Merci aux Premières Nations et au journal Libération.

La première fait exploser le silence autour du génocide de millions d’individus perpétré par l’invasion européenne de l’Amérique, en chantant à pleine voix l’éloquence des femmes qui ont décidé de ne plus être victimes, telle la poète innue Joséphine Bacon (photo) dont il faut revoir le documentaire Je m’appelle humain.

Le second illustre la maîtrise africaine du football collectif, alors qu’on le voudrait Bondynois bien rangé dans le rôle individualiste d’artificier : meilleur joueur des quarts de finale, parler à la presse lui coûte, vu sa résolution qu’on ose qualifier de posture, outré de le voir refuser de participer aux opérations commerciales des sponsors de l’équipe.

Chloé vibre de ses racines

Chloé-et-Joséphine_photoPierreDury

Son fabuleux livre-enregistrement saluait ses sources collectives, d’Iqaluit au Nunavut jusqu’à la Terre de feu, en passant par la Mésoamérique, Haïti et le Nitassinan, un concept intelligent exploré avec le géographe humaniste Jean Morisset (à qui on souhaite un rétablissement suite à son opération) et des « amiEs » poètes tels Anna Chapman, Jack Kerouack, Nancy Huston, Rhoda Ungalak, Violeta Parra, Gaston Miron, Louis Riel, James Noël auxquels on ajoute le poète Kanien’kehá:ka venu habiter la scène de l’Outremont.

desrosiersDans son spectacle tout autre, car Chloé a saisi la différence entre le disque et la scène, sa voix ressort avec une force soutenue qu’on n’attendait certes pas d’une si frêle personne, alors qu’elle occupe la scène pendant les deux heures de la soirée. C’est la musique qui est la grande gagnante, particulièrement celle d’Yves Desrosiers toujours attaché à des projets de grande humanité (Lhasa de Sela, résurrection du Brel russe Vissotsky). Notons aussi la présence de la virtuose violoncelliste-percussionniste Catherine Le Saulnier qui chante avec justesse et témoigne d’une présence en sachant garder le métier discret d’accompagner Chloé : chapeau !

Je laisse la conclusion à Chloé qui m’écrit en sa langue-courriel indissociable de sa poésie :

On se dit qu’on poursuit un projet,
mais c’est le projet qui nous poursuit
pour nous rattraper en cours de route
sans autre obligation qu’une pulsion musicale
courtisant la beauté du monde.
Salutations ensoleillées des neiges qui fondent en chantant…

M’Bappé et « son maudit silence » (les médias en rogne)

L’attaquant-étoile de 23 ans pulvérise les records de buts marqués au Mondial du Qatar. À part son silence et son originalité, ce joueur qui sait planter calmement ses deux jambes fermement au sol en hypnotisant le gardien adverse en déclenchant une détente imparable, le rapproche à mes yeux de l’intrépide et courageuse Chloé.

Il refuse de parler à la presse depuis le début de la Coupe du monde 2022, mais s’est vu forcé de s’en expliquer, après sa xième sélection comme joueur du match (deux buts et une passe décisive dimanche le 4 décembre dans la victoire de la France 3 à 1).

« Je voulais surtout dire pourquoi je ne parlais pas. Il n’y a rien de personnel, ni contre un ou plusieurs journalistes, ni pour les fans et ceux qui nous suivent. Je dois me concentrer sur la compétition et parler me prend beaucoup d’énergie. J’ai bâti toute ma saison sur ce que je suis venu faire ici : physiquement, mentalement. Après, j’ai appris il y a quelques jours que la Fédération payait une amende si je ne parlais pas après avoir été élu homme du match. Je tiens à dire qu’elle n’a pas à payer cette amende. C’est à moi de le faire. »

Se poser devant les micros du monde entier pour expliquer que l’on ne parle pas, Mbappé est sur une autre planète, écrit le journal Libération.

Et l’amende, il peut la payer, son nouveau contrat avec le Paris St-Germain lui ayant accordé (autre record) 630 millions d’euros pour trois ans. Selon la presse, cela ne lui accorde pas le droit de vouloir convertir le football ultramondialisé et individualisé (Messi, Kane, Neymar, Ronaldo) en sport collectif. Son idéalisme lui attire des railleries, même dans sa propre équipe « dont l’entraîneur tente de calmer les critiques en montrant sa bienveillance à Kylian, ce que le joueur n’apprécie pas tellement y voyant plutôt une forme d’infantilisation » (Libération). Ses appuis proviennent de la majorité des joueurs qui s’adonnent à être afro-français, notamment les Kingsley Coman et Jules Koundé qui l’admirent sans réserve. Mais en l’absence de Paul Pogba, un habitué de la morgue britannique, blessé au genou, la semi-finale contre l’Angleterre sera dure.