre rococo, ses cascades de bougainvilliers et son front de mer suggérait la nudité et l’abandon de soi. Le soleil y était suffisamment doux, mais jamais trop chaud et les étés longs et langoureux.
Les poètes, ma lucarne sur le monde
Par moment, il m’arrivait de délaisser mon « protecteur » et de n’en faire qu’à ma tête, me glissant entre les tables d’une terrasse, seule. Les remarques désobligeantes de quelques badauds, leurs regards insistants, leurs crachats, les petits cailloux qu’ils me lançaient à la sauvette à quelques rares occasions me donnaient une frousse terrible et les mains baladeuses de quelques salopards me faisaient regretter la légèreté de mon geste. À chaque fois, je me promettais de ne plus tenter le diable et à chaque fois je recommençais. Il arrivait aussi que ces désagréments soient mis en veilleuse par les commentaires galants de quelques passants raffinés.
À vrai dire, j’aurais souhaité être transparente, invisible. Clouée à ma chaise, j’étais tel un chat sauvage, en alerte permanente d’un éventuel assaut, somme toute prête à parer à n’importe quelle éventualité. Mais sur le coup, je faisais semblant que rien ne m’atteignait. Je restais imperturbable. Digne. Était-ce ma façon de briser l’étouffement dans lequel on voulait confiner mon corps? Certainement. Bien entendu, rien de tout cela ne se faisait sans souffrance. Ma démarche restait purement naïve et individuelle, dénuée de toute portée idéologique ou politique. En d’autres mots, il ne me serait jamais venu à l’esprit d’organiser un mouvement collectif contre le harcèlement sexuel que nous étions pourtant nombreuses à subir ni même à soulever cette question au sein du parti politique de gauche dans lequel je militais à l’époque. Les libertés individuelles n’étaient pas de notre ressort. Nous étions trop préoccupés à « bâtir le pays », à redonner la dignité aux travailleurs et à chanter les louanges du socialisme. Aujourd’hui encore, je m’étonne que nous n’ayons pas su capter cette révolte sourde qui grondait en chaque femme.Qu’ajouter d’autre, sinon la fracture entre mon corps rabougri, chancelant, incertain et ma tête au cœur de l’universel refusant de courber l’échine. Avant de jouir pleinement de la liberté de mon corps, je me suis mise en bouche des pages entières de la poésie d’Éluard, de Neruda, de Hikmet et de Darwich. Leurs mots acidulés, d’une tendresse désespérée, m’ont apaisée. En égrenant leurs vers, je me rapprochais de l’éclaircie jubilatoire. C’est peu dire que les poètes m’ont sauvée. Ils étaient ma lucarne sur le monde, ma fantaisie, mon ballon d’oxygène d’une légèreté lunaire, mon caviar et mon prélude à la liberté.
Des femmes aux joues roses de désir et de colère
Quoi? Je n’allais tout de même pas « céder » la rue aux hommes sans opposer de résistance? Plutôt mourir que la leur offrir sur un plateau d’argent. Moi aussi j’y avais droit! D’autres s’étaient battues pour mon émancipation. En particulier, des femmes aux joues roses de désir et de colère. D’ailleurs, mon prénom me renvoyait à leurs sacrifices et cela suffisait à forger encore un peu plus ma détermination. La bravoure de ces femmes, qui n’avaient pour la plupart même pas vingt ans et dont les récits grouillaient dans ma tête, engagées pour la liberté de tous et condamnées à mort pendant la guerre de libération nationale, me rendait fière et forte.
D’autres battantes me fascinaient déjà. Clara Zetkin, Rosa Luxembourg, Simone de Beauvoir, Huda-Sharawi (1879-1947) – vous savez, l’Égyptienne qui a mené dès les années 1920 un combat pour l’égalité des sexes, le droit à l’éducation, le dévoilement des femmes, l’accès à la culture, la condamnation du mariage précoce et la limitation de la polygamie. À bien y regarder, sommes-nous si loin de son époque? Puis, vous ne vous imaginez tout de même pas que j’allais bondir de mon lit, le matin, pour me téléporter vers l’amphithéâtre de l’université sans que l’un de mes orteils n’effleure la rue? Si pour moi l’éducation allait de soi avec l’indépendance financière, l’émancipation sexuelle et la liberté individuelle, d’autres ne la voyaient pas du tout du même œil. Et ils étaient nombreux dans l’Algérie post-indépendante où l’islam est religion d’État à s’étouffer juste à l’évocation de ce parfum de liberté au féminin.Dans l’enthousiasme qui a suivi l’avènement du multipartisme en 1989, la voix d’Ali Belhadj, le numéro 2 du Front islamique du salut (FIS), a retenti soudainement comme un éclat de tonnerre nous rappelant la responsabilité ultime de notre existence: « Le lieu naturel de la femme est le foyer, affirmait-il dans une interview au quotidien Horizon. La femme n’est pas une reproductrice de biens matériels, mais reproduit cette chose essentielle qu’est le musulman. » Voilà qui avait le mérite de la clarté! Lorsqu’il m’arrive de me remémorer cette fameuse déclaration, plus de vingt ans plus tard, je repense surtout au sort des femmes iraniennes dont le FIS se serait, certainement, inspiré s’il avait réussi à se hisser au pouvoir en 1991.
Les victoires électorales des islamistes en Égypte et en Tunisie me plongent dans ce même état de choc. Car une chose est sûre, les islamistes – qu’ils soient Frères, Salafistes ou quelque part entre les deux – rêvent de faire reculer de quatorze siècles les aiguilles du temps. Par ailleurs, les forces conservatrices -franchement pas modernistes et pas tout à fait islamistes – espèrent toujours nous tenir en laisse. Reste à définir sa longueur dépendamment de la conjoncture politique. Du côté des démocrates, à quelques exceptions près, les ruptures historiques sont difficiles à assumer et les hésitations encore nombreuses. On sent bien leur agacement face aux problématiques relatives à la religion, aux corps des femmes et à leur sexualité.
Devenir si absolument libre
Cette tiédeur, nous la mesurons alors que
Amina Tyler, une Tunisienne de 19 ans, et avant elle Alia Magda Ehmahdy, une Égyptienne de 22 ans, ont fait de leur corps l’objet même de leur contestation en exhibant leur nudité (partielle ou intégrale). « Mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne », a écrit Amina qui a posté sa photo seins nus sur sa page Facebook à la mi-mars. Le calvaire ne s’est pas fait attendre. Battue par son cousin et séquestrée par sa propre famille qui la dope de médicaments, sa vie a basculé tout comme celle d’Alia Magda Ehmahdy qui a dû quitter son Égypte natale pour se réfugier dans un petit village de Suède. Il ne fait aucun doute que les clichés des deux rebelles arabes venant grossir les rangs de l’audacieux mouvement féministe
Femen initié par une poignée d’Ukrainiennes ont dû faire saliver beaucoup d’hommes, ceux-là mêmes qui rêvent, depuis des lustres, de mettre à leurs semblables une muselière, de les embastiller ou de les clouer au pilori.
Qu’y a-t-il de si honteux à s’approprier son corps? Qu’y a-t-il de si désastreux à consacrer la réalité charnelle de son être? Que vaut la vie sans la possibilité d’exprimer sa propre existence et d’affirmer son moi ? En choisissant la nudité comme moyen de résistance, les deux rebelles arabes incarnent un Camus au féminin et portent sa parole au cœur d’une actualité brûlante. « Le seul moyen d’affronter un monde sans liberté, écrivait-il, est de devenir si absolument libre qu’on fasse de sa propre existence un acte de révolte. » En choisissant de faire de leur corps le lieu de leur résistance, Amina et Alia ne se sont pas trompées. Pourquoi? Parce que, dans le monde où elles vivent, le corps de la femme sent toujours le souffre et il n’est jamais vraiment le sien. C’est un corps pour l’homme qu’elle partage par la suite avec sa progéniture. D’ailleurs, l’injonction de la virginité n’a pas pris une ride. Pour aspirer au mariage, on exige d’elles qu’elles observent une abstinence sexuelle complète et refoulent tous ces sentiments et toutes ces sensations qui font la femme: le désir, la jouissance et l’amour. Le retour à l’envoyeur d’une « marchandise gâtée » demeure toujours une option (et même en France!). Cette dépossession est une violence qui, d’abord confinée dans l’espace intime, se déplace petit à petit dans l’espace public.
En ce sens, la négation du sujet sexuel se traduit par la négation du sujet citoyen. Se réapproprier son corps, l’assumer, l’exhiber dans de telles circonstances, c’est cheminer vers la liberté. Cette liberté, c’est celle qui pousse l’histoire vers l’avant, qui l’autorise au lieu de la figer dans la tradition ou dans le dogme religieux. En faisant de la sexualité des femmes l’affaire de tous, ceux qui s’entichent de pureté et d’abstinence fusionnent la sphère privée et la sphère publique. Or, le détachement de l’une et de l’autre est l’un des fondements de la modernité. Il rend possible l’exercice démocratique et garantit le respect des libertés individuelles. Qui tire parti d’une police qui réglemente la sexualité des femmes si ce ne sont les zélateurs de la morale ?
Le sexe est une affaire politique, la fornication un acte de dissidence, la sexualité une fixation qui occupe tous les esprits. La sexualité des femmes est l’affaire de tous, son contrôle relève de la pathologie collective; les agressions contre des femmes non voilées en plein centre-ville de Tunis par des agents des forces de l’ordre nouvellement recrutés, le viol des femmes à la place Tahrir ou l’imposition des certificats de virginité aux révolutionnaires égyptiennes par des militaires en perte de vitesse n’en sont que quelques tristes illustrations parmi tant d’autres. En insinuant un doute sur la prétendue « légèreté » de leur tenue vestimentaire ou de leur conduite, ces atteintes entraînent les femmes sur le terrain de la moralité. Cette mise en scène de la transgression par le corps de l’ordre moral est un appel délibéré à la vindicte populaire. Les femmes jugées immorales se trouvent doublement condamnées: par l’État, qui cesse de les protéger, et par la société, qui les conspue.
Les alcôves coraniquement sous clé
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Amina et Alia sont aussi le produit de leurs sociétés où la jeunesse étouffe et explose. Des sociétés qui ne sont pas à une contradiction près puisqu’elles portent en elles deux mouvements contradictoires. D’une part, celui pour l’émancipation des femmes qui est bien réel, né avec les indépendances, qui travaille à changer les sociétés en profondeur et, d’autre part, un autre mouvement qui tente à tout prix de maintenir la structure familiale patriarcale, base de la structure sociale traditionnelle, intacte. Comme la libération des mœurs n’a pas suivi la réalité sociologique, on saisit bien dans ce contexte l’impact du conservatisme social à la base de l’idéologie islamiste, qui joue à fond la carte de la chasteté et le confinement des femmes à leurs rôles de mère et d’épouse.
Dans l’esprit des islamistes, la cause profonde de la régression et du sous-développement est l’absence de morale ou encore l’éloignement de la morale islamique. « Trop de sexe » a désaxé la Oumma. Pourtant, s’il y a un sujet qui a traversé les siècles sans perdre de sa fraîcheur, c’est bien celui de la sexualité. Faire l’amour à perpétuité c’est pour plus tard, dans l’au-delà. Le temps viendra des nuits de braise, des jours de feu et des copulations sans fin. Pour le moment, les alcôves sont mises coraniquement sous clé.
Pour ces bigots, la civilisation musulmane était à son apogée à l’époque du Prophète qui avait une conduite morale et sexuelle irréprochable. Hassan Al-Banna, le fondateur de la Confrérie des Frères musulmans en 1928 ne rêve pas d’une nouvelle ère abbasside (IXe-XIIIe) où le calife al-Maamoun protégeait les libres penseurs mutazilites et célébrait les sciences et les arts. Il s’inscrit dans la ligne de pensée intégriste de Ibn Hanbal (780-855), revigorée par le sinistre Ibn Taymiya (1263-1328) et reprise comme doctrine officielle de l’Arabie saoudite. À l’âge d’or abbasside où l’on se souciait de traduire Platon et Aristote, il préfère la manière sombre d’un Mohammed ibn Abd al-Wahab, père contemporain du salafisme, aussi appelé wahhabisme. Pour lui, les inflexions rationalistes au sein de l’islam au XIXe siècle ne sont que le produit de l’interaction des musulmans avec l’Occident et n’ont conduit qu’à la ruine et à l’aliénation. Par conséquent, il faut éliminer toutes ces évolutions et revenir aux sources: al-salaf (les ancêtres), et en particulier à la lecture littérale des textes révélés et à l’imitation de la tradition (le taqlîd). Voilà pourquoi le jeune al-Banna préconise le retour à l’orthodoxie musulmane et le voilement des femmes.
Travailler à l’épanouissement de l’ensemble de la société
Alors que j’effectuais un séjour à Tunis et au Caire au printemps 2012, mon regard s’est posé partout sur les femmes: dans les rues, les marchés et les bureaux, dans les hammams, les salons de coiffure et les restaurants, dans les librairies, aux musées et dans les universités, ou encore dans les domiciles privés. Travailleuses ou femmes au foyer, mères ou célibataires, divorcées, veuves ou épouses, rassurées ou en doute, en quête d’elles-mêmes ou confiantes, affranchies ou soumises, confinées dans la cuisine ou libérées des tâches domestiques, courant sur les stades ou s’attelant à découvrir le mystère des étoiles, j’ai suivi les pas de quelques-unes d’entre elles en interrogeant leurs corps et leur histoire, en effleurant doucement leurs vies. Porteuses qu’elles sont d’un intense espoir d’exister et de s’affirmer en tant que sujet désirant, leur dignité rend les femmes universelles, intemporelles, d’une humanité consciente et sobre. Véritable poteau-mitan de la société, leur statut fait l’objet de toutes les attentions. Toutefois, sur le terrain tortueux du corps et de la sexualité, leur fragilité est saisissante. Elles deviennent ce verre délicat qu’un rien peut briser en éclats. Or, accepter leur sexualité c’est tenir compte de leur subjectivité sans laquelle leur émancipation n’est qu’une vaine illusion. C’est celle-là la véritable révolution. Celle qui se fera dans nos lits, dans nos maisons, dans nos rues, dans nos quartiers et dans nos lieux de travail. La mère célibataire retrouvera alors sa dignité, la femme divorcée n’aura plus honte de son statut, les amoureux pourront s’embrasser en public sans courir le risque d’être caillassés, les collègues de bureau pourront partager le même espace sans arrière pensée et en toute convivialité, la travailleuse n’aura plus peur de prendre l’autobus le matin, les frères ne seront ni les espions ni les bourreaux de leurs sœurs, la police des mœurs, celle qui fait le tour des parcs et guette les sorties des restaurants pour faire la chasse aux couples sera bannie, l’homme ne se sentira plus obligé de bastonner sa femme pour prouver sa virilité, la femme n’aura plus besoin de tuteur pour se marier. Et si elle ne souhaite pas l’être, elle aura la possibilité de vivre différemment et autrement, l’interdiction du mariage avec un non-musulman sera levée, le divorce comme faculté exclusive du mari et le droit à la moitié des parts en matière successorale seront abolis. Ça fait beaucoup d’aspects déjà, non?
Tout ceci me fait penser à ce magnifique poème de Bachir Hadj Ali Rêves en désordre. « Je rêve d’hommes équilibrés en présence de la femme. Je rêve de femmes à l’aise en présence de l’homme… ».
Donner un sens et un souffle nouveau aux révolutions. C’est le défi que nous ont lancé Amina Tyler et Alia Magda Ehmahdy, deux jeunes femmes absolument remarquables qui forcent notre soutien et notre admiration. Leur liberté c’est aussi la mienne, la vôtre et la nôtre! Parce que faire avancer la cause des femmes c’est travailler à l’épanouissement de l’ensemble de la société. Libérez Amina qu’elle puisse déployer grandement ses ailes. Le monde l’attend et la révolution a besoin d’elle!
______________________________________________________
Manifeste – Halte aux attaques contre les droits des femmes
8 mars 2013
La Journée internationale des femmes, le 8 mars, est depuis plus de 100 ans un moment privilégié pour faire le point sur les luttes des femmes et attirer l’attention sur des questions visant à obtenir l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est aussi une occasion de mettre en lumière des faits prouvant qu’il y a encore des défis à relever, voire des batailles à reprendre et des principes à rappeler.
Nous constatons…
• Nous constatons que le féminisme, qui vise l’émancipation des femmes et lutte contre l’oppression patriarcale, est maintenant fragmenté et détourné de son objectif. Or, l’oppression des femmes est spécifique, globale et universelle : 1- spécifique, car elle s’articule à d’autres oppressions sans obligatoirement les inclure; 2- globale, car elle se constate aussi bien dans la sphère publique sur les plans social, politique et économique, que dans la sphère privée, aux niveaux familial et sexuel ; 3- universelle, car elle existe, toutes modalités confondues et à des degrés divers, dans toutes les sociétés.
• Nous constatons que, face à l’infériorisation des femmes, la solidarité et l’action féministes se sont édifiées avec des priorités d’action qui souvent varient en fonction de la diversité des cultures. Il convient de rappeler que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à 1’égard des femmes (CEDEF), adoptée par l’ONU en 1979, est entrée en vigueur en 1981 et lie 187 États, dont le Canada. Le Québec s’est également déclaré lié par cette convention.
• Nous constatons que le mouvement féministe, dont le postulat sous-tend que, du seul fait de leur humanité, les femmes et les hommes ont une valeur et une importance intrinsèques égales, a fait progresser la cause des femmes et a réussi à faire évoluer un certain nombre de sociétés vers une humanisation et une qualité de vie démocratique plus grandes. La société québécoise fait partie de toutes celles qui ont bénéficié de ces avancées : les femmes et les hommes du Québec ont raison d’en être fiers et de revendiquer le principe de l’égalité des sexes comme une valeur fondamentale.
• Nous constatons que certains acquis du mouvement féministe sont fragilisés tant par des revendications à caractère religieux que par d’autres à caractère libertaire en faveur du libre marché de la prostitution, et ce, au nom même du « féminisme ». Nous nous inscrivons en faux contre cette forme d’usurpation des luttes menées antérieurement.
Nous dénonçons…
• Nous dénonçons certaines décisions et mesures adoptées ou tolérées par les pouvoirs publics, qui minent, sinon abolissent carrément, des acquis importants et durement gagnés par nos luttes.
• Nous dénonçons les tentatives répétées des élus du Parti conservateur qui veulent interdire le droit d’accès à l’avortement.
• Nous dénonçons la décision de la Cour suprême du Canada qui, en acceptant qu’une femme puisse témoigner dissimulée sous un niqab, privilégie une interprétation discutable de la liberté religieuse au détriment du droit à la dignité des femmes, faisant ainsi fi des conventions internationales.
• Nous dénonçons la création, par le gouvernement fédéral, d’un Bureau de la liberté de religion qui, de facto, place la liberté religieuse au-dessus de la liberté de conscience, alors même que les droits des femmes sont souvent remis en question au nom de la liberté religieuse.
• Nous dénonçons un système judiciaire qui accorde de plus en plus de droits aux exploiteurs et aux profiteurs de la marchandisation du corps des femmes dans la prostitution, la traite à des fins d’exploitation sexuelle et la pornographie, gommant ainsi le fait qu’il s’agit le plus souvent de femmes vivant dans la pauvreté.
• Nous dénonçons les prises de position de certains défenseurs des droits humains qui, au nom de la liberté religieuse, se portent à la défense de pratiques culturelles discriminatoires à l’endroit des femmes.
• Nous dénonçons le relativisme culturel qui entrave l’accès à l’égalité des filles et des femmes immigrantes en accordant la priorité au respect de certaines traditions et coutumes patriarcales liées à leur pays d’origine.
• Nous dénonçons certaines prises de positions d’organismes voués en principe à la défense des droits des femmes, mais qui participent aux reculs imposés aux femmes en privilégiant les libertés individuelles au détriment des droits collectifs de toutes les femmes, contribuant ainsi à isoler certains groupes de femmes, à renforcer leur oppression et à réduire en fin de compte leur marge de liberté dans plusieurs domaines.
• Nous dénonçons le laxisme qui permet à des professeurs-es qui représentent normalement des modèles à suivre pour leurs jeunes élèves, d’afficher des signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur fonction et de le faire tout particulièrement dans les écoles publiques, alors que ces dernières sont dûment déconfessionnalisées depuis 1997 et soumises à une obligation légale de neutralité religieuse en vertu des Chartes.
• Nous dénonçons la complaisance des institutions publiques en ce qui concerne la protection des petites filles et des adolescentes victimes de violences, justifiées par la culture ou les convictions religieuses de leurs familles.
Nous demandons…
• Nous demandons à nos gouvernements de respecter leurs engagements au titre de la CEDEF et à nos tribunaux de tenir compte de ces engagements dans leurs décisions.
• Nous demandons au gouvernement d’adopter, dans les meilleurs délais, une Charte de la laïcité, seule garante d’une société démocratique où l’égalité des sexes n’est pas négociable.
• Nous demandons au gouvernement de donner des instructions claires aux administrateurs des institutions éducatives afin de mieux protéger les droits des petites filles et des adolescentes vulnérables qui relèvent de leur responsabilité.
• Nous demandons à nos gouvernements de reconnaître la situation d’inégalité vécue par les femmes dans la prostitution et de réorienter leur action afin de criminaliser les proxénètes et les clients, sans pénaliser les femmes prostituées.
Nous souhaitons que les femmes et les hommes du Québec, indépendamment de leurs origines, continuent d’être fiers des politiques et des lois en faveur de l’égalité entre les sexes, et nous les appelons à rester vigilants afin de conserver ces acquis
C’est pourquoi, nous, femmes et hommes, féministes et signataires de ce manifeste, estimons urgent et nécessaire de protéger concrètement les acquis de nos luttes féministes.
Plus de trois cents personnes ont signé ce manifeste dont la liste complète est publiée sur le site de la Coalition Laïcité Québec www.laicitequebec.org . Il est possible de signer le manifeste en se rendant sur le site.
Rédactrices :
Rachida Ait Tahar, professeure
Nadia Fahmy-Eid, historienne
Pierrette Gratton, enseignante à la retraite
Leila Lesbet, technicienne en éducation spécialisée
Michèle Sirois, anthropologue et coordonnatrice Coalition Laïcité Québec
Andrée Yanacopoulo, écrivaine
Signataires :
Rachad Antonius, professeur UQAM
Mounjed Arnouk, ingénieur
Fatiha Attou, enseignante
Élaine Audet, auteure et éditrice des éditions Sisyphe
Fritz Axelsen, retraité
Daniel Baril, anthropologue et militant laïque
Djemila Benhabib, auteure Des femmes au printemps
Nabila Ben Youssef, humoriste et comédienne
Micheline Carrier, éditrice de Sisyphe
Ferid Chikhi, conseiller en intégration socioculturelle
Djahan Dardachti, médecin
Bernard Émond, cinéaste
Yolande Geadah, auteure
Jacques B. Gélinas, sociologue, essayiste et conférencier
Jean-Claude Hébert, avocat
Alain Horic, poète et éditeur
Pierre Jasmin professeur, pianiste et artiste pour la paix
Lucie Jobin, militante laïque et féministe
Guilda Kattan, professeure au Ministère de l’immigration et des communautés culturelles
Othmar Keel, professeur honoraire Université de Montréal
Nabil Khiari, Biologiste
Ève Lamont, cinéaste
Gaston Larente, fonctionnaire
Bernard La Rivière, PhD en théologie, membre du collectif «Laïcité» de Québec solidaire
Danièle Letocha, professeure retraitée, théorie politique, Un. d’Ottawa
Michel Lincourt, PhD
Louise Mailloux, professeure de philosophie
Lucie Martineau, présidente du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec
Nawal Meshaka, enseignante
Léon Ouaknine, consultant et militant pro-féministe
Nabila Oubouchou, Sr. systems Engineer
Christiane Pelchat, féministe, Prix Condorcet-Dessaules 2012
Madeleine Poulin, journaliste
Richard Poulin, professeur émérite de sociologie et d’anthropologie (Un. d’Ottawa)
Jocelyne Robert, sexosophe-écrivaine
Guy Rocher, professeur émérite Université de Montréal
Daniel Turp, professeur titulaire en droit Université de Montréal
Merci, Pierre Jasmin, de ce très juste incitatif, et
Merci, Djemila Benhabib, pour ce témoignage et ce plaidoyer:
il est actuellement très important de partager et de réagir toutes et tous
face à tant d’obscurantisme, de fausses idées et de dominations
Ne pourrions-nous pas toutes et tous, femmes et hommes,
à même nos différences et nos caractéristiques,
être égales et égaux ?
Bonjour Pierre, bonjour Symon,
Je devais aller voir ce spectacle politiquement engagé ce mercredi mais les difficultés de mon oncle qui lutte contre le cancer m’ont empêché de faire un voyage à Montréal.
Je trouve le texte de Pierre Jasmin intéressant. Vraiment j’aurais voulu être là ! J’ai eu une bonne discussion avec Symon autour du fait qu’il utilisait la photo d’Alia sur Facebook comme publicité. Cet usage provocateur m’a choquée. Mais, discutant avec Symon, j’ai bien vu que ça démarche était réfléchie et qu’elle avait un sens politique que je n’ai peut-être pas compris du premier coup.
Les textes que Pierre a mis en ligne et le fait que Symon et moi continuons à échanger me permettent de dire que nous sommes vraiment devant un engagement politique qui se veut porteur de changements en faveur de l’émancipation des femmes.
Il me semble que les femmes, à travers le monde, sont des messagères de paix. Le Charte mondiale des femmes pour l’Humanité exprime ce souci pressant de conduire les hommes à des règlements pacifiques de leurs conflits.
J’espère que l’apport de Symon ira encore une fois dans l’avenir vers ce soutien des initiatives de paix.
Hommes et femmes, nous sommes citoyen-ne-s de la Terre, malgré nos différences de cultures, de religions, de régimes politiques, la musique nous rassemble et ce que je sens dans le message de Pierre Jasmin de ce matin, c’est que Symon a réussi à toucher sa cible.
Bravo à toi Symon !
Pascale Camirand, poétesse et philosophe éthicienne féministe
J en veux plus !!! quoi qu il en soit vous etes maintenant dans mes preferences et vous dit a bientot.
Merci pour votre action.
Plasticienne engagée, j’ai réalisé des oeuvres sur le sujet des violences faites aux femmes que j’ai pu présenter à 400 lycéens français pour la Journée des Femmes 2018. L’action est aussi la pédagogie et le débat.
Une oeuvre intitulée « Phallocratie », à découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/phallocratie.html, sur le sujet de la domination sociale, culturelle et symbolique exercée par les hommes sur les femmes.
Quand l’art permet de parler toutefois avec humour de cette prégnance virile !
Mais aussi une série sur les mutilations sexuelles intitulée « Infibulation ». Quand l’art permet de parler directement des MGF et d’ouvrir le débat.
A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/blog-page.html
Dans les deux cas le dialogue fut incroyable avec les élèves .