Optimisme mitigé en France
Malgré sa très mauvaise performance électorale au second tour des législatives hier le 19 juin, le prince Emmanuel Macron pourra continuer à dépenser ses centaines de milliards d’euros pour ses sous-marins et autres entrepôts de bombes nucléaires, grâce au soutien inconditionnel de 75 députés républicains et du Rassemblement National de Marine Le Pen : très inquiétante, sa performance à 90 députés élus, alors qu’en 2017 elle n’en avait que 8. Il faut dire que l’absence au 2e tour de la campagne raciste d’Éric Zemmour semble lui avoir enlevé l’étiquette d’extrême-droite héritée de son père antisémite, avant qu’elle l’écarte de toute fonction au sein du parti qu’il avait fondé. Et les jeunes qu’on a dégoûtés de la politique (70% d’abstention pour les moins de 34 ans, si j’ai bien entendu à TV5) se réveilleront peut-être, à entendre les débats animés démocratiques que ne manquera pas de susciter la nouvelle Assemblée Nationale.Où est l’optimisme, demandera-t-on ? Comme sachant à l’avance qu’il serait privé de sa majorité, Macron a fait quelques nominations audacieuses comme Pap NDiaye, le frère de la romancière Marie prix Goncourt 2009, salué de belle façon par Najat Vallaud-Belkacem au Ministère de l’Éducation nationale avant lui sous Hollande, et comme la musicienne Franco-Libanaise Rima Abdul-Malak à la Culture. Son application méthodique des préceptes néolibéraux sera sans doute entravée par l’avancée prometteuse de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), fondée il y moins d’un mois par le dynamique Mélenchon. Il a fait élire autour de 150 députés (17 pour la France insoumise en 2017 !), parmi lesquels des jeunes femmes trop brillantes pour ne pas irriter les vieux cons, telles Sandrine Rousseau, Clémentines Autain et Guetté ! Elles ont réussi, malgré une campagne hargneuse menée par tous les médias les traitant d’extrême-gauche, même l’OBS réputé de gauche, mais dont le dernier numéro fait étalage répugnant de crimes attribués à Poutine pour lesquels il n’y a, selon le magazine commandité par les voitures et la mode de luxe, qu’une solution : appuyer les Américains et l’OTAN en déversant des armes aux Ukrainiens qui se feront complaisamment tuer pour que le monde libre continue à consommer en paix (explications dans la suite de notre article).
Trois heures et demie d’une rencontre internationale
Voici la modeste contribution du secrétaire des Artistes pour la Paix à cet appel que nous avions été les premiers à lancer.
Photographié avec Jean Chrétien ex-Premier ministre libéral (1993-2003), Pierre Jasmin donnait le 1er mars 2010 au Rideau-Hall un récital Chopin fêtant son deux-centième anniversaire de naissance, devant le roi et la reine de Norvège et l’ambassadeur de Pologne, à l’invitation de la gouverneure-générale Michaëlle Jean et de son conjoint cinéaste et écrivain Jean-Daniel Lafond.
Très honoré de participer à cette rencontre internationale qui réunit à Sezano diverses personnalités, riches d’un vécu militant en faveur de la Terre-Mère : l’appel que nous voulons lancer en est imprégné et c’est pourquoi il nous émeut tant.
Je me présente, Pierre Jasmin, professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal. Ma passion pour Beethoven a déclenché mon amour de la paix universelle exploré en des études internationales en six pays qui m’ont accordé des diplômes, dont Londres, Vienne, Los Angeles et Moscou où mes leçons de piano avec Neuhaus se tenaient dans la datcha de l’auteur du Docteur Jivago, Boris Pasternak, empêché par l’URSS de quérir son Prix Nobel de Littérature pour une œuvre majeure, dont on ne connaît que l’adaptation propagandiste cinématographique par David Lean. Je remercie mon ami Riccardo Petrella, qui a conclu l’appel avec mes deux ajouts, le second écologique avec le GIEC, le premier avec le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires, redevable en partie à l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons.
Une vérité gênante occultée par tous
Si le président de la Fédération de Russie a attaqué l’Ukraine, c’est que Poutine était coincé comme un rat : or, on ne peut ni compter sur un dictateur orgueilleux pour revendiquer ce statut animal peu glorieux, ni sur ses adversaires qui élèvent l’Ukraine en victime héroïque; les Ukrainiens le sont, en particulier les huit millions de réfugiés qui ont gonflé le nombre mondial établi à cent millions par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations-Unies, mais pas leur gouvernement, influencé par la CIA et par des nazis encouragés par les militaires occidentaux qui déversent leurs armes. J’écrivais déjà en août 2019 dans un ouvrage destiné aux étudiants en sciences politiques Enjeux et défis du développement international qui a connu quatre rééditions en anglais, trois en français [1] :
« L’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN), dont le mandat a été rendu caduc par la désintégration du Pacte de Varsovie, a depuis la chute du mur de Berlin en 1989 avalé [quatorze] pays qui appartenaient auparavant aux sphères d’influence soviétique ou yougoslave: Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, [Macédoine du Nord], Monténégro, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. L’OTAN a fait campagne avec le président Trump pour que ses pays membres consacrent jusqu’à 3% de leur PIB aux dépenses militaires. Seul pays avec les USA ayant obéi aux 3% dans le passé, la Grèce a été mise en faillite par les mêmes banques allemandes et françaises qui avaient financé ses acquisitions militaires. »
L’OTAN n’est-elle pas au service du complexe militaro-industriel-médiatico-académique-humanitaire, comme l’avait illustré en 1993 l’arrestation de son secrétaire général belge, M. Claes, qui au lieu de se fier (comme ses successeurs?) à des banques suisses ou abris fiscaux, avait partagé avec son parti socialiste un pot-de-vin de la compagnie Agusta? Il faisait campagne au Canada pour que le parti conservateur au pouvoir achète 7 milliards de $ d’hélicoptères EH-101 Agusta équipés d’obusiers Paramax. Aux élections, le parti libéral de Jean Chrétien lamina ce gouvernement de droite qui jouissant d’une trentaine de ministres, se retrouva avec seulement deux députés, dont un des candidats à la direction actuelle, Jean Charest qui se heurte à une extrême-droite installée par le règne 2006-2015 de Stephen Harper (Reform Party). En 2019, je poursuivais ma démonstration ainsi :
En exposant les augmentations des budgets militaires [exponentielles depuis], américain (à 716$ milliards) et chinois (à 218$ milliards, en hausse de 423 % depuis l’an 2000), tandis que le budget russe a été réduit à une soixantaine de milliards, les statistiques du SIPRI minent la crédibilité de la propagande de l’OTAN, reprise ad nauseam par la presse et la filmographie occidentales, sur une menace extrême russe. Cela ne fait pas de la Russie un pays rassurant et paisible, puisqu’avec les États-Unis, elle partage à parts égales environ 13 000 armes nucléaires ou 90 % de l’arsenal mondial aux innombrables risques (mal-fonction électronique, contre-dispositifs de lancement de missiles en état d’alerte maximale, missions suicidaires ou terroristes) ou réels (fausses alertes, bombes échappées en vol, vols d’uranium et pollution par les déchets nucléaires toxiques).
Ayons tous une pensée particulière pour la Colombie où des élections se tiennent aujourd’hui, opposant une opposition pro-paix à un trumpiste voulant poursuivre la politique du gouvernement conservateur précédent pro-OTAN. Rappelons que les pays de l’OTAN cumulent des budgets militaires à 60% des budgets mondiaux tandis que la Russie est à 3,4% environ, selon le SIPRI.
L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm
Qu’est-ce que le SIPRI ? J’ai le privilège d’être porte-parole principal des Artistes pour la Paix depuis 1985 (bonjour au collègue Pietro Pizzuto!). En 2009, la dynamique directrice du Musée des Beaux-Arts de Montréal, Nathalie Bondil, avait organisé une exposition audacieuse célébrant le 40e anniversaire du bed-in à Montréal de John Lennon et Yoko Ono : nous y avions participé avec Coral Egan, Mara Tremblay, Catherine Major, Catherine Durand, Samian et Sylvie Paquette.
Ne misant pas uniquement sur la musique, les chansons, les poèmes et les arts, le regroupement pacifiste que je présidais prônait aussi la non-violence et le désarmement avec feu Yves Bélanger, directeur depuis 1985 du Groupe ressource sur l’industrie militaire et la sécurité (GRIMS). J’ai partagé sa dernière conférence pendant la grève des professeurs de 2009. Car le syndicat de l’UQAM organisait des conférences gratuites par ses professeurs et la même année, paraissait chez Albin Michel Capitalisme et pulsion de mort, coécrit par mon collègue économiste amoureux de Mozart, feu Gilles Dostaler avec Bernard Maris, ce dernier assassiné dans les locaux de Charlie-Hebdo, friand de vérités gênantes comme le Monde Diplomatique et Pressenza dans un monde de médias noyautés [2].
Déjà gravement malade, Yves avait délégué son élève Aude-Emmanuelle Fleurant à la conférence-débat sur les guerres et écocides (voir page spéciale), organisée par Louise Vandelac et Pugwash Canada, à l’exécutif duquel je siégeais depuis mon récital à son 50e anniversaire. Aujourd’hui une des directrices du SIPRI, Madame Fleurant mentionne pour la première fois en 35 ans une augmentation des armes nucléaires et de leur financement de 9%, c’est-à-dire de 6.5 milliards de $ qui contribuent à l’insécurité mondiale et à l’inflation, comme les augmentations des budgets militaires; cela en dépit de l’appel lancé il y a six mois par le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres que chaque pays coupe ses budgets militaires de 10% pour faire face à la crise climatique.
Merci donc d’ajouter à notre appel Le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires, salué par la Haute-Représentante de l’ONU pour le Désarmement, Izumi Nakamitsu, comme « un espoir pour tous ceux et celles qui ont dédié leurs vies à la poursuite d’un monde libre d’armes nucléaires ». Le traité interdirait sans condition l’usage, la menace d’utilisation, le développement, les tests, la production, la vente et la possession d’armes nucléaires stigmatisées comme hors-la-loi humanitaire internationale puisque des gouvernements, la Croix Rouge et la société civile ont ensemble reconnu les «conséquences humanitaires catastrophiques » et l’impact environnemental majeur qu’entraînerait l’utilisation même d’une ou deux armes nucléaires, par exemple dans la guerre en Ukraine, dans les tensions Indo-Pakistanaises ou celles entre l’Iran et Israël.
Engagements écologiques
À l’UQAM, j’ai joui de l’amitié de l’inventeur du concept écologie appliqué à l’être humain, le professeur Pierre Dansereau : parmi ses élèves, on compte diverses sommités brésiliennes et au Québec, Louis-Gilles Francoeur retraité du Bureau d’Audiences Publiques en Environnement et Lucie Sauvé que plusieurs d’entre vous connaissez : pionnière de l’éducation relative à l’environnement avec CENTR’ÈRE, directrice de la revue Éducation relative à l’environnement, le ministère de l’Éducation du Québec vient de lui accorder, le 31 mai, le titre de membre distinguée de l’Ordre de l’excellence en éducation: elle en a profité pour pousser son engagement écologiste.
C’est pourquoi à notre appel du cœur irrésistible, le prof d’université que je suis a aussi tenu à associer les appels dramatiques du GIEC, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat : ses avertissements depuis la COP21 se dramatisent par l’augmentation à chaque saison des ouragans, feux de forêt, inondations, dégel du pergélisol émetteur de méthane (un puissant gaz à effet de serre) et autres événements extrêmes comme ces épisodes de canicules (chaleur extrême), causés en plus grande partie par la rapacité des pétrolières et usines d’armement. Montréal a connu une manifestation d’un demi-million de personnes en septembre 2019 grâce la présence inspirante de Greta Thunberg qui se réfère toujours au GIEC.
Enfin, un autre rapport de l’ONU souligne les liens entre la « perte sans précédent de biodiversité », par exemple à cause de la surpopulation en Chine (même si son gouvernement agit) et la propagation des maladies et pandémies. Nous avons la chance à Montréal d’avoir, à l’université McGill et à l’Hôpital Ste-Justine, la professeure Joanne Liu qui a présidé Médecins sans Frontières et participé à des missions de l’Organisation Mondiale de la Santé, dont Riccardo Petrella estime « inacceptable que l’Organisation Mondiale du Commerce détienne, en matière de santé, des pouvoirs décisionnels supérieurs à ceux de l’OMS ».
Je conclus par quelques mots personnels mais appuyés par plusieurs, même d’Autriche :
- OUI à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne.
- OUI à la Crimée russe.
- NON à l’Ukraine membre de l’OTAN (dont le démantèlement est réclamé par les APLP depuis 1989).
- Envoi de Casques Bleus pour protéger un nouvel accord Minsk assurant un DONBASS autonome et pour finaliser le retrait de l’armée russe.
- OUI à une enquête de la Cour Pénale Internationale sur les crimes de guerre commis par les deux côtés.
[1] Sous la supervision de feu Pierre Beaudet et d’Abdelhamid Benhmade, chapitre 55 de l’ouvrage Enjeux et défis du développement international (Presses de l’Université d’Ottawa, août 2019).
[2] http://www.artistespourlapaix.org/?p=18492 Médias, multiplicateurs de propagande (enquête suisse).
À propos de la Colombie, les nouvelles excellentes: Chères amies, chers amis,
C’est avec émotion que j’ai appris la victoire de Gustavo Petro et Francia Márquez dans les élections présidentielles en Colombie. C’est sans précédent dans l’histoire colombienne: un gouvernement progressiste. Ils arrivent au pouvoir aujourd’hui : un ancien militant d’un mouvement de guerrilla urbaine et leader politique de gauche de long date, maire de Bogota pendant 3 ans, et une militante des droits humains et de l’environnement, afro-descendante, leader de la mobilisation des femmes noires pour la protection de la vie et des territoires ancestraux. Malgré la situation critique de ce pays et le pouvoir important des forces conservatrices, ça suscite beaucoup d’espoir. C’est un moment de célébration ! Un vent de changement souffle en Amérique latine !
Espérons que cette victoire sera suivi de celle de Lula au Brésil en octobre prochain !
Abrazos,
Isabel Orellana
Professeure, Département de didactique, Faculté des sciences de l¹éducation/Institut des sciences de l’environnement
Responsable, Programme court de deuxième cycle en éducation relative à l’environnement
Directrice, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté- Centr’ERE