N.D.L.R.: Pierre Jasmin est de retour après plusieurs semaines d’hospitalisation. Ce texte est une mise à jour de l’article du 8 mars dernier.
Au risque de se faire accuser par le gouverneur de la Floride et futur candidat républicain à la présidence d’être atteints du « virus mental woke infectant la gauche » (sic !) et contrairement aux partis fédéraux d’opposition obnubilés par l’ingérence chinoise, les Artistes pour la paix préparent quelques questions au rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère. Nous espérons que l’hystérie médiatique anticommuniste qui rejoint le point incandescent de la période McCarthy n’a pas endommagé les possibilités diplomatiques de rapprochement souhaitable par tout gouvernement soucieux de coopération internationale à l’égide de l’ONU.Comme les vitupérations canadiennes qui, avec l’OTAN et Zelensky, rejetèrent le plan de paix de décembre 2021 par la Russie, l’ont peut-être poussée à l’issue fatale condamnée la semaine dernière par 141 pays de l’ONU d’envahir l’Ukraine, les condamnations canadiennes semblables de la Chine et de son plan de paix en douze points ne risquent-elles pas de la conduire à la tentation d’envahir Taïwan ? De même, nos accusations et sanctions économiques, doublées des menaces israéliennes de bombardements contre l’Iran, risquent de conduire au pouvoir les Gardes révolutionnaires et les extrémistes religieux coupables d’empoisonnements d’écolières. Appuyons les femmes iraniennes et organismes humanitaires, mais éloignons-les des appétits guerriers occidentaux.
Les rejets canadiens de tous les projets de cessez-le-feu avancés par le Pape, le Secrétaire général de l’ONU et le Président du Brésil relèguent notre pays dans le camp militariste irréductible des FIVE-EYES (aucune traduction disponible), de l’OTAN et des déplorables envois d’armes à l’Ukraine.
Voici quelques questions envisagées :
- Le Premier ministre Trudeau a cru défendre la fermeté de sa position face à la Chine en évoquant dans son discours du 6 mars au soir l’affaire des deux Michael, ramenés à la maison depuis les prisons chinoises où ils étaient détenus arbitrairement. Comme rapporteur, allez-vous dénoncer l’ingérence étrangère des États-Unis par Donald Trump, obtenant en 2019 de la Vice-première ministre Chrystia Freeland sans aucun motif valable l’incarcération pendant deux ans et demi de la vice-présidente de Huawei, Madame Meng Wanzhou, défendue par divers articles des APLP et qui vient le premier décembre dernier d’être exonérée par le président Biden de toute infraction juridique, dans un silence médiatique impressionnant ?
- Allez-vous dénoncer le rapport mensonger de la CIA, exemple flagrant d’ingérence étrangère toxique, qui a persuadé la Chambre des Communes de voter une dénonciation d’une Chine génocidaire ? Le Pakistan, limitrophe du Xinjiang, vient en un mois de connaître la mort atroce de plus d’une centaine de ses policiers par attentats terroristes perpétrés par l’Armée Islamiste, ISIS ou Talibans (les médias ne s’entendent pas). Peut-on regarder d’un œil moins sévère les camps de rééducation de centaines de milliers d’Ouïghours affectés par les propagandes de ces trois groupes religieux fanatisés ? M. Trudeau a annoncé qu’il voulait ouvrir les portes du Canada à 300 000 migrants Ouïghours. Compte tenu de sa partisanerie, doublée d’un multiculturalisme aveuglant opposé aux objectifs humanistes québécois favorables à la laïcité et à la francisation, les APLP suggèrent de couper ce nombre à quelques milliers en danger de mort et de favoriser plutôt la réunification de familles francophones issues des Haïti, Liban, Jordanie, Syrie, Kurdistan, Égypte, Tunisie, Algérie, Maroc, Mali, Sénégal, Rwanda et d’autres pays d’Afrique. Voilà qui aurait l’effet collatéral positif de diminuer les chicanes entre nos paliers de gouvernements !
- En félicitant le Canada d’avoir accueilli 150 000 Ukrainiens depuis le début de la guerre, conformément aux vœux du Haut-Commissariat des Réfugiés de l’ONU, comment ne pas condamner son acceptation idéologique perverse des propagandes guerrières étrangères de l’Ukraine, oublieuse des exactions nazies de son bataillon Azov contre le Donbass qui défièrent le traité de Minsk onusien et de la Pologne ayant promu Jean-Paul II au rang de héros national malgré son anticommunisme primaire et son indulgence coupable face aux prêtres pédophiles antisémites déplacés de paroisses en paroisses ?
Sur le sujet de la guerre canadienne soutenue par 5 milliards de dollars d’armes transmises à Zelensky en imitation de la politique de Biden dont l’influence militariste constitue la pire ingérence étrangère, la propagande canadienne veut faire adhérer le peuple à l’imposée recherche par l’OTAN de « la victoire coûte que coûte », sachant cyniquement que les Ukrainiens avec lesquels nous sommes en contact seraient heureux d’un cessez-le-feu supervisé par l’ONU qui apaiserait leurs souffrances.
Rapportons aussi la propagande de Radio-Canada du 19 février, succédant à Tout le monde en parle, lue par Claudine Bourbonnais au Téléjournal qui débuta avec l’affirmation suivante : « Personne n’aurait pu imaginer il y a un an que la guerre en Ukraine se poursuivrait un an ». Affirmation évidemment contredite par les articles dans l’Aut’journal et sur le site www.artistespourlapaix.org et surtout par l’ex-président afghan, Hamid Karzaï, avertissant dans l’India Times au début mars 2022 le président ukrainien Zelensky que négocier avec la Russie serait la seule façon d’éviter à son pays le sort dévolu à l’Afghanistan devenu pendant 43 ans le terrain de chasse dévasté par des guerriers d’abord soviétiques puis américains, sans compter canadiens de 2001 à 2021 (sur l’Afghanistan, lire notre article commun de 2008 avec le regretté Bruno Roy choisi APLP posthume 2022).
Conclusions
Plus important que l’ingérence chinoise dans nos élections que M. Trudeau trouve insignifiante vu qu’elle n’a eu aucun effet réel sur le résultat final, nous croyons qu’il est temps de s’alarmer contre le racisme sinophobe suscité par l’appellation « virus chinois » de la COVID par Trump jusqu’à la paranoïa dégonflée des ballons et des postes de police (centres de torture !?) chinois, aggravée par la prétention militariste de la ministre Joly : « La Chine est une menace qu’il faut contrer par une augmentation régionale militaire d’un demi-milliard de dollars », alors que le Japon voisin double déjà son budget militaire.
Le 1er juillet 2023, les racistes sinophobes pourront célébrer le centenaire de l’infâme Loi canadienne d’immigration chinoise heureusement abrogée en 1947. L’artiste Karen Tam qui expose au Musée McCord relate, dans un article du Devoir, qu’elle n’ose plus sortir à Montréal non accompagnée par son copain blanc. Elle travaille donc à un projet intitulé « Le parcours d’une héroïne à travers des territoires hostiles ».
Nous croyons enfin que le Canada devrait appuyer le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) pour solidifier le front des 92 pays signataires (sans le Canada !) en opposition à la Chine, la Corée du Nord et la Russie, cette dernière assez irresponsable pour brandir la menace nucléaire dans le présent conflit. Que dire de nos pays occidentaux détenteurs de l’arme ultime de destruction massive qui, par sa portée intercontinentale, constitue la pire forme d’ingérence étrangère ?
Commentaire du 10 mars 2023 10:49
À : marco.mendicino@parl.gc.ca; Joly, Mélanie – M.P.; justin.trudeau@parl.gc.ca
Objet : article transmis et demande informelle
Nous avons transmis cet article au ministre Marco Mendicino, avec copie conforme au PM Justin Trudeau et à la ministre Mélanie Joly, avec la note suivante :
Monsieur le ministre de la Sécurité publique,
Nous prenons bonne note de votre intention de « lancer des consultations sur la création d’un registre sur la transparence de l’ingérence étrangère au Canada et d’inviter les Canadiens à s’exprimer sur cet outil pour la protection de nos institutions. »
Nous vous avisons de notre ouverture à participer à de telles consultations démocratiques.
Avec nos remerciements et notre appui face aux attaques invraisemblables du chef de l’opposition M. Poilievre,
Pierre Jasmin
Secrétaire des Artistes pour la Paix
Aujourd’hui 21 mars, des professeurs d’université ont fait paraître une lettre déplorant l’émergence d’un sentiment sinophobe dans la société canadienne suite aux accusations gouvernementales.
Neuf universitaires canadiens dénoncent le climat « toxique » envers les Canadiens d’origine chinoise depuis les récentes allégations d’ingérence chinoise, notamment dans les élections municipales de Vancouver, rapportées par le Globe and Mail.
Dans la lettre ouverte adressée à David Johnston, nommé rapporteur spécial indépendant par Justin Trudeau, les neuf universitaires dénoncent notamment des accusations contre le maire de Vancouver, Ken Sim, et toute personne accusée d’avoir été élue à cause d’une ingérence étrangère.
De telles accusations peuvent rapidement conduire à des violations flagrantes des droits démocratiques et de la sécurité des personnes, écrivent les signataires.
Les universitaires craignent une dérive semblable contre les communautés sino-canadiennes du pays.
L’un des signataires, John Price, qui est professeur à l’Université de Victoria, rappelle qu’aucune poursuite ou accusation n’a été intentée en vertu de la loi électorale. Élections Canada et Elections BC ont des réglementations pour stopper l’ingérence, dit-il. Ce sont ces pouvoirs qui doivent être utilisés.
Les signataires écrivent que les institutions canadiennes chargées d’examiner ou de suivre l’influence étrangère doivent être indépendantes de toute ingérence politique et ne devraient stigmatiser aucun groupe ethnique au pays.
Les universitaires, tous membres du groupe Canada-China Focus du Centre pour les études mondiales de l’Université de Victoria, demandent également des formations de lutte contre le racisme pour tous les fonctionnaires.
Avec des informations d’Eva Uguen-Csenge
Lettre ouverte à David Johnson (en anglais), rapporteur spécial indépendant
Audrey Simon
The CCF Advisory Board has released an open letter to the Government of Canada regarding its proposal to address foreign influence.
March 21, 2023
An Open Letter to the Right Honorable David Johnston, Independent Special Rapporteur,
Government of Canada. The letter is now open for additional endorsements.
We are deeply concerned that discussions of foreign interference and national security can quickly become toxic as we have already seen in the accusations that a respected Chinese Canadian senator and a newly elected mayor are agents of the Chinese government. Such accusations can quickly lead to gross violations of people’s democratic rights and personal security.
During the Second World War, the Canadian government uprooted and dispossessed 23,000 Japanese Canadians because some people accused them of being spies or a fifth column for Japan, accusations that history has shown to be groundless. We have also seen how similar unfounded accusations damaged or destroyed the lives and reputations of distinguished Canadians such as Maher Arar, John Holmes, Paul Lin, or Herbert Norman.
We affirm that all countries including Canada have the right to demand respect for sovereignty and non-interference in their political affairs. We deplore any instance when nation-states, be they China, Russia, the U.S., or even Canada, contravene the principle of non-interference through election meddling, covert operations, or other inappropriate actions including the targeting of activists and their families.
At the same time, we are deeply concerned that government initiatives announced to help combat foreign interference risk creating more problems than they solve. For too many, “foreign interference” is simply a codeword for “Chinese” with all the racist overtones that have been imposed on that term.
Given Canada’s own history of racism, colonialism, and the dispossession of Indigenous peoples, defining what or who is “foreign” may become extremely problematic. Through their family connections, economic activities, and educational journeys, many Canadians are linked to people and institutions around the world in multiple, complex ways. Drawing lines between what and who is Canadian, and what or who is foreign can be extremely divisive.
The initiatives announced to date suggest that strengthening national security agencies such as CSIS and the RCMP will help combat foreign influence. Yet these agencies have documented histories of racism towards Indigenous, Muslim, and other racialized communities, of repressing dissent, and promoting environmental racism.
It is a real danger that this exercise will instigate further indiscriminate and unsubstantiated accusations of disloyalty, subversion, or treason. And the potential impact on international relations should not be underestimated.
Few if any states are immune from engaging in foreign interference, including Canada and its ally the United States. The latter has engaged in at least 64 fully documented attempts at covert regime change. As the New York Times recently declared, “By the standards of superpowers, China remains a homebody. Its foreign engagements, especially outside its immediate surroundings, remain primarily economic.”
These factors all point to the complexity of the current situation and the attendant global risks. But it does not mean do nothing. As special rapporteur, you have many options, and we strongly recommend that you consider:
1. Recommending ways to strictly enforce existing legal measures and institutions to prevent election interference, or other covert activities, and that Canada abide by the same principles;
2. That CSIS and the RCMP be instructed to take seriously the threat from far-right, white supremacist organizations and desist from spying on communities, be they Chinese, Muslim, Indigenous or activist organizations and
3. That governments at all levels reinforce extensive anti-racist education for all public servants and in the educational system at large, as recommended in the Truth and Reconciliation Commission’s Call to Action 57 and elsewhere, while ensuring that all government institutions reflect the full diversity of Canada.
4. That any institution created to examine or track “foreign influence” be independent from political interference and not stigmatize any one group or country.
5. That you promote government measures that will reinforce diplomacy and dialogue, reduce global tensions, and thereby create conditions for peace among nations.
Sincerely,
Gen-Ling Chang, former associate director of Toronto District School Board and deputy executive director, ALPHA Education.
Xiaobei Chen, Professor of Sociology, Department of Sociology and Anthropology, Carleton University.
Takashi Fujitani, Dr. David Chu Chair in Asia Pacific Studies, Professor of History, Director of the Dr. David Chu Program in Asia-Pacific Studies, University of Toronto
Xinying Hu, Lecturer, Labour Studies Program, Simon Fraser University.
John Price, Professor Emeritus (History), Associate Fellow, Centre for Global Studies, University of Victoria.
Timothy J. Stanley, Professor Emeritus, Anti-racism Education and Education Foundations, Faculty of Education, University of Ottawa.
Cathy Walker, Retired Director, Occupational Health, Safety and Environment Department, Canadian Auto Workers Union (now Unifor), Member, Adjunct Professor, Labour Studies, Simon Fraser University.
David Webster, Associate Professor, Human Rights Studies, King’s University College, Western University.
Henry Yu, Associate Professor, History, Co-Lead of Asian Canadian Research and Engagement Centre, University of British Columbia.
Of the Advisory Group, Canada-China Focus
Pierre Jasmin, professeur retraité titulaire de l’UQAM a joint son nom et informé le Advisory Group du Canada-China Focus de la position solidaire des Artistes pour la Paix