A-t-il pour autant ramené LA PAIX au Canada ?
L’épreuve des faits prouve-t-elle la réussite de la Commission ?
Oui, si son but principal – réussi – était de ranimer la foi des Canadiens en la démocratie et en la primauté des élus, en faisant témoigner à la fin des audiences les ministres principaux, y compris le Premier, qui a livré un plaidoyer presqu’unanimement félicité.Dès le 12 février, Les Artistes pour la Paix écrivaient sur leur site leur appui au Premier ministre qui résistait à la tentation d’envoyer l’armée :
« Le Premier ministre Trudeau a gardé son sang-froid en affirmant avec sagesse, malgré ou à cause des antécédents de son père en 1970 : « On ne veut jamais déployer l’armée contre des civils canadiens. C’est quelque chose à éviter à tout prix. C’est une solution de dernier, dernier, dernier, dernier, dernier recours. »
Le 18 février, le constitutionnaliste André Binette précisait dans L’Aut’Journal :
Au début de la crise des camionneurs à Ottawa, à la télévision, l’un de leurs leaders a exposé sa version imaginaire du droit constitutionnel : c’était un ancien membre de la GRC garde du corps du premier ministre Trudeau qui avait quitté ses fonctions l’an dernier. On ignore s’il les avait quittées volontairement ou comment il a acquis sa vision juridique déficiente qui affirmait avec assurance à son entourage que le droit de manifester garanti par la Charte canadienne était absolu et qu’il devait nécessairement prévaloir sur les règlements municipaux et les lois provinciales. Par conséquent, les camionneurs ne faisaient rien d’illégal. (…) Cette vision exacerbée des droits individuels tordue ne correspondait pas à la réalité, même avant que la Loi fédérale sur les mesures d’urgence ait été invoquée.
Une semaine avant M. Binette, combien d’éditorialistes main stream avaient été aussi clairs que Pierre Dubuc de l’Aut’Journal ?
« Au départ, cela semblait être un mouvement spontané réclamant la levée de l’obligation d’être vacciné pour les camionneurs traversant la frontière. Puis, c’est devenu une manifestation exigeant la levée de L’ENSEMBLE DES MESURES SANITAIRES. Subitement est apparue la revendication que la Gouverneure générale et le Sénat, deux institutions non électives, démettent le premier ministre dûment élu Justin Trudeau. On croyait à un coup d’État d’opérette. Mais, au fil des jours, nous apprenons que le siège de la ville d’Ottawa est l’œuvre d’émules des trumpistes qui ont pris d’assaut le Capitole, il y a un an [confirmé par les déclarations d’appui aux camionneurs par Elon Musk et les sommes de cryptomonnaie envoyées des États-Unis dans GoFundMe]. Les trumpistes voulaient empêcher la certification de l’élection de Joe Biden; leurs imitateurs canadiens ont obtenu la tête du chef du Parti conservateur Erin O’Toole et celui qui semble le mieux placé pour le remplacer, Pierre Poilievre, venu les accueillir avec du café et des beignets sur la colline parlementaire. »
Évidemment, nos trois témoignages n’ont pas été requis par la Commission cherchant davantage à se prémunir des idées d’extrême-droite que de s’imprégner de celles de la démocratie : elles auraient pu mettre en danger les envois d’armes canadiennes à l’Ukraine et les dizaines de milliards versés à l’OTAN, entre autres aberrations jamais dénoncées par nos éditorialistes mainstream censurant les vœux de désarmement de l’ONU.
Trudeau et la Gendarmerie Royale louvoient
Le premier ministre Justin Trudeau, dans son témoignage à la Commission sur l’état d’urgence, disait justement craindre en février les violences du « convoi de la liberté » :
« Il y a 36 ans, les réseaux sociaux n’existaient pas, la désinformation qui alimente souvent l’extrémisme violent motivé par l’idéologie voyageait plus lentement. Les campagnes de sociofinancement et la cryptomonnaie qui ont soutenu le mouvement de février dernier étaient inexistantes. Or, il y eut la militarisation de certains véhicules, […] des enfants utilisés comme boucliers humains, notamment sur le pont Ambassador, […] des armes à Coutts, […] une violence motivée par une idéologie, des risques de loups solitaires » a énuméré le premier ministre. « Non seulement les choses n’allaient pas mieux, mais allaient plus mal. On voyait les choses s’aggraver, les choses nous échappaient. Ni les services policiers ni les provinces n’avaient de plan à la hauteur de la situation. Il fallait un plan pour éviter une résurgence ou une apparition de protestation ailleurs. »
La vérité aurait réclamé qu’il ajoute les provinces conservatrices de l’Ontario et de l’Alberta, sans compter la Saskatchewan dont le Premier ministre était le seul à s’objecter – mollement – à la Loi sur les mesures d’urgence. Mais toute vérité n’est pas bonne à dire quand on est Premier ministre du Canada, par exemple que la Gendarmerie Royale a dans sa mire les séparatistes, les pacifistes qui manifestent contre la bombe nucléaire, les espions sino-russes même si c’est plutôt le mandat du SCRS du ministre Mendicino, « les Indiens » et leurs complices droitdel’hommistes, mais pas les gens de droite conspirationnistes ; d’où sa tragique inefficacité qui n’a échappé ni au constat de Trudeau ni à celui de l’ex-chef de police d’Ottawa soutenant que « les lacunes dans le renseignement sur les acteurs du soulèvement avant la manifestation montrent que la stratégie de sécurité nationale au Canada se concentre trop sur l’extrémisme islamique, au détriment d’autres menaces », ajoutant ainsi une autre cible dans sa mire.
L’extrême-droite gangrène les institutions
Les citoyens d’Ottawa se sentent-ils aujourd’hui rassurés par une Commission …qui a évité les vrais problèmes? Ce n’est pas le Premier ministre Trudeau qu’on aurait dû asseoir pendant des heures (il a autre chose à faire!) devant la co-procureure en chef, madame Shautna Chandhury. C’est plutôt Pierre Poilièvre, le nouveau chef du parti conservateur, pour avoir appuyé des séditieux demandant à la Gouverneure Générale de remplacer les élus en portant des affiches Trudeau = Hitler !
C’est un constat vraiment inquiétant qu’on ait procédé AUTREMENT : est-ce le signe qu’on craint tellement cette droite conservatrice à laquelle on ajoute Maxime Bernier et l’extrême-droite du Parti populaire du Canada ? On la craint d’autant plus qu’elle gangrène la Gendarmerie Royale du Canada dont on a tenté d’enrayer le machisme flagrant, négligeant d’enquêter sur le millier de meurtres de femmes autochtones, en mettant à sa tête une femme. La droite machiste gangrène aussi la Défense canadienne aussi contrée par la nomination d’une femme-ministre. Elle gangrène diverses polices provinciales ou municipales, celles fermées aux révolutions culturelles amenées par des gens ouverts comme Fady Dagher qui vient d’être nommé à la tête du SPVM par la mairesse Valérie Plante, pour enrayer les violences policières réservées aux autochtones, aux Noirs, aux malades mentaux et aux jeunes étudiants contestataires différents de ceux d’Ottawa.
L’observatrice vétérane de la scène fédérale Chantale Hébert a félicité le 25 novembre à Radio-Canada Trudeau pour avoir dénoncé l’incompétence totale des policiers mais s’est fourvoyée en nommant l’ex-chef de police d’Ottawa, monsieur Peter Sloly : Michel C. Auger son vis-à-vis, ne partageait pas cette attaque exprimée avec un rire douteux. Rappelons que M. Sloly, d’origine jamaïcaine, a démissionné le 15 février après moins de trois ans en poste, invoquant un «manque croissant de confiance dans son leadership » et on constate qu’avant sa démission, la commissaire Brenda Lucki avait envoyé un texte au commissaire de l’OPP Thomas Carrique suggérant que ce soient l’OPP ou la RCMP qui occupe sa juridiction : bravo pour l’appui (!) à un chef dont l’autorité était sabotée par des policiers racistes proches des conspirationnistes à la Trump du convoi de la libârté. Après l’interrègne de son assistant-chef, c’est la veille des élections municipales d’Ottawa que son successeur fut choisi d’une façon expéditive dénoncée par Catherine McKenney, candidate défaite à la mairie par Mark Sutcliffe, dont la campagne avait pour co-président honoraire le président de la Commission de services policiers d’Ottawa, Eli El-Chantiry, celui-là même qui a proposé la nomination si rapide du successeur de M. Sloly.
Et le nouveau chef nommé fut, ô surprise totale, Eric Stubbs, ex-commissaire adjoint de la Gendarmerie Royale du Canada en Colombie-Britannique, nommément impliqué dans la gestion des manifestations sur le territoire ancestral Wet’suwet’en, en opposition au projet de gazoduc Coastal GasLink.
En conclusion
C’est sans doute au Québec que la Chambre des Communes et les militants anti-racistes du Canada anglais réserveront leurs prochaines accusations de racisme, en oubliant les non-dits de la politically correct Commission Rouleau…
Commentaire par André Jacob
Merci, Pierre, tu as bien raison de souligner que l’application de cette loi cache beaucoup de non-dits. Si la commission la déclare conforme aux exigences de la réalité, elle fera œuvre utile sous forme d’une certaine reconnaissance dans l’opinion publique et d’une référence comme une sorte de jurisprudence. À l’avenir, advenant des situations corsées, la loi pourrait servir à mâter les « séparatiss… », les pacifistes et autres contestataires d’un ordre encroûté selon des règles établies par les pouvoirs en place qui ont à leur disposition cette loi comme arme de destruction massive destinée, clament-ils, à protéger notre (leur) sécurité et leur conception de la démocratie. On ne sait jamais… ce que nous réserve l’avenir.
André Jacob
Réponse : Merci, André, pour la finesse de ton raisonnement qui perçoit le danger d’applications perverses à cette loi d’urgence : était-ce même la vraie raison de la commission, de légitimer des applications futures qui pourraient nous réserver de mauvaises surprises au Québec ?
Pierre
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