… malgré des faits historiques gênants
La reine Elisabeth (sans accent aigü et avec un s comme en Allemagne, pas un z) « se sera distinguée par sa discrétion et son insignifiance », écrit Richard Latendresse dans le Journal de Montréal du 11 septembre, bravant ainsi la consigne de propagande du gouvernement; il cite en outre Fareed Zakaria (Washington Post et CNN) qui parle de sa « détermination de fer à rester ennuyeuse ».Lundi le 19 septembre, le gouvernement Trudeau décrète un congé férié la commémorant. Notre supposé woke-en-chef ne l’a pas encore fait pour le 30 septembre voté par C-5 (juin 2021, au Parlement + sanction royale accordée) Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, alors qu’une commémoration publique de l’histoire tragique et douloureuse des pensionnats et de leurs séquelles durables accélèrerait le processus de réconciliation. Les italiques de ma première partie reconstituent le dernier article d’Yves Engler.
En parlant d’« our gracious queen » qui accapare l’essentiel des reportages télévisés de Radio-Canada, « avec ses huit premières années de règne entérinant le massacre de dizaines de milliers de Mau Mau Kéniens dont la rébellion tentait de se libérer des liens coloniaux, ne célèbre-t-on pas une monarchie qui a nié les droits autochtones, un empire qui a conquis la Nouvelle-Écosse en exhibant les têtes de guerriers Mi’kmak sur des piques, comme il éliminera jusqu’aux derniers les Beothuks à Terre-Neuve et comme il enverra des bateaux de guerre brûler Kitsegukla en Colombie-Britannique [2] ?
Si les Anglo-Canadiens croient insignifiant de rappeler la cruelle déportation des Acadiens, les Montréalais qui ont rebaptisé la rue Atateken connaissent la tactique du général empoisonneur Jeffery Amherst qui commandait les troupes britanniques en Amérique du Nord : “You will do well to try to inoculate the Indians by means of blankets as well as to try every other method that can serve to extirpate this execrable race.” Plus d’un demi-million de canadiens seront envoyés se faire gazer dans les tranchées de la Première guerre mondiale, destinée surtout à consacrer le partage des empires coloniaux africains de France, Angleterre et Allemagne.
… nonobstant son antisémitisme
Selon Ofer Aderet (Ha’aretz, 10 septembre), elle a visité plus de 120 pays au cours de son règne, mais jamais Israël. Même si en 2020, le prince Charles (maintenant Charles III) est venu commémorer le Forum international des 75 ans de l’Holocauste, la reine a maintenu son boycott. Raisons possibles évoquées :
■ sa revanche contre les pionniers israéliens ayant assassiné des représentants officiels anglais durant le mandat de la Grande-Bretagne au Proche-Orient avant la création d’Israël;
■ elle n’était pas bienvenue en Israël vu que son père George VI a fait bloquer le navire Exodus et pendant la 2e guerre mondiale refoulé des réfugiés juifs, assassinés par les Nazis;
■ en visite en Jordanie, l’épouse du roi Hussein lui a montré une carte de la Cisjordanie avec les colonies illégales israéliennes : « quelle carte déprimante », a-t-elle soupiré;
■ son oncle Edward VIII, que la plupart des films vénèrent pour sa romantique liaison provoquant son abdication avec une Américaine, était partisan nazi (voir photo du salut de Lilybeth en 1933) et suprématiste blanc.
Selon Wikipedia, si les deux divorces de Wallis Warfield avant sa rencontre avec le futur roi auraient suffi à provoquer l’abdication d’Edward VIII, le gouvernement britannique a été soulagé d’éloigner du pouvoir un couple peu sûr politiquement, ayant beaucoup trop de sympathie pour l’Allemagne nazie : leur mariage en France se fit lors d’une cérémonie privée le 3 juin 1937 au château de Candé à Monts, près de Tours, propriété du sulfureux homme d’affaires franco-américain Charles Bedaux aux nombreuses relations avec des dignitaires nazis. En octobre 1937, le duc et la duchesse visitèrent l’Allemagne nationale-socialiste et rencontrèrent Adolf Hitler au Berghof à Obersalzberg. La visite fut largement annoncée et relatée par les médias allemands. Durant la visite, le duc effectua le salut nazi à de nombreuses reprises.
L’ancien ambassadeur austro-hongrois Albert von Mensdorff-Pouilly-Dietrichstein, petit-cousin et ami de George V, considérait qu’Édouard voyait le national-socialisme allemand comme un rempart contre le communisme, et qu’il était même initialement en faveur d’une alliance avec l’Allemagne. L’attitude d’Édouard à cette époque est représentative de nombreux cercles dirigeants britanniques au double sentiment germanophile et hitlérophile. On commence à en voir de timides traces au cinéma, par exemple dans le film Six minutes to midnight (Andy Goddard, 2020) qui relate l’histoire du Augusta-Victoria College Bexhill-on-Sea, fréquenté par des filles nazies dont l’écusson d’école exposait côte à côte l’Union Jack et le swastika.
La même crainte unissait nazis et classe dirigeante britannique envers les Bolchéviques – qui avaient assassiné les cousins Romanov de la reine-mère. Le premier Lord Rothermere idolâtrait Hitler et les « chemises noires » de Sir Oswald Mosley. Lorsque Chamberlain revint de Munich avec sa paix illusoire avec Hitler, Lord Rothermere trouva en septembre 1938 une place d’honneur sur le balcon de Sa Majesté au palais de Buckingham. Ce n’était pas un secret qu’ils favorisaient tous le général Franco dans la sauvage guerre civile espagnole de 1936-9. Et quand Philip Mountbatten (dont le nom original était Battenberg) épousera la princesse Elizabeth en 1947, sa famille ne fut pas invitée, puisque totalement compromise avec le régime nazi.
Malgré la fuite du couple Wallis-Edouard devant l’invasion de la France par les troupes allemandes vers le Portugal, un épisode peu connu de la deuxième guerre mondiale relate qu’« afin de forcer la paix avec la Grande-Bretagne, le Führer décide de faire kidnapper le duc de Windsor avec la duchesse alors qu’ils résident à Lisbonne. Après l’enlèvement, il a prévu d’installer le couple en Allemagne et avait déjà mis à leur disposition 50 millions de livres sterling, déposés dans une banque de Genève. L’opération échoua de peu. Les agents de l’Intelligence Service précédèrent d’un jour Walter Schellenberg et son équipe au Portugal. En effet, comme écrivit Lord Caldecote à Winston Churchill, « [le duc] est bien connu pour être un sympathisant nazi et il pourrait bien faire l’objet d’un complot ».
Une interview « défaitiste » du duc largement diffusée avait poussé à bout le gouvernement britannique : le Premier ministre Winston Churchill menaça le duc de cour martiale s’il ne revenait pas sur le sol britannique. Les services secrets enlevèrent le couple qui partit, en août, sur un navire de guerre aux Bahamas, où, selon Churchill, ils ne gêneraient pas l’effort de guerre britannique. Le duc de Windsor fut nommé gouverneur des Bahamas. Il n’appréciait pas le poste et faisait référence aux îles comme à une « colonie britannique de troisième ordre ». Le bureau des Affaires étrangères s’opposa vigoureusement à une croisière du couple à bord du yacht d’un magnat suédois, Axel Wenner-Gren, que les Renseignements américains considéraient – à tort – comme un ami proche du commandant de la Luftwaffe, Hermann Göring.
… schème commode pour déformer la réalité
Pour en revenir à Elisabeth après ce long détour via Edouard VIII, on aime rappeler qu’elle avait un bon sourire, parlait français, aimait les chiens et les chevaux et n’hésita pas à 18 ans à s’enrôler dans les forces armées britanniques contre Hitler, tandis que la supposée dame de fer conservatrice Margaret Thatcher, bien connue par les fans du chanteur Renaud (sa chanson Miss Maggie vante les gonzesses qu’il aime pour enchaîner sur « la dernière des connes et sa morale guerrière »), s’inscrivait à la hâte en 1943 à l’Université Oxford pour éviter la conscription…
Mais le réputé journaliste américain Chris Hedges propose un portrait [3] pas plus flatteur que celui d’Yves. L’ampleur des fêtes orchestrées par les élites anglo-américaines [canadiennes, aurait-il pu ajouter] sont en proportion directe avec la peur débilitant une élite régnante discréditée, incompétente et corrompue à l’échelle globale. Ces oligarques sont peu rassurés devant la descendance royale médiocre – incluant un prince pédophile et son frère, le roi excentrique qui a accepté des valises remplies de $3.2 millions de l’ex-premier ministre du Qatar Sheikh Hamad bin Jassim bin Jaber Al Thani.
Le sexisme et la hiérarchie raciste inhérente à une monarchie justifient leur considération de la société en classes inférieures : le prince Philip était célèbre pour ses gaffes, comme lorsqu’il expliqua à des étudiants en 1986 que sa visite à Pékin lui avait fait craindre de revenir à la maison avec les yeux bridés. La reine, qui jamais n’a offert d’excuses ni de réparations pour les crimes racistes de l’armée britannique durant son propre règne, sourcillait devant l’horrible possibilité que la descendance de son petit-fils Harry et de son épouse Meghan Markle soit de couleur… trop foncée.
Les fêtes consacrées à la reine font commodément oublier les centaines de milliers d’Iraquiens et d’Afghans bombardés, torturés ou tués par des invasions britanniques, sans compter les patriotes irlandais exécutés et les 4100 bébés des Premières Nations (merci à M. Hedges pour cette mention plutôt rare chez les journalistes étrangers).
Les monarques britanniques possèdent environ $28 milliards américains, mais les taxes publiques octroieront $33 millions à la famille royale lors des prochains deux ans, au moment où le revenu moyen familial en Grande-Bretagne connaît la plus importante chute de son histoire depuis qu’on tient ces statistiques (1955) et au moment où le nombre des sans-logis explose à 227 000 familles.
Les dix jours de son deuil officiel servent diverses censures qui cachent l’urgence climatique, la pandémie, la folie meurtrière de la guerre par procuration des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine, la flambée de l’inflation, la montée des mouvements néo-fascistes et l’aggravation des inégalités sociales, qui seront ignorées alors que la presse sera mobilisée pour vomir des éloges fleuris.
[1] Tuvalu est un archipel polynésien menacé de disparition par la montée des eaux due au réchauffement climatique, d’où le discours frappant de son premier ministre s’adressant à l’Assemblée générale de l’ONU.
[2] In Gunboat Frontier: British Maritime Authority and Northwest Coast Indians, 1846-1890 Barry Gough
[3] Monarchs Belong in the Dustbin of History (substack.com)
By BrettWilkins September 11, 2022
As millions of Britons and admirers the world over mourned Queen Elizabeth II’s death, others especially in nations formerly colonized by the British Empire voiced reminders of the “horrendous cruelties” perpetrated against them during themonarch’s reign.
“We do not mourn the death of Elizabeth, because to us her death is a reminder of a very tragic period in this country and Africa’s history,” declared Julius Malema, head of the left-wing Economic Freedom Fighters party in South Africa. “Elizabeth ascended to the throne in 1952, reigning for 70 years as a head of an institution built up, sustained, and living off a brutal legacy of dehumanization of millions of people across the world,” he continued. “During her 70-year reign as queen,she never once acknowledged the atrocities that her family inflicted on native people that Britain invaded across the world,” Malema noted. “She willingly benefited from the wealth that was attained from the exploitation and murder of millions of people across the world.” “The British royal family stands on the shoulders of millions of slaves who were shipped away from the continent to serve the interests of racist white capital accumulation, at the center of which lies the British royal family,” Malema added.
Larry Madowo, a CNN International correspondent from Kenya, said during aThursday broadcast that “the fairytale is that Queen Elizabeth went up the treetops here in Kenya a princess and came down a queen because it’s when she was here in Kenya that she learned that her dad had died and she was to be the queen.” “But that also was the start of the eight years after that, that the British colonial government cracked down brutally on the Mau Mau rebellion against the colonial administration,” he continued. “They herded more than a million people into concentration camps, where they were tortured and dehumanized.” In addition to rampant torture including the systemic castration of suspected rebels and sympathizers, often with pliers, British forces and their local allies massacred unarmed civilians, disappeared their children, sadistically raped women and clubbed prisoners to death. “And so,” added Madowo, “across the African continent, there have been people who are saying, ‘I will not mourn for Queen Elizabeth, because my ancestors suffered great atrocities under her”. Indeed, instead of apologizing for its crimes and compensating its victims, the British government launched Operation Legacy, a massive effort to erase evidence of colonial crimes during the period of rapid decolonization in the 1950s-’70s.
“If the queen had apologized for slavery, colonialism, and neocolonialism and urged the Crown to offer reparations for the millions of lives taken in her/their names, then perhaps I would do the human thing and feel bad,” tweeted Cornell University professor Mukoma wa Ngugi. “As a Kenyan, I feel nothing. This theater is absurd.”
Aldani Marki, an activist with the Organization of Solidarity with the Yemeni Struggle, asserted that “Queen Elizabeth is a colonizer and has blood on her hands.”
“In 1963 the Yemeni people rebelled against British colonialism. In turn the Queen ordered her troops to violently suppress any and all dissent as fiercely as possible,” he tweeted. “The main punitive measure of Queen Elizabeth’s Aden colony was forced deportations of native Yemenis into Yemen’s desert heartland.”
“This is Queen Elizabeth’s legacy,” Marki continued. “A legacy of colonial violence and plunder. A legacy of racial segregation and institutionalized racism.”
“The queen’s England is today waging another war against Yemen together with the U.S., Saudi Arabia and the U.A.E.,”he added.
Melissa Murray, a Jamaican-American professor at New York University School of Law, said that the queen’s death “will accelerate debates about colonialism, reparations, and the future of the Commonwealth” as “the residue of colonialism shadows day-to-day life in Jamaica and other parts of the Caribbean.”
Numerous observers noted how the British Empire plundered around $45 trillion from India over two centuries of colonialism that resulted in millions of deaths, and how the Kohinoor, one of the largest cut diamonds in the world, with an estimated value of $200 million, was stolen from India to be set in the queen mother’s crown.
“Why are Indians mourning the death of Queen Elizabeth II?” asked Indian economist Manisha Kadyan on Twitter. “Her legacy is colonialism, slavery, racism, loot, and plundering. Despite having chances, she never apologized for[the] bloody history of her family. She reduced everything to a ‘difficult past episode’ on her visit to India. Evil.” An Indian historian tweeted, “there are only 22 countries that Britain never invaded throughout history.” “British ships transported a total of three million Africans to the New World as slaves,” he wrote. “An empire that brought misery and famine to Asia and Africa. No tears for the queen. No tears for the British monarchy.”
Negative reaction to the queen’s passing was not limited to the Global South. Despite the historic reconciliation between Ireland and Britain this century, there were celebrations in Dublin as a crowd singing “Lizzie’s in a Box” at a Celtic FC football match attests and among the Irish diaspora. “I’m Irish,” tweeted MSNBC contributor Katelyn Burns,“hating the queen is a family matter.” Welshleftists got in on the action too. The Welsh Underground Network tweeted a litany of reasons why “we will not mourn. » “We will not mourn for royals whooversaw the protection of known child molesters in the family,” the group said.
“We will not mourn for royals whooversaw the active destruction of the Welsh language, and the Welsh culture, ”the separatists added.
Summing up the sentiments of many denizens of the Global South and decolonization defenders worldwide, Assal Rad, research director at the National Iranian American Council, tweeted:
“If you have more sympathy for colonizers and oppressors than the people they oppress, you may need to evaluate your priorities.”
https://www.hilltimes.com/author/erica-ifill
L’autrice affirme qu’on peut enfin après ce deuil interminable dénoncer combien la monarchie anglaise a détruit les vies d’autohtones comme elle.