Dans toutes les confusions de la guerre, quatre principes m’apparaissent limpides :
- la violence est le résultat de l’inconscience morale, et même parfois d’une inconscience extraordinairement soucieuse de le rester. Comme le disent les psy. : la violence se légitime « de distorsions cognitives et de dénis ». La violence est contagieuse par effet de foule, comme une panique;
- l’autodéfense est légitime en conscience et en droit, elle est un acte de la conscience tant qu’elle ne verse pas dans la vengeance;
- le devoir de protection (défendre une victime) exige une conscience assez avancée pour accorder aux autres une valeur équivalente à soi, elle exige même parfois le courage de risquer sa vie;
- la paix est le résultat de la conscience la plus désillusionnée (la moins naïve) et même d’une conscience devenue collectivement soucieuse de préserver la justice et de prévenir la violence partout où elle fait souffrir. Elle s’allume, personne par personne, par éclairs de lucidité et engagements créatifs.
La « guerre » en Ukraine n’en est pas une. Il n’y a pas eu de déclaration de guerre ni de réponse à une telle déclaration. En principe, une guerre « honnête », ressemble à deux combattants qui se lancent un défi et l’acceptent. Ils décident de quitter le monde du droit commun pour entrer dans le monde de la violence (loi du plus fort). Ils renoncent évidemment aux droits de protection. L’Ukraine n’a ni consenti ni répondu à l’invasion par une intention de guerre : auquel cas, elle se sentirait légitime, si elle en avait les moyens, d’envahir la Russie selon la loi du plus fort. Aucune loi de guerre n’a été respectée. Donc, le devoir de protection s’applique.
Il s’agit en réalité d’un viol (attaque contre l’intégrité) où la victime se défend de toutes ses forces pour sauvegarder sa probité la plus légitime. Au-delà d’elle-même, elle défend l’intégrité des autres démocraties. Nous avons un incontestable devoir de protection vis-à-vis d’elle. Ce devoir dépasse l’OTAN et même les Nations-Unies (qui ont déjà jugé de la criminalité de l’attaque russe), il concerne absolument toutes les démocraties et même plus largement, tous ceux qui croient à la valeur du droit au-dessus de la violence, tous ceux qui aspirent à la paix. Ne pas agir ou différer indument l’action, c’est se rendre complice.
La paix qui suit une négociation dans laquelle le plus violent sort gagnant est une « paix pourrie » (comme le disait Bernanos) parce qu’injuste. C’est presque toujours le cas de négociation sous la menace. Une paix pourrie est une bombe enfouie.
À nous d’agir. Imaginons que des milliers de personnes et de journalistes venant de tous les horizons arrivent en Ukraine pour aider concrètement, protéger par leur présence et alerter l’opinion; imaginons que des millions de personnes font la grève de toute complicité avec l’agresseur par achats, revenus ou autrement; imaginons que des milliers d’artistes de tout genre organisent un énorme festival mondial à Kiev pour le premier mai; imaginons que savants, philosophes, musiciens, danseurs russes et dissidents soient invités à New York pour une réunion extraordinaire au Nations-Unies… Tant d’autres actes de solidarité petits ou grands… Je rêve ? Peut-être ! Mais la paix mondiale comme l’équilibre écologique n’arriveront pas autrement; tout le poids de notre amour, de notre espérance, de notre créativité et de notre courage est nécessaire. J’expliquerai bientôt pourquoi.
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